Dans un arrêt du 21 novembre 2018, la chambre sociale de la Cour de cassation se prononce pour la première fois sur la répartition des compétences entre le juge judiciaire et le juge administratif depuis la loi n°2013-504 du 14 juin 2013, en ce qui concerne l’appréciation du respect de l’obligation de reclassement en matière de licenciement économique collectif.
Comme l’indique la Cour de cassation dans sa note explicative, la loi n°2013-504 du 14 juin 2013 a réformé la procédure applicable aux « grands licenciements collectifs » en confiant à l’administration le soin de valider ou d’homologuer le plan de sauvegarde de l’emploi, selon que le plan résulte d’un accord collectif majoritaire ou d’un document unilatéral de l’employeur, ce qui implique des degrés de contrôle différents.
Le contentieux de la validité ou de la pertinence du plan de sauvegarde de l’emploi, établi en application de l’article L. 1233-58 du code du travail, qui relevait naguère des juridictions judiciaires, ressort désormais de la compétence de la juridiction administrative.
En revanche, restent de la compétence du juge judiciaire les contentieux individuels relatifs notamment, au motif économique du licenciement, à la mise en œuvre des mesures du plan de sauvegarde de l’emploi, à l’indemnisation du salarié en cas d’annulation d’une décision administrative ayant procédé à la validation ou à l’homologation de l’accord ou du document unilatéral déterminant le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi.
Dans l’affaire soumise à la chambre sociale le 23 novembre 2018, le document élaboré par l’administrateur judiciaire et fixant le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi avait été homologué par la Direccte.
Toutefois, en ce qui concerne les « mesures d’aide au reclassement dans les autres sociétés du « groupe » destinées à limiter le nombre de licenciements envisagés », il indiquait que l’employeur « étant une association, aucun reclassement interne ne peut être envisagé ».
Cette affirmation était à l’évidence infondée puisqu’une association est soumise à l’obligation de reclassement, à l’instar des entreprises.
Dès lors, la cour d’appel avait retenu que les licenciements économiques devaient être jugés sans cause réelle et sérieuse, tant en raison de l’insuffisance du plan de sauvegarde de l’emploi que de l’absence de recherche individualisée, sérieuse et loyale de reclassement.
Sur ce point, l’arrêt d’appel est censuré par la Haute juridiction.
La chambre sociale énonce ainsi qu’il résulte de l’article L. 1235-7-1 du code du travail que, si le juge judiciaire demeure compétent pour apprécier le respect par l’employeur de l’obligation individuelle de reclassement, cette appréciation ne peut méconnaître l’autorité de la chose décidée par l’autorité administrative ayant homologué le document élaboré par l’employeur par lequel a été fixé le contenu du plan de reclassement intégré au plan de sauvegarde de l’emploi.
Dès lors, l’arrêt invite le juge judiciaire à respecter strictement la compétence administrative consacrée par le législateur et à ne pas se faire juge de la validité du plan de reclassement homologué par l’administration.
Cass. soc., 21 novembre 2018, n°17-16.766