Les conventions de forfait en jours sur l’année présentent un avantage incontestable pour l’employeur : elles lui permettent en principe d’échapper à une demande de paiement d’heures supplémentaire de la part du salarié !
En effet, les salariés ayant conclu une convention de forfait ne sont pas soumis à la durée légale hebdomadaire du travail (fixée à 35 heures), ainsi qu’aux dispositions relatives aux durées maximales quotidiennes et hebdomadaires prévues par le Code du travail (article L 3121-62 du Code du travail).
Ils bénéficient en contrepartie de jours de repos supplémentaires.
Si les cadres, qui ne comptent souvent pas leurs heures, sont les premiers concernés par ce dispositif, ce « privilège » ne leur est plus exclusivement réservé, la loi Travail en ayant étendu le champ d’application à tous les « salariés dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d’une réelle autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps pour l’exercice des responsabilités qui leur sont confiée », y compris donc, s’ils ne sont pas cadres (article L 3121-58 du Code du travail).
Des agents de maîtrise disposant d’une réelle autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps peuvent ainsi parfaitement conclure une convention de forfait en jours sur l’année avec leur employeur.
On observe fréquemment que lorsque les relations de travail se dégradent et qu’un salarié qui a une charge de travail importante, soir et week-end compris, souvent au détriment de sa vie personnelle, prend conscience de l’existence d’un déséquilibre entre son implication et la reconnaissance toute relative qui lui est accordée par l’employeur, la question de la validité de la convention de forfait vient vite à se poser.
En dépit des modifications législatives récentes tendant pour l’essentiel à réduire les moyens de contestation des salariés à cet égard, la jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de cassation est à ce sujet d’une rare et heureuse constance, elle témoigne d’un niveau d’exigence assez élevé et veille à s’assurer que la convention de forfait ne fait pas obstacle à la garantie du respect de durées raisonnables de travail.
Dans ce contexte, la Cour régulatrice a été amenée à annuler de nombreux accords collectifs qui ne remplissaient pas cette condition.
Elle vient d’en faire une nouvelle démonstration.
Il convient de rappeler en préalable que la validité d’une convention de forfait en jours nécessite la rédaction écrite d’une convention individuelle signée par le salarié, de sorte qu’une convention de forfait ne pourrait se déduire de la seule circonstance que le salarié exerce une fonction à responsabilité, sans être complétée par un écrit (article L 3121-55 du Code du travail).
Elle doit en outre reposer sur une convention collective ou un accord collectif, d’entreprise, ou d’établissement, prévoyant la mise en place de conventions de forfait annuelles (article L 3121-63 du Code du travail).
C’est souvent à l’occasion d’un contentieux portant sur la contestation de son licenciement, comme c’est le cas dans cette affaire, que le salarié demande également au juge de prononcer l’annulation de la convention de forfait en jours, ce qui ouvre droit au paiement des heures supplémentaires qu’il a effectuées.
Le directeur général d’une association ayant été licencié pour faute grave avait donc saisi le Conseil de prud’hommes de demandes relatives à la rupture de son contrat de travail ainsi qu’au paiement de rappels de salaire au titre des heures supplémentaires.
La Cour d’appel l’avait débouté de ces dernières prétentions.
La Chambre sociale de la Cour de cassation censure cette décision, et pose en exergue deux règles impératives :
• Le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles,
• Toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail, ainsi que des repos journaliers et hebdomadaires.
Analysant ensuite la convention collective des organismes gestionnaires de foyers et services pour jeunes travailleurs, applicable en l’espèce, elle relève que celle-ci prévoit certes, l’année de la conclusion de la convention de forfait, que la hiérarchie devra examiner avec le cadre concerné sa charge de travail et les éventuelles modifications à y apporter lors d’un entretien, et que les années suivantes, l’amplitude de la journée d’activité et la charge de travail du cadre seront examinées lors de l’entretien professionnel annuel, mais que elle considère que ces dispositions sont insuffisantes.
La Chambre sociale reproche en effet aux dispositions de cette convention collective de ne pas ne prévoir de suivi effectif et régulier par la hiérarchie des états récapitulatifs de temps travaillé, permettant à l’employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable, de sorte qu’elles ne sont pas de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et à assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail de l’intéressé.
En conséquence, la convention de forfait en jours est nulle.