Applicable depuis le 23 décembre 2017, le dispositif de rupture conventionnelle collective (RCC) a été utilisé par de nombreuses grandes entreprises, telles que PSA, IBM, la SOCIETE GENERALE ou bien encore SANOFI AVENTIS.
Nombreuses sont également les PME qui ont eu recours à ce dispositif.
Qu’est-ce que la rupture conventionnelle collective ?
La rupture conventionnelle collective peut se définir comme un dispositif permettant d’opérer des suppressions d’emploi, sur la base du volontariat, sans avoir à passer par des licenciements pour motif économique.
Telle qu’envisagée par le législateur, la rupture conventionnelle collective est susceptible de répondre à deux principales attentes de l’employeur :
- d’une part, dès lors qu’elle permet la suppression d’emplois identifiés en amont comme n’étant plus prioritaires, la rupture conventionnelle collective s’analyse comme un excellent outil de gestion prévisionnelle des emplois, mais aussi comme un dispositif de restructuration « à froid »,
- d’autre part, la mise en place d’un dispositif de rupture conventionnelle collective suppose de prévoir au profit des salariés candidats à un départ des mesures d’accompagnement et de reclassement externe, de sorte qu’il s’agit aussi d’un outil permettant d’encadrer les parcours individuels des collaborateurs.
Mise en place d’une rupture conventionnelle collective
Par principe, la mise en place d’un dispositif de rupture conventionnelle collective s’effectue en deux temps.
Dans un premier temps, l’employeur doit négocier et conclure avec ses Délégués Syndicaux (DS) un accord collectif portant rupture conventionnelle collective déterminant un certain nombre de points, tels que notamment le nombre maximal de suppressions d’emplois envisagées, les modalités d’information et de consultation du CSE, s’il existe, les conditions d’éligibilité des salariés au dispositif, les modalités de calcul des indemnité de rupture, ainsi que les mesures visant à faciliter l’accompagnement et le reclassement externe des salariés.
Dans un second temps, l’employeur ou les organisations syndicales représentatives signataires doivent déposer l’accord collectif auprès de la DIRECCTE, laquelle exercera alors un contrôle sur les points suivants :
- le fait que l’accord collectif exclut le recours à des licenciements pour motif économique durant un délai raisonnable,
- la présence de l’ensemble des clauses obligatoires,
- le caractère précis et concret des mesures d’accompagnement et de reclassement,
- ainsi que, le cas échéant, la régularité de la procédure d’information et de consultation du CSE.
Avantages et inconvénients de la RCC
Les avantages d’une RCC pour l’employeur sont :
- absence de nécessité de démontrer un motif économique, contrairement à l’hypothèse d’un PSE,
- procédure relativement simple et plus courte qu’un PSE, sous réserve de parvenir rapidement à un accord collectif avec les Délégués Syndicaux,
- absence d’obligations lourdes classiquement applicables en matière de PSE (obligation de reclassement, congé de reclassement, priorité de réembauchage),
- sécurité juridique des suppressions d’emplois actées,
- limitation du risque social et médiatique, compte tenu du fait que le dispositif repose sur la base du volontariat.
Les inconvénients d’une RCC pour l’employeur sont :
- obligation de négocier et conclure un accord collectif portant rupture conventionnelle collective, ce qui suppose souvent pour l’employeur de proposer des indemnités de rupture et des mesures de reclassement très intéressantes pour les collaborateurs,
- dispositif reposant sur le volontariat, de sorte que si aucun collaborateur n’est volontaire pour un départ, l’entreprise ne pourra pas atteindre ses objectifs en termes de suppressions d’emplois,
- obligation de prendre un engagement de ne pas procéder à des licenciements pour motif économique durant un délai raisonnable
Depuis le 23 décembre 2017, des accords de rupture conventionnelle collective peuvent être conclus par les employeurs souhaitant, sur la base de candidatures volontaires de salariés, réduire leur effectif et procéder à des suppressions en dehors de tout licenciement économique.
Ce nouveau dispositif autonome de rupture du contrat de travail, issue de l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 et applicable depuis la parution des décrets n° 2017-1723 et n° 2017-1724 au Journal Officiel du 22 décembre 2017, s’inspire des dispositifs existants des plans de départ volontaire et de la rupture conventionnelle individuelle.
