Le CSE a pour mission de veiller au respect des droits des personnes et des libertés individuelles dans l’entreprise, qu’il s’agisse des candidats directement recrutés par l’entreprise ou des salariés de l’entreprise.
Il en résulte que si un membre du CSE constate, notamment par l’intermédiaire d’un travailleur, qu’il existe une atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles dans l’entreprise qui ne serait pas justifiée par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnée au but recherché, il en saisit immédiatement l’employeur.
Cette atteinte peut notamment résulter de faits de harcèlement sexuel ou moral ou de toute mesure discriminatoire en matière d’embauche, de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de classification, de qualification, de promotion professionnelle, de mutation, de renouvellement de contrat, de sanction ou de licenciement.
L’employeur saisi doit procéder « sans délai » à une enquête dans l’entreprise avec le membre de la délégation du personnel du comité, et prendre les dispositions nécessaires pour remédier à cette situation.
En cas de carence de l’employeur ou de divergence sur la réalité de cette atteinte, et à défaut de solution trouvée avec l’employeur, le salarié, ou le membre de la délégation du personnel au CSE si le salarié intéressé averti par écrit ne s’y oppose pas, saisit le bureau de jugement du conseil de prud’hommes qui statue selon la procédure accélérée au fond (C. trav., art. L. 2312-59).
Ce droit était attribué aux délégués du personnel avant la mise en place du CSE (C. trav., art. L. 2313-2 anc.).
La Cour de cassation a récemment été amenée à statuer à plusieurs reprises sur ce droit d’alerte des délégués du personnel, les solutions rendues étant transposables au CSE puisque les termes du droit d’alerte du CSE sont les mêmes que celui accordé au préalable aux délégués du personnel.
Dans la première affaire, la Haute juridiction a considéré qu’une action fondée sur le principe d’égalité de traitement, au motif du défaut de versement d’une prime de treizième mois dans deux entreprises utilisatrices ne constituait pas un exercice licite du droit d’alerte, car ce motif ne rentrait pas dans les prévisions de l’ancien article L. 2313-2 (Cass. Soc. 9 septembre 2020, n° 18-25.128).
Elle a, en revanche, cassé l’arrêt d’appel qui avait rejeté la demande de salariés visant à condamner l’employeur à communiquer des documents reprenant certaines informations sur leur déroulement de carrière et dont ils estimaient qu’ils leur permettraient d’établir l’existence d’une situation de discrimination à raison de l’âge.
Les juges d’appel ont en effet considéré qu’ils n’apportaient aucun élément de fait laissant supposer une discrimination.
Mais pour la Cour de cassation, les juges d’appel ne pouvaient pas statuer ainsi.
En effet, précise-t-elle, « dans le cadre du droit d’alerte (visé par l’ancien article L. 2313-2 du Code du travail s’agissant des délégués du personnel), si un salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, il incombe au vu de ces éléments à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ».
Les juges d’appel qui avaient constaté que 13 salariés de plus de 45 ans, dont la moitié avaient plus de 50 ans, s’étaient vu attribuer la note de potentiel « D », contre un seul salarié de l’entreprise de moins de 45 ans ayant eu cette notation auraient donc dû accueillir leur demande, car « il existait bien des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination à raison de l’âge et justifiant l’exercice du droit d’alerte par les délégués du personnel » (Cass. Soc. 9 septembre 2020, n° 18-24.861).
Dans un autre arrêt du 14 octobre 2020, un délégué du personnel avait demandé à la société la réalisation d’une enquête conjointe portant sur les modalités de calcul de l’indemnité de congés payés des salariés intérimaires.
Face au refus de l’employeur, il a saisi la juridiction prud’homale d’une demande d’injonction sous astreinte afin que la société réintègre les primes dont le versement ne dépend pas de la durée effective du travail dans le calcul des indemnités compensatrices de congés payés conformément aux dispositions de l’article L. 1251-19 du Code du travail.
Il s’agissait, comme dans la première affaire, d’une inégalité de traitement subie par les salariés intérimaires par rapport aux salariés permanents.
La Cour de cassation a là encore rejeté leur demande.
La cour d’appel ayant constaté qu’elle était saisie de l’exercice d’un droit d’alerte, fondé sur le mode de calcul des indemnités compensatrices de congés payés des salariés intérimaires, « a décidé à bon droit que cette demande n’entrait ainsi pas dans les prévisions de l’article L. 2313-2 du code du travail » (Cass. Soc. 14 octobre 2020, n° 19-11.508).
Il résulte de ces différentes décisions qu’un droit d’alerte du CSE exercé en vertu de l’article L. 2312-59 du Code du travail, et fondé sur le non-respect de l’égalité de traitement a peu de chance d’aboutir, la Cour de cassation ne retenant que les actions fondées sur une discrimination comme évoqué dans le texte de l’article L. 2312-59.
Le texte parle en effet « d’une mesure discriminatoire en matière d’embauche, de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de classification, de qualification, de promotion professionnelle, de mutation, de renouvellement de contrat, de sanction ou de licenciement ».
C’est donc sur ce fondement que le CSE doit se placer pour actionner le droit d’alerte ouvert en cas d’atteinte aux droits et libertés des personnes, et non sur celui de l’égalité de traitement.