Le droit au congé parental d’éducation est une prérogative fondamentale reconnue aux salariés souhaitant consacrer du temps à l’éducation de leur enfant.
Toutefois, des interrogations subsistent quant aux conséquences du non-respect des délais légaux de prévenance.
Un arrêt récent de la Cour de cassation (Cass. soc., 18 sept. 2024, n° 23-18.021) vient éclairer cette question en précisant que l’inobservation de ce délai n’entraîne pas l’irrecevabilité de la demande de congé parental.
Le cadre légal du congé parental d’éducation
Le congé parental d’éducation est régi par les articles L. 1225-47 et suivants du Code du travail.
Il permet à tout salarié, justifiant d’une ancienneté minimale d’un an, de suspendre ou de réduire son activité professionnelle pour s’occuper de son enfant.
L’article L. 1225-50 du Code du travail dispose que le salarié doit informer son employeur du point de départ et de la durée du congé, en respectant un délai de prévenance :
- un mois avant le terme du congé de maternité ou d’adoption si le congé parental suit immédiatement celui-ci.
- deux mois dans les autres cas.
Cependant, le Code du travail ne prévoit aucune sanction spécifique en cas de non-respect de ce délai.
Les faits de l’espèce
- [V], pilote de ligne au sein de la société Transavia France, a sollicité un congé parental d’éducation par une demande en date du 26 avril 2016 pour la période du 1ᵉʳ mai 2016 au 31 août 2016.
Cette demande, formulée cinq jours avant le début du congé souhaité, ne respectait pas le délai de prévenance de deux mois prévu par l’article L. 1225-50 du Code du travail.
L’employeur a refusé cette demande en indiquant au salarié de renouveler sa requête en respectant les délais légaux.
- [V] a alors formulé une nouvelle demande le 8 juillet 2016 pour la période du 9 septembre 2016 au 3 mars 2017, laquelle a été acceptée par l’employeur.
Estimant avoir subi un préjudice du fait du refus initial de sa demande, le salarié a saisi la juridiction prud’homale afin d’obtenir des dommages-intérêts.
La position de la cour d’appel
La cour d’appel de Paris a débouté M. [V] de sa demande en considérant que l’employeur n’avait commis aucune faute.
Elle a retenu que l’employeur avait légitimement refusé le congé parental sollicité tardivement, conformément aux dispositions légales relatives au délai de prévenance, et avait fait droit à la nouvelle demande régulière du salarié.
L’analyse de la Cour de cassation
La Cour de cassation a censuré cette décision en se fondant sur l’article L. 1225-50 du Code du travail.
Elle a rappelé que ce texte ne sanctionne pas l’inobservation du délai de prévenance par une irrecevabilité de la demande de congé parental d’éducation.
La Haute Juridiction a souligné que le refus de l’employeur n’était pas justifié, dès lors que le non-respect du délai de prévenance ne prive pas le salarié de son droit au congé parental.
En conséquence, le salarié est fondé à obtenir réparation du préjudice subi du fait du refus illégal de l’employeur.
Les implications pratiques pour les employeurs et les salariés
Pour les employeurs
- Obligation d’examiner les demandes: Les employeurs doivent traiter les demandes de congé parental même si le délai de prévenance n’est pas respecté. Le refus ne peut être fondé sur ce seul motif.
- Dialogue avec le salarié: En cas de difficulté liée à l’organisation du service, il est recommandé d’engager un dialogue avec le salarié pour trouver une solution amiable.
- Risques juridiques: Un refus injustifié peut engager la responsabilité de l’employeur et donner lieu à des dommages-intérêts.
Pour les salariés
- Respect des délais: Il est préférable de respecter les délais légaux pour faciliter l’organisation de l’entreprise.
- Droit au congé parental: Le non-respect du délai de prévenance n’annule pas le droit au congé parental d’éducation.
- Recours en cas de refus: En cas de refus injustifié de l’employeur, le salarié peut saisir le conseil de prud’hommes pour faire valoir ses droits.
Cet arrêt de la Cour de cassation réaffirme le caractère fondamental du droit au congé parental d’éducation.
Il précise que le non-respect du délai de prévenance par le salarié n’autorise pas l’employeur à refuser la demande.
Les employeurs doivent donc traiter ces demandes avec attention, même tardives, sous peine de voir leur responsabilité engagée.
Il est essentiel pour les deux parties de privilégier le dialogue et de respecter les dispositions légales afin d’assurer une relation de travail sereine et conforme au droit.
Cet arrêt s’inscrit dans une jurisprudence protectrice des droits des salariés en matière de conciliation entre vie professionnelle et vie familiale.
https://www.courdecassation.fr/decision/66eab98949e2d93736d98b45