Il permet en effet aux entreprises de prévoir, par accords collectif soumis à validation de l’administration, des suppressions d’emploi sans avoir à procéder à des licenciements ou à justifier d’un motif économique.
Remodelé partiellement par la loi de ratification du 14 février 2018, le régime légal de ces ruptures est désormais relativement stabilisé et fixé aux articles L.1237-19 à 1237-19-14 du Code du travail.
Déjà mis en place par de nombreuses entreprises, les accords de rupture conventionnelle collective sont appelés à devenir un instrument privilégié de gestion des effectifs par les entreprises.
Leur mise en œuvre, qui s’appuie sur un système de candidatures des salariés à la rupture de leur contrat de travail, passe par la conclusion d’un accord avec les partenaires sociaux de l’entreprise et sa validation par l’administration.
1. LA Préparation et la mise en place du projet de rupture conventionnelle collective
Les accords de rupture conventionnelle collective sont conclus selon des modalités de droit commun et doivent comporter un contenu obligatoire.
1.1. Modalités de conclusion de l’accord portant projet de rupture conventionnelle collective
Cet accord est soumis au droit commun de la négociation collective, et peut donc être négocié avec les partenaires suivants :
Dans les entreprises dépourvues de délégué syndical
Dans les entreprises dont l’effectif est inférieur à 11 salariés, et celles dont l’effectif est inférieur à 20 salariés sans qu’il y ait eu de Comité social et économique (CSE) mis en place : l’employeur peut soumettre un projet d’accord à l’approbation des deux tiers des salariés.
Dans les entreprises dont l’effectif est compris entre 11 et 50 salariés avec un CSE mis en place :
- soit par négociation avec salariés expressément mandatés par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives (OSR) au niveau nationale et interprofessionnel, élus ou non ; l’accord étant soumis à l’approbation des salariés de l’entreprise à la majorité des suffrages exprimés,
- soit par négociation avec des élus du CSE mandatés ou non, représentant 50% des suffrages exprimés aux dernières élections professionnelles.
Dans les entreprises dont l’effectif est supérieur à 50 salariés :
- soit par négociation avec un ou plusieurs salariés, élus ou non, mandatés par une organisation syndicale représentative dans la branche dont relève l’entreprise, ou, à défaut, au niveau national ou interprofessionnel, suivi d’une approbation des salariés à la majorité des suffrages exprimés,
- soit par négociation avec des élus non mandatés, signé par des membres du CSE représentant la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles.
Dans les entreprises pourvues de délégués syndicaux.
Les nouvelles règles de conclusion des accords collectifs d’entreprise pourvues de délégués syndicaux, normalement applicables au 1er Mai 2018 se sont appliqués, par exception, aux accords portant rupture conventionnelle collective dès la date de parution des décrets d’application le 23 décembre 2017.
La validité de l’accord portant rupture conventionnelle est donc d’ores et déjà conditionné à sa signature par :
- une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli plus de 50 % des suffrages exprimés en faveur d’organisations représentatives au premier tour des dernières élections des titulaires au comité social et économique, quel que soit le nombre de votants,
- des organisations syndicales représentatives ayant recueilli plus de 30 % des suffrages exprimés en faveur d’organisations représentatives au premier tour des élections mentionnées au premier alinéa, quel que soit le nombre de votants, à condition qu’une ou plusieurs de ces organisations syndicales demandent la consultation des salariés visant à valider l’accord
1.2. Contenu de l’accord
L’accord portant rupture conventionnelle collective doit obligatoirement comporter les clauses :
1° Les modalités et conditions d’information du comité social et économique, s’il existe.
2° Le nombre maximal de départs envisagés, de suppressions d’emplois associées, et la durée pendant laquelle des ruptures de contrat de travail peuvent être engagées sur le fondement de l’accord.
3° Les conditions que doit remplir le salarié pour en bénéficier.
4° Les modalités de présentation et d’examen des candidatures au départ des salariés, comprenant les conditions de transmission de l’accord écrit du salarié au dispositif prévu par l’accord collectif.
4° bis Les modalités de conclusion d’une convention individuelle de rupture entre l’employeur et le salarié et d’exercice du droit de rétractation des parties.
