Le salarié licencié en violation de la protection spéciale des victimes d’accidents du travail, qui sollicite sa réintégration, bénéficie d’une indemnité correspondant aux salaires qu’il aurait dû percevoir ente la date de son licenciement et sa réintégration. La somme ainsi allouée est soumise à cotisations sociales, précise la Cour de cassation dans un arrêt du 16 octobre 2019.
En juillet 2009, un salarié en arrêt de travail, suite à un accident du travail, a été licencié pour cause réelle et sérieuse.
Il a saisi la juridiction prud'homale, pour faire déclarer nul son licenciement en raison d’une discrimination liée à son état de santé et obtenir sa réintégration, ainsi que le paiement de diverses indemnités.
La cour d’appel a considéré, que le licenciement prononcé était bien nul, mais du fait de la violation de la protection spéciale, dont bénéficie les victimes d’accidents du travail ou de maladies professionnelles (articles L 1226-9 et L 1226-13 du Code du travail).
Dans ce contexte, le salarié s’est vu accorder une indemnité d’éviction, équivalente aux « salaires perdus » entre son licenciement et sa réintégration, mais diminuée des revenus de remplacement perçus pendant la même période.
Par ailleurs, la cour d’appel a précisé que l’indemnité allouée devait être exonérée de cotisations sociales, rejetant de ce fait les demandes de régularisation de cotisations et de remises de bulletin de paye présentées par le salarié.
Ces deux points se sont retrouvés en débat devant la Cour de cassation.
L’indemnité d’éviction s’entend sous déduction des revenus de remplacement
Devant la cour de cassation, l’argument du salarié était simple :
– le licenciement en violation de la protection spéciale prévue en cas de suspension du contrat de travail pour accident du travail caractérisait une atteinte au droit fondamental à la protection de la santé, garanti par la Constitution,
– dès lors, son indemnité d’éviction devait donc correspondre au montant des salaires dont il avait été privé, sans déduction des revenus de remplacement perçus, comme cela a été jugé par le passé pour un licenciement discriminatoire en raison de l'état de santé (cass. soc. 11 juillet 2012, n° 10-15.905, BC V n° 218).
Or, dans cette affaire, le salarié n’a pas réussi à démontrer une discrimination à raison de l’état de santé.
La Cour de cassation a refusé de suivre l’argumentation du salarié et confirmé le raisonnement des juges d’appel : le salarié dont le licenciement est nul en application de la protection des victimes d’accident du travail (articles L 1226-9 et L 1226-13 du Code du travail) et qui demande sa réintégration a droit au paiement d’une somme correspondant à la réparation du préjudice subi entre son licenciement et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé.
On signalera, que la Cour avait déjà posé ce principe par le passé, dans des termes voisins (cass. soc. 25 janvier 2006, n° 03-47.517, BC V n° 27).
Au cas d'espèce, les revenus de remplacement perçus par le salarié pendant la période d’éviction venaient donc bien minorer le montant de l’indemnité due par l’employeur.
L’indemnité d’éviction est soumise à cotisations sociales
La cour d’appel avait considéré que l’indemnité d’éviction correspondait à des dommages intérêts exonérés de cotisations sociales, en conséquence de quoi elle avait refusé de condamner l’employeur à régulariser les cotisations et à délivrer des bulletins de salaire.
La Cour de cassation a invalidé ce raisonnement et a souligné, que la somme allouée au salarié dont le licenciement a été annulé, à titre de réparation du préjudice lié à la période d’éviction dans la limite des salaires dont il a été privé, est versée à l’occasion du travail.
Elle doit donc supporter les cotisations sociales afférentes aux éléments de rémunération.
L’affaire sera donc rejugée sur ce point.
A notre connaissance, c’est la première fois que la Cour se prononce de cette façon sur l’indemnité d’éviction allouée au salarié.
Il convient de rappeler cependant, que la Cour de cassation ne fait pas une assimilation pleine et entière avec un élément de rémunération, puisqu’elle a indiqué que le salarié ne pouvait prétendre à des congés payés pour la période d'éviction entre son licenciement et sa réintégration (cass. soc. 11 mai 2017, n° 15-19.731).