Le 9 décembre 2020, les partenaires sociaux ont conclu la négociation sur la santé au travail par la mise en place d’un nouvel accord national interprofessionnel « pour une prévention renforcée et une offre renouvelée en matière de santé au travail et conditions de travail ».
Ce projet d’ANI est ouvert à la signature jusqu’au 8 janvier 2021. Il accueille actuellement l’avis favorable de 3 syndicats (CDFT, CFE-CGS et FO) et de 2 organisations patronales (MEDEF, l’U2P).
Une fois signé, l’ANI sera intégré à la loi visant à réformer la santé au travail portée par la majorité, prochainement déposée à l’Assemblée nationale et dont l’examen devrait intervenir au mois de février 2021.
Le texte fait l’objet de 3 axes majeurs :
- la prévention des risques professionnels dans les entreprises
- la lutte contre la désinsertion professionnelle
- la promotion de la qualité de vie au travail en lien avec la santé au travail
Prévention des risques et responsabilité de l’employeur
Après avoir rappelé le principe de la responsabilité de l’employeur en matière de santé au travail, l’ANI liste les risques liés à l’activité de l’entreprise à prendre en compte :
- les risques « classiques » physiques, chimiques, biologiques, les troubles musculosquelettiques, etc,
- les risques psychosociaux pour lesquels le texte recommande plusieurs méthodes d’évaluation et de prévention (notamment les méthodes Siegrist, Karasek, Gollac, etc.) : « Bien que les troubles psychosociaux puissent avoir des causes multiples, l’employeur se doit d’évaluer et de mettre en place les actions de prévention en regard de son champ de responsabilité, c’est-à-dire celui lié à l’activité professionnelle », tout en respectant « strictement la vie privée du salarié », précise le texte,
- les risques émergents en particulier liés aux nouvelles technologies.
Des « risques extérieurs (risques sanitaires ou environnementaux par exemple) peuvent venir percuter l’activité de l’entreprise », ils doivent alors être « pris en compte dans les démarches en cohérence avec les consignes de crise des pouvoirs publics, prenant le relais de la réglementation ordinaire. »
Nouveauté : le risque de désinsertion professionnelle
Notion qui n’existe pas dans le code du Travail, le risque de désinsertion professionnelle est introduit dans l’ANI comme un engagement qui repose sur les acteurs de l’entreprise (Employeur, Instances représentatives du personnel (IRP)) en lien avec le médecin traitant, le médecin du travail ou encore le médecin conseil de la CPAM.
Le risque de désinsertion professionnelle impliquera de nouvelles actions :
- organiser le repérage précoce des situations pouvant conduire, à terme, à une inaptitude du salarié,
- faciliter le signalement d’un risque d’inaptitude ou de désinsertion professionnelle,
- systématiser la mise en œuvre des « visites de reprise », de « pré-reprise » (arrêt de longue durée) et demandées (par le médecin, l’employeur, le salarié) pour définir d’éventuels aménagements,
- mettre en œuvre une visite de « mi-carrière » pour repérer une inadéquation entre le poste de travail et l’état de santé.
Si une situation de désinsertion professionnelle est repérée, un plan de retour au travail sera formalisé entre l’employeur, le salarié et la cellule de prévention de la désinsertion professionnelle (PDP).
L’élaboration du DUERP : un outil de prévention
« Outil indispensable de la prévention » et « base d’un plan d’action », le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) relève de la responsabilité de l’employeur. « Son élaboration et son actualisation nourrit le dialogue social ».
Le projet d’accord entend proposer des pistes d’accompagnement de l’employeur pour l’établir et le mettre à jour.
Tout d’abord, dans le cadre des missions de prévention, des services de Santé au travail interentreprises (SSTI), renommés Services de prévention, de santé au travail interentreprises (SPSTI), via « la mise à jour régulière de la fiche d’entreprise, qui peut constituer pour des TPE-PME la base du DUERP » et un « conseil dans la rédaction et la finalisation par l’employeur du DUERP et du plan d’action qui peut en découler ».
Ensuite, l’entreprise pourra s’appuyer que la branche AT/MP qui offre des « modèles de gestion du risque dans la durée bien adaptée aux réalités des PME ».
Enfin, les branches professionnelles pourront également proposer un document d’aide à la rédaction du DUERP.
Tracer les expositions aux risques professionnels
Pour permettre une traçabilité des expositions aux risques professionnels, le texte propose une conservation des versions successives du DUERP et encourage, en ce sens, « une mise en œuvre numérisée du DUERP ».
S’agissant du risque chimique, une « information synthétique pourrait être extraite » des divers documents existants pour alimenter le suivi des salariés en surveillance renforcée à ce titre et dans le but de satisfaire aux exigences de la directive européenne 2004/37/CE.
Les TPE-PME devront être accompagnées pour traiter de la prévention de ces risques et dans l’utilisation des outils de prévention qui vulgarisent la gestion du risque chimique.
Durée de formation en santé des élus
L’ANI souligne que la prévention des risques professionnels doit être abordée au sein du comité social et économique (CSE), y compris dans les entreprises de moins de 50 salariés.
Le texte souhaite renforcer la formation des élus du CSE en matière de santé et sécurité et instaure une formation de 5 jours pour les membres de la commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) et les élus du CSE, pour leur premier mandat.
Il convient de rappeler qu’actuellement, le Code du travail prévoit une durée minimum de formation de 3 jours pour les membres de la CSSCT dans les entreprises de moins de 300 salariés et de 5 jours pour les membres de la CSSCT dans les entreprises d’au moins 300 salariés.
Créer un « passeport prévention » pour la formation des salariés
« Afin d’éviter des formations surabondantes et parfois même redondantes », le projet d’accord propose la création et la mise en place progressive d’un Passeport prévention pour tous les salariés et apprentis.
Regroupant les attestations, certificats et diplômes obtenus en matière de santé et sécurité au travail, ce dispositif attesterait du suivi d’une formation générale sur la prévention des risques professionnels, pour les salariés qui n’ont aucune formation de base (organisée par la branche ou l’entreprise) et, le cas échéant, de modules spécifiques selon les branches d’activité.
Il serait alimenté par les organismes de formation et par l’employeur pour les formations qu’il délivre.