5° Les modalités de calcul des indemnités de rupture garanties au salarié, qui ne peuvent être inférieures aux indemnités légales dues en cas de licenciement.
6° Les critères de départage entre les potentiels candidats au départ.
7° Des mesures visant à faciliter l’accompagnement et le reclassement externe des salariés sur des emplois équivalents, telles que le congé de mobilité, des actions de formation, de validation des acquis de l’expérience ou de reconversion ou des actions de soutien à la création d’activités nouvelles ou à la reprise d’activités existantes par les salariés.
8° Les modalités de suivi de la mise en œuvre effective de l’accord portant rupture conventionnelle collective.
Comme nous le rappelions récemment, la loi de ratification adoptée le 14 février 2018 (en son article 11) a étendu la possibilité de conclure des accords de rupture conventionnelle a toutes les entreprises, y compris celles dépourvues de comité social et économique.
Elle a ainsi rajouté a mention « s’il existe » ou « le cas échéant », chaque fois que l’institution est citée dans les textes et notamment dans l’article L.1237-19-1 ainsi remanié.
Tandis que le suivi de la mise en œuvre de l’accord fait l’objet d’une « consultation régulière et détaillée » des représentants du personnel dont les avis sont transmis à l’autorité administrative (Article L.1237-19-7 du Code du travail), il n’est prévu qu’une seule information au stade de la conclusion de l’accord collectif portant rupture conventionnelle collective.
2. Validation de l’accord collectif par l’administration
L’administration est impliquée dans le processus de rupture conventionnelle collective puisque la DIRECCTE du lieu de l’entreprise ou de l’établissement concernée par le projet d’accord (ou en cas d’accord portant sur plusieurs établissements, l’autorité administrative désignée par décision ministérielle) :
- est informée dès l’ouverture des négociations en vue de la conclusion de l’accord collectif,
- valide l’accord conclu, dès lors qu’elle s’est assurée de sa conformité à la loi (notamment de l’absence de licenciement pour parvenir à l’objectif de réduction d’effectif fixé), de la présence des clauses obligatoires prévues, du caractère précis et concret des mesures de reclassement externes précitée et le cas échéant, de la régularité de la procédure d’information des représentants du personnel,
- est associée au suivi de ces mesures et reçoit un bilan, établi par l’employeur, de la mise en œuvre de l’accord portant rupture conventionnelle collective.
A compter de la réception d’un dossier complet comprenant l’accord, les informations relatives à la régularité de sa conclusion et de la procédure d’information des représentants du personnel, l’administration dispose d’un délai de quinze jours calendriers pour notifier sa décision motivée à l’employeur et aux représentants du personnel, s’ils existent.
2.1. Décision de validation
Le silence gardé par l’autorité administrative à l’issue de ce délai vaut décision d’acceptation de validation.
Dans ce cas, l’employeur transmet une copie de la demande de validation, accompagnée de son accusé de réception par l’administration, au comité social et économique, s’il existe, et aux signataires de l’accor
La décision de validation ou, en cas de décision implicite, la copie de demande validation avec l’accusé de réception par l’administration, les voies et délais de recours sont portés à la connaissance des salariés par voie d’affichage sur leurs lieux de travail ou par tout autre moyen permettant de conférer date certaine à cette information.
Compte tenu d’une décision récente du Conseil d’Etat rendue en matière de plan de sauvegarde de l’emploi, il sera recommandé d’afficher également le texte même de l’accord conclu afin de bien faire commencer à courir les délais de recours affichés (CE, 7 févr. 2018, n° 399838).
2.2. Refus de validation
Le texte régissant l’hypothèse du refus de validation par l’administration a été entièrement réécrit par la loi de ratification du 14 février 2018.
Alors que l’ancien texte pouvait être interprété comme autorisant l’employeur à modifier unilatéralement le projet de rupture conventionnelle collective avant de former une nouvelle demande auprès de l’administration, il est précisé pour l’avenir qu’en cas de refus de validation, c’est « un nouvel accord qui peut être négocié », celui-ci devant tenir compte des éléments de motivation accompagnant la décision de l’administration.
Le comité social et économique, s’il existe, est informé de la reprise de la négociation. Le nouvel accord conclu est transmis à l’autorité administrative, qui se prononce dans les conditions précitées.
Une fois l’accord conclu et autorisé par la DIRECCTE, il peut être mis en oeuvre et fonder les ruptures des contrats de travail des salariés qui se sont portés candidats.
3. La rupture autonome du contrat de travail
L’acceptation par l’employeur d’une candidature du salarié dans le cadre de la rupture conventionnelle collective emporte rupture du contrat de travail d’un commun accord des parties : il ne s’agit ni d’une démission, ni d’un licenciement.
Le dispositif est conçu de façon à préserver les consentements des salariés en même temps qu’il ne leur crée aucun « droit au départ », chaque candidature devant répondre à des critères établis avec les partenaires sociaux et être acceptée par l’employeur.
3.1. Application du dispositif conventionnel : appel à candidatures et examen objectif de celles-ci
Comme rappelé précédemment, l’accord organisant les ruptures conventionnelles doit préciser les conditions que doit remplir le salarié pour y prétendre ainsi que les modalités de présentation et d’examen de leurs candidatures.
Les dispositions d’ordre public, relatives à la prohibition de la discrimination basée sur des critères tels que l’âge, le sexe, la religion, l’origine… ont vocation à s’appliquer à ces critères.
Des critères de départage entre les potentiels candidats au départ doivent également être prévus, le texte anticipant ainsi l’hypothèse où le nombre de candidats au départ serait supérieur au « nombre maximal de départs » prévus par l’accord.
Dans l’hypothèse inverse, où le nombre de candidats serait inférieur aux départs prévus, l’employeur ne peut pas procéder à des licenciements puisque la validité de l’accord collectif est subordonnée à l’absence de tout licenciement pour parvenir à l’objectif de suppressions d’emplois.
Les accords de rupture conventionnelles collectives sont donc, une fois mis en oeuvre, « à prendre ou à laisser ».
3.2. La rupture ne peut résulter que de l’acceptation par l’employeur d’une candidature libre et éclairée du salarié
Si la candidature du salarié est acceptée, la rupture de son contrat ne peut survenir qu’à l’issue d’un délai de rétractation prévu par l’accord collectif, et doit être formalisée par une convention individuelle écrite.
Ces mesures visent à garantir la présence d’un consentement libre et éclairé du salarié dont le contrat est rompu.
Dans cette même perspective, il sera préférable de de demander et de conserver des lettres de candidature écrites de la part des salariés volontaires au départ.
Ces conventions individuelles ne font pas l’objet d’une homologation par la DIRECCTE, à l’exception de celles concernant des salariés protégés de l’entreprise.
3.3. Indemnisation et accompagnement du salarié dont le contrat est rompu
Le salarié dont le contrat est rompu a droit :
- aux allocations chômages,
- aux indemnités de rupture prévues par l’accord collectif d’entreprise qui ne peuvent être inférieures aux indemnités légales de licenciement et qui sont, contrairement à l’indemnité de rupture conventionnelle individuelle, exonérées sans limite d’impôts sur le revenu.
A compter de la date de rupture de son contrat, il dispose de douze mois pour en contester la validité devant le Conseil de prud’hommes.
3.4. Obligation de revitalisation du bassin d’emploi pour les entreprises de plus de 1.000 salariés
Lorsque l’ampleur des suppressions d’emploi affecte l’équilibre du ou des bassins d’emploi dans lesquels est implantée l’entreprise qui met en place un dispositif de RCC, les entreprises ou établissements ou groupe d’entreprises de plus de 1.000 salariés doivent contribuer financièrement à la création d’activité et au développement des emplois dans ce bassin.
Le ou les préfets du département concerné, après avoir recueilli les observations de l’entreprise, l’informe si elle est soumise à cette obligation de revitalisation des bassins d’emplois dans un délai d’un mois à compter de la décision de validation de l’accord par l’administration.
Ils peuvent demander par ailleurs demander à l’entreprise de réaliser l’étude d’impact social et territorial dès la notification de l’ouverture de la négociation de l’accord de rupture conventionnelle collective, qui doit lui ou leur être adressée au plus tard le jour de la transmission de l’accord pour validation à la DIRECCTE.