Dans les deux affaires précitées, la Cour a été amenée à préciser :
« Attendu que les sommes accordées à titre transactionnel (…) ne sont pas au nombre de celles limitativement exonérées par l’article 80 duodecimal, qu’elles sont soumises aux cotisations sociales de sécurité sociale et d’allocations familiales en application de l’article L 242-1, à moins que l’employeur ne rapporte la preuve qu’elles concourent, pour tout ou partie, à l’indemnisation d’un préjudice. »
A l’aune de ces décisions, certains salariés n’hésitent pas aujourd’hui, dans le cadre de règlements transactionnels, à solliciter l’exonération totale de l’indemnité transactionnelle.
Cette position n’est pas soutenable pour plusieurs raisons explicitées ci-après.
Tout d’abord, par la référence à l’article 80 duodecies du Code Général des Impôts, la Cour de cassation vient d’abord s’inscrire dans le champ de cet article, lequel ne vise pas explicitement les indemnités transactionnelles.
En effet, l’article 80 duodecies implique, par principe, l’assujettissement à l’impôt de toute indemnité versée à l’occasion de la rupture du contrat de travail, sauf exceptions visées limitativement par ledit article.
Par exception, d’autres indemnités peuvent être partiellement ou entièrement exonérées.
Son entièrement exonérées, en application de cet article :
- l’indemnité forfaitaire proposée en conciliation devant le conseil de prud’hommes (L1235-1),
- de l’indemnité accordée au titre d’une irrégularité de procédure de licenciement (L1235-2),
- d’une indemnité accordée au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse (L1235-3) ou nul (L1235-3-1),
- ou encore d’indemnités versées dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) ou d’un plan de départ volontaire (PDV) (L1233-61 à L1233-64) ainsi que des indemnités de départ versées dans le cadre d’un accord collectif instaurant une rupture conventionnelle collective (RCC) (L1237-19-1)
D’autres indemnités sont partiellement exonérées, telles que la fraction des indemnités de rupture versées en dehors d’un PSE/PDV qui n’excèdent pas le plafond fiscal (soit deux fois la rémunération annuelle brute de l’année civile précédant la rupture ou 50% de l’indemnité versée si ce seuil est supérieur, et ce dans la limite de 6 PASS c’est-à-dire 238.392 € pour 2018 ; soit le montant de l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement).
Ensuite, ces arrêts de la Cour de cassation s’inscrivent dans la droit ligne de la position du Conseil Constitutionnel suite à une décision du 20 septembre 2013 et de la position de l’Administration fiscale selon laquelle la caractérisation des éléments de préjudice qui peuvent échapper à l’impôt doit être justifiée par des pièces, d’autant plus que pour l’Administration fiscale, le dépassement du plafond du barème fixé à l’article L 1235-3 du Code du travail issu des ordonnances Macron peut être requalifié par l’Administration fiscale comme un revenu imposable.
Enfin et par référence à l’article L 242-1 du Code de la Sécurité Sociale, les arrêts de la Cour de cassation entendent bien s’inscrire dans le champ d’application de cet article.
Il convient de rappeler que l’article L 242-1 du Code de la Sécurité Sociale, qui a fait l’objet d’une réécriture par la loi du 12 juin 2018 précisé par le Décret du 27 septembre 2018, dispose :
« I.- Les cotisations de sécurité sociale dues au titre de l'affiliation au régime général des personnes mentionnées aux articles L. 311-2 et L. 311-3 sont assises sur les revenus d'activité tels qu'ils sont pris en compte pour la détermination de l'assiette définie à l'article L. 136-1-1. Elles sont dues pour les périodes au titre desquelles ces revenus sont attribués.
II.- Par dérogation au I, sont exclus de l'assiette des cotisations de sécurité sociale :
1° Les sommes allouées au salarié au titre de l'intéressement prévu à l'article L. 3312-4 du code du travail ;
2° Les sommes réparties au titre de la réserve spéciale de participation conformément aux dispositions de l'article L. 3324-5 du même code ;
3° Les sommes versées par l’employeur à un plan d'épargne en application de l'article L. 3332-11 du même code ;
4° Les contributions des employeurs destinées au financement des prestations de protection sociale complémentaire entrant dans le champ des articles L. 911-1 et L. 911-2 du présent code, servies au bénéfice de leurs salariés, anciens salariés et de leurs ayants droit, par des institutions de prévoyance, par des institutions de gestion de retraite supplémentaire, par des mutuelles et unions pratiquant des opérations d'assurance et de capitalisation ou par des entreprises régies par le code des assurances, lorsque les garanties revêtent un caractère obligatoire et bénéficient à titre collectif à l'ensemble des salariés ou à une partie d'entre eux, sous réserve qu'ils appartiennent à une catégorie établie à partir de critères objectifs déterminés par décret en Conseil d'Etat :
a) Dans des limites fixées par décret, pour les contributions au financement de prestations de retraite supplémentaire déterminées par décret. L'abondement de l’employeur à un plan d'épargne pour la retraite collectif exonéré aux termes de l'article L. 3334-6 du code du travail est pris en compte pour l'application de ces limites ;
b) Dans des limites fixées par décret, pour les contributions au financement de prestations complémentaires de prévoyance, à condition, lorsque ces contributions financent des garanties portant sur la prise en charge de frais de santé, que ces garanties soient conformes aux dispositions de l'article L. 871-1 du présent code. L'exclusion d'assiette est aussi applicable au versement de l’employeur mentionné à l'article L. 911-7-1.
Les dispositions du présent 4° ne sont pas applicables lorsque les contributions des employeurs se substituent à d'autres revenus d'activité qui ont été soumis à cotisations en application du I du présent article et versés au cours des douze derniers mois ;
5° La contribution de l’employeur d'une entreprise de moins de cinquante salariés à l'acquisition des chèques-vacances, dans les conditions fixées aux articles L. 411-9 et L. 411-10 du code du tourisme ;
6° Les avantages mentionnés au I des articles 80 bis et 80 quaterdecies du code général des impôts. L'avantage correspondant à la différence définie au II de l'article 80 bis du même code est pris en compte dans la détermination de l'assiette définie au I du présent article lors de la levée de l'option ;
7° Dans la limite de deux fois le montant annuel du plafond défini à l'article L. 241-3 du présent code, les indemnités versées à l'occasion de la rupture du contrat de travail ou de la cessation forcée des fonctions de mandataires sociaux, dirigeants et personnes mentionnées à l'article 80 ter du code général des impôts qui ne sont pas imposables en application de l'article 80 duodecies du même code. Toutefois, sont intégralement assujetties à cotisations les indemnités versées à l'occasion de la cessation forcée des fonctions de mandataires sociaux, dirigeants et personnes mentionnées à l'article 80 ter du même code d'un montant supérieur à cinq fois le montant annuel du plafond défini à l'article L. 241-3 du présent code, ainsi que celles versées à l'occasion de la rupture du contrat de travail d'un montant supérieur à dix fois le montant de ce même plafond. En cas de cumul d'indemnités versées à l'occasion de la cessation forcée des fonctions et de la rupture du contrat de travail, il est fait masse de l'ensemble de ces indemnités ; lorsque le montant de celles-ci est supérieure à cinq fois le montant annuel du plafond défini à l'article L. 241-3, ces indemnités sont intégralement assujetties à cotisations. »
En synthèse, cet article pose, en son alinéa 1, le principe de l’assujettissement à cotisations sociales.
L’alinéa 3 prévoit, quant à lui, les exceptions à l’assujettissement dans les conditions suivantes :
« […] indépendamment de leur assujettissement à l’impôt sur le revenu, les indemnités versées à l’occasion de la rupture du contrat de travail, dans la limite du plus petit des montants suivants :
- le montant prévu par la convention collective de branche, l’accord professionnel ou interprofessionnel ou la loi si ce dernier est le plus élevé, ou, en l’absence de montant légal ou conventionnel pour le motif concerné, le montant de l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement,
- le montant fixé en application du 7° du II de l’article L. 242-1 du présent code».
En conclusion et selon nous, il apparaît clairement que les arrêts de la Cour de cassation précités n’entendent pas remettre en cause l’application du plafond de deux PASS aux indemnités transactionnelles versées en réparation des préjudices découlant d’un règlement transactionnel à l’occasion de la rupture du contrat de travail.