Dans cette affaire, un salarié, consultant dans une entreprise de développement de logiciels d’aide à la décision, est détaché en mission au sein d’un technocentre Renault.
Au cours de cette mission, la société Renault, cliente, se plaint du militantisme politique du salarié en mission auprès de son employeur.
Suite à cette plainte, le salarié fait l’objet d’un « recadrage » informel par son employeur.
Lors de cet entretien, le salarié réalise un enregistrement audio des propos de son employeur, à son insu, sur les pratiques antisyndicales qui auraient cours au sein du technocentre Renault et organise ensuite la diffusion de cet enregistrement sur Youtube.
Dans ce contexte, le salarié s’est vu notification son licenciement pour faute grave pour manquement à son obligation de loyauté et de bonne foi matérialisé par l’enregistrement lui-même et sa diffusion.
Le salarié a saisi la juridiction prud’homale en contestation de ce licenciement en référé en faisant valoir la protection due aux « lanceurs d’alerte ».
Au dernier état, la Cour d’appel lui avait reconnu la qualité de « lanceur d’alerte » pour avoir révélé « des faits d’atteinte à la liberté d’expression » et avait en conséquence considéré son licenciement, pris en violation de ce statut, comme entaché de nullité.
Saisie par l’employeur, la Haute Cour casse l’arrêt de la Cour d’appel et juge que la seule atteinte éventuelle à la liberté d’expression « sans constater que le salarié avait relaté ou témoigné de faits susceptibles d’être constitutifs d’un délit ou d’un crime » ne permettait pas à l’intéressé de se prévaloir du statut protecteur attaché au « lanceur d’alerte ».
La Cour de cassation se fonde sur l’article L. 1132-3-3 du Code du travail, aux termes duquel « aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte […] pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions ».
Ainsi, les magistrats de la Haute Cour rappellent que le statut de « lanceur d’alerte » n’est pas accessible à tout salarié dénonçant un quelconque fait, fut-il immoral ou contestable, mais bien au seul salarié relatant des faits susceptibles de constituer un délit ou un crime.
Il convient cependant de noter que le licenciement du salarié n’était pas fondé sur sa dénonciation en elle-même, mais sur un manquement à l’obligation de loyauté pour avoir procéder à un enregistrement « clandestin » et l’avoir ensuite diffusé.
La solution aurait pu être différente si le licenciement avait été fondé sur la dénonciation en elle-même.
En effet, un salarié ne peut pas être licencié pour un motif tiré d’une dénonciation, sauf en cas de mauvaise foi, qui ne peut que résulter de la connaissance de la fausseté des faits.
Or, le simple fait que la dénonciation du salarié soit infondée n’est pas de nature à démontrer une telle mauvaise foi, de sorte que le licenciement fondé sur ce seul motif est nul (Cass. soc., 8 juill. 2020, n° 18-13.593).
Il convient en conséquence d’être particulièrement vigilant lorsque la rupture du contrat de travail d’un salarié s’érigeant en « lanceur d’alerte » est envisagée.