Dans l’arrêt du 25 septembre 2019 (n°17-31171), la Cour de cassation considère que le « jeu de séduction réciproque » entre le supérieur hiérarchique et la salariée qui plaidait être harcelée sexuellement, permettait d’écarter cette qualification de harcèlement sexuel.
Cet arrêt n’est pas publié au bulletin des arrêts de la Cour de cassation.
Rappel des faits
Engagé le 3 avril 2000 par la société Transdev Ile-de-France en qualité de responsable d’équipe pour exercer au dernier état de la relation contractuelle les fonctions de responsable d’exploitation, M. G. a été licencié pour faute grave le 31 juillet 2014, pour des faits de harcèlement sexuel.
Dans un arrêt du 11 octobre 2017, la Cour d’appel de Versailles a considéré que le licenciement pour harcèlement sexuel ne reposait pas sur une faute grave et elle a condamné la société à payer au salarié des sommes à titre d’indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents, d’indemnité de licenciement, de salaire au titre de la mise à pied conservatoire et de congés payés afférents.
La société s’est pourvue en cassation.
Dans un arrêt du 25 septembre 2019, la Cour de cassation rejette le pourvoi de la société.
Arrêt du 25 septembre 2019 de la Cour de cassation
• L’envoi à sa subordonnée, depuis son téléphone professionnel, de SMS au contenu déplacé et pornographique, adoptant ainsi un comportement lui faisant perdre toute autorité et toute crédibilité peut justifier un licenciement disciplinaire
L’employeur fait grief à l’arrêt de dire que le licenciement ne repose pas sur une faute grave et de le condamner à payer au salarié des sommes à titre d’indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents, d’indemnité de licenciement, de salaire au titre de la mise à pied conservatoire et de congés payés afférents.
La Cour de cassation relève que « le salarié, exerçant les fonctions de responsable d’exploitation d’une entreprise comptant plus de cent personnes, avait, depuis son téléphone professionnel, de manière répétée et pendant deux ans, adressé à une salariée dont il avait fait la connaissance sur son lieu de travail et dont il était le supérieur hiérarchique, des SMS au contenu déplacé et pornographique, adoptant ainsi un comportement lui faisant perdre toute autorité et toute crédibilité dans l’exercice de sa fonction de direction et dès lors incompatible avec ses responsabilités, la cour d’appel a pu en déduire que ces faits se rattachaient à la vie de l’entreprise et pouvaient justifier un licenciement disciplinaire ».
• Le salarié avait envoyé, depuis son téléphone professionnel, de manière répétée et durable entre 2011 et 2013, des SMS au contenu déplacé et pornographique à une salariée avec laquelle il était entré dans un jeu de séduction réciproque, ces faits n’étaient pas constitutifs d’une faute grave rendant impossible le maintien du salarié dans l’entreprise
L’employeur plaidait :
– que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise,
– qu’à supposer même qu’il ne puisse recevoir la qualification de harcèlement sexuel stricto sensu, le comportement d’un supérieur hiérarchique consistant à adresser de manière répétée et très insistante des messages SMS licencieux et même à caractère pornographique, à partir de son téléphone portable professionnel, constitue une faute grave justifiant un départ immédiat du salarié de l’entreprise,
– que la cour d’appel a constaté qu’il était établi que le salarié avait de manière répétée et insistante adressé à Mme I… des SMS au contenu déplacé et même pornographique, la salariée victime de ce comportement ayant finalement alerté son employeur et déposé une main-courante,
– qu’il ressortait encore de ses constatations que l’employeur avait réagi de manière immédiate dès qu’il avait eu connaissance du comportement gravement déplacé du salarié, qu’il avait aussitôt mis à pied et convoqué à un entretien préalable, sans donc nullement tolérer le comportement en cause,
– qu’il ressort enfin des constatations de la cour d’appel que dans la lettre de licenciement l’employeur avait pris soin de préciser au salarié que « soit votre comportement relève du harcèlement sexuel, soit à tout le moins il est immoral et en incompatibilité totale avec les fonctions que vous occupez »,
– qu’en écartant néanmoins l’existence d’une faute grave, la cour d’appel a violé l’article L. 1234-9 du code du travail.
La Cour de cassation rejette néanmoins le pourvoi.
Elle affirme qu’ "ayant constaté, par motifs propres et adoptés, que le salarié avait envoyé, depuis son téléphone professionnel, de manière répétée et durable entre 2011 et 2013, des SMS au contenu déplacé et pornographique à une salariée avec laquelle il était entré dans un jeu de séduction réciproque, la cour d’appel a pu en déduire que ces faits n’étaient pas constitutifs d’une faute grave rendant impossible le maintien du salarié dans l’entreprise ; qu’exerçant les pouvoirs qu’elle tient de l’article L. 1235-1 du code du travail, elle a décidé que ces faits constituaient une cause réelle et sérieuse de licenciement".
Analyse
• Envoi de SMS au contenu déplacé et pornographique = fait perdre toute autorité et crédibilité au manager → Justifie un licenciement disciplinaire
Tout d’abord, la Cour de cassation considère que peut justifier un licenciement disciplinaire, l’envoi par un supérieur hiérarchique à sa subordonnée, depuis son téléphone professionnel, de SMS au contenu déplacé et pornographique, adoptant ainsi un comportement lui faisant perdre toute autorité et toute crédibilité.
Des messages de nature pornographique sont rattachables à l’entreprise et incompatibles avec les responsabilités du supérieur hiérarchique.
Il faut noter que le téléphone utilisé par le manager pour l’envoi des SMS de nature pornographique était son téléphone professionnel.
Il est probable que la solution aurait été la même si les SMS avaient été envoyés avec son téléphone personnel, car le manager doit avoir un comportement exemplaire.
• La séduction réciproque Manager/subordonnée disqualifie le harcèlement sexuel → la faute grave ne peut pas être retenue
Par ailleurs, dans cette affaire, le responsable d’exploitation avait envoyé, depuis son téléphone professionnel, de manière répétée et durable entre 2011 et 2013, des SMS au contenu déplacé et pornographique à une salariée avec laquelle il était entré dans un jeu de séduction réciproque.
La Cour de cassation suivant l’argumentation de la Cour d’appel de Versailles considère que ces faits ne sont pas constitutifs d’une faute grave rendant impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.
L’article 1153-1 du code du travail dispose que « Les agissements de harcèlement de toute personne dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle à son profit ou au profit d’un tiers sont interdits ».
La Cour de cassation considère qu’il n’y a un jeu de « séduction réciproque » et non harcèlement sexuel du fait de l’attitude de la salariée et du contexte relationnel entre les deux salariés.
Cet arrêt doit être approuvé.