Qu’appelle-t-on dialogue social connecté ?
Avant la crise sanitaire, plusieurs dispositions du Code du travail permettait d’organiser le dialogue social à distance.
Par exemple, depuis 2018, il était possible de recourir à la visioconférence par accord entre l’employeur et les membres élus de la délégation du personnel du CSE et en l’absence d’un tel accord le nombre de réunions en visioconférence est de trois par année civile (L.2315-4 du code du travail).
Il était également déjà possible de conclure un accord d’entreprise permettant de définir les conditions et les modalités de diffusion des informations syndicales au moyen des outils numériques disponibles, étant rappelé qu’à défaut d’accord les organisations syndicales présentes dans l’entreprise, sous certaines conditions, peuvent mettre à disposition des publications et tracts sur un site syndical accessible à partir de l’intranet de l’entreprise (L.2142-6 du code du travail).
Mais c’est réellement la crise Covid-19 que le dialogue social à distance est devenu un enjeu majeur et que des mesures ont dû être prises en urgence, notamment avec la publication des ordonnances du 1er avril 2020 et du 25 novembre 2020 sur l’adaptation des règles relatives aux réunions des instances représentatives du personnel (IRP) ou encore avec la diffusion le 17 avril 2020 d’un question-réponse relatif à l’adaptation de la négociation collective en période de Covid-19.
Quels outils utiliser ?
Différents outils peuvent être mobilisés comme la visioconférence et la conférence téléphonique.
Pour le CSE, l’ordonnance du 25 novembre 2020 prévoit d’ailleurs que par principe leur recours est autorisé pour les réunions qui se tiendront jusqu’à la fin de l’état d’urgence sanitaire, sauf pour les réunions portant sur certains sujets sensibles pour lesquelles le CSE peuvent s’y opposer.
La même ordonnance prévoit qu’il est également possible dans certains cas de recourir à la messagerie instantanée, étant rappelé que la transmission et la consultation des documents nécessaires à l’exercice de leurs fonctions peuvent être accessibles à distance, via la BDES.
Il convient aussi de pouvoir disposer d’un système permettant l’organisation des votes à bulletins secrets à distance car les membres du CSE ont la faculté de l’exiger.
Dans les relations avec les organisations syndicales, la visioconférence ou la conférence téléphonique peuvent aussi être utilisées pour la négociation à distance selon des modalités permettant de préserver le respect de la loyauté des négociations.
De plus, la conclusion de l’accord peut valablement intervenir par signature électronique et la consultation des salariés éventuellement nécessaire peut être réalisée via un dispositif électronique.
Quels sont les avantages du dialogue social connecté ?
Pendant l’état d’urgence, le dialogue social à distance permet de maintenir les échanges avec les instances sociales et les représentants du personnel dans le respect des protocoles sanitaires mais il est probable qu’il continue à se développer au-delà.
En effet, sous réserve de réaliser l’investissement nécessaire pour se doter des moyens techniques adéquats, il est de nature à simplifier l’organisation matérielle des réunions et peut rapidement permettre de réaliser des économies substantielles.
En effet, les entreprises et en particulier les entreprises multi-sites n’auront plus à supporter la prise en charge des frais de déplacement et/ou de restauration et/ou de logement des participants à une réunion ainsi que leurs conséquences sur la durée du travail et les temps de repos.
Par ailleurs, le dialogue social à distance peut permettre d’augmenter l’efficacité et la qualité des échanges, en augmentant le nombre de réunions tout en réduisant
la durée.
Quels sont les points de vigilance ?
L’une des principales craintes est celle de la perte du lien de proximité avec les élus car les échanges informels sont plus limités ; il conviