Dans un arrêt du 22 mai 2019, la Cour de cassation apporte de nouvelles précisions quant au paiement anticipé de l’indemnité de congés payés.
Elle affirme en effet que, pour inclure l’indemnité de congés payés dans la rémunération forfaitaire lorsque des conditions particulières le justifient, cette inclusion doit résulter d’une clause contractuelle transparente et compréhensible.
La Cour de cassation précise que cela suppose d’une part que soit clairement distinguée la part de rémunération qui correspond au travail, de celle qui correspond aux congés, et d’autre part que soit précisée l’imputation de ces sommes sur un congé déterminé, devant être effectivement pris (Cass. soc., 22-05-2019, n° 17-31.517, F-P+B, Cassation partielle).
Faits et procédure
M. Z a été engagé le 1er octobre 2008 par la société Fidal en qualité d’avocat salarié moyennant une rémunération incluant les congés payés.
Le salarié a démissionné courant décembre 2013 et a quitté les effectifs de l’entreprise le 17 mars 2014.
Il a saisi le bâtonnier de son ordre de demandes en paiement à titre d’indemnité compensatrice de congés payés, de bonus et de prime d’objectif/
L’ordre des avocats de Reims a fait droit à la demande de congés payés de Monsieur Z.
Dans un arrêt du 24 octobre 2017 (R.G 17/01069), la Cour d’appel de Reims infirme la décision de l’ordre des avocats de Reims et déboute Monsieur Stéphan Z de toutes ses demandes.
Pour débouter M.Z de sa demande d’indemnité compensatrice de préavis, la Cour d’appel retient d’une part qu’« aux termes de l’article 5 des conditions générales du contrat liant les parties, la rémunération a un caractère global et inclut la rémunération de la totalité des congés payés afférents à la période de référence légale ».
Elle retient d’autre part qu’« aux termes de l’article 1 des conditions particulières du contrat, la rémunération annuelle est composée d’une partie fixe d’un montant annuel de 70.200 euros bruts, indemnité de congés payés de la période de référence incluse ».
Par ailleurs, « à défaut d’une clause plus favorable au salarié, l’indemnité de congés payés est égale, en vertu de l’article L. 3141-24 du code du travail, au dixième de la rémunération perçue par le salarié au cours de la période de référence qui est en l’espèce l’exercice 2013-2014 jusqu’au départ du salarié ».
Également :
• « Que les dispositions du contrat de travail liant les parties concernant les congés payés sont claires, expresses et compréhensibles par le salarié, que les clauses susvisées concernant les congés payés apparaissent donc valables » ;
• « Que l’employeur produit le guide du calcul des congés payés en cas de départ en cours d’exercice, que dans le bulletin de salaire du 1er mars 2014 au 17 mars 2014, date à laquelle le salarié a quitté l’entreprise, figure une indemnité compensatrice de congés payés acquis de 3 600 euros et une rémunération brute de 7 453,33 euros » ;
• « Que dans le décompte de rémunération pour l’exercice 2013/2014, la rémunération brute est de 34 981 euros, que le salarié, qui conteste pas que les sommes susvisées ont été portées sur les documents cités, n’apporte pas non plus de preuve qu’elles seraient erronées, que le montant de l’indemnité de congés payés est supérieur à 10 % de la rémunération brute ».
Monsieur Z s’est alors pourvu en cassation.
Solution de la Cour de cassation
La Cour de cassation casse l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Reims au visa des articles L.3141-22 et L.3141-26 du Code du travail, interprétés à la lumière de l’article 7 de la Directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003/
En énonçant la règle susvisée, elle juge d’une part que « le contrat de travail, en ses conditions générales et particulières, se bornait à stipuler que la rémunération globale du salarié incluait les congés payés, ce dont il résultait que cette clause du contrat n’était ni transparente ni compréhensible » et d’autre part, « qu’il n’était pas contesté que, lors de la rupture, le salarié n’avait pas pris effectivement un reliquat de jours de congés payés ».
Analyse de la solution de la Cour de cassation
• Les conditions jurisprudentielles au versement d’un salaire forfaitaire incluant l’indemnité de congés payés
La Haute juridiction a rapidement admis le versement d’un salaire forfaitaire incluant l’indemnité de congés payés par voie contractuelle.
La Cour de cassation pose 3 conditions à un tel versement :
• Qu’il soit justifié par des circonstances particulières tenant à l’emploi, telles que le caractère intermittent ou irrégulier du travail (Cass. soc., 13-01-1988, n° 87-40.619, inédit) ;
• Qu’il fasse l’objet d’une convention expresse entre l’employeur et le salarié ;
• La convention ne doit pas faire aboutir à un résultat moins favorable que la stricte application des dispositions légales (Cass. soc., 02-04-1997, n° 95-42.320, publié ; Cass. soc., 04-06-1998, n° 96-41.441).
Par ailleurs, dans un arrêt du 19 octobre 1988, la Cour de cassation a précisé que, dès lors qu’un accord intervient pour que la rémunération inclue l’indemnité de congés payés, l’absence de la mention congés payés sur les bulletins de paie n’a pas d’incidence (Cass. soc., 19-10-1988, n° 86-43.100, inédit).
• En 2013, la Cour de cassation a renforcé sa position : la convention doit indiquer le montant affecté aux congés payés
Dans un arrêt du 14 novembre 2013, la Cour de cassation admet une rémunération incluant l’indemnité de congé payés.
Pour ce faire, la convention signée entre l’employeur et son salarié doit clairement indiquer le montant affecté aux congés payés, de manière transparente et compréhensible (Cass. soc., 14-11-2013, n° 12-14.070).
• La Cour de cassation apporte de nouvelles précisions
Dans l’arrêt qui nous intéresse en l’espèce, la Cour de cassation précise que, s’il est possible d’inclure l’indemnité de congés payés dans la rémunération forfaitaire lorsque des conditions particulières le justifient, cette inclusion doit résulter d’une clause contractuelle transparente et compréhensible transparente et compréhensible, ce qui suppose que :
• soit clairement distinguée la part de rémunération qui correspond au travail, de celle qui correspond aux congés,
• et que soit précisée l’imputation de ces sommes sur un congé déterminé, devant être effectivement pris (Cass. soc., 22-05-2019, n° 17-31517, F-P+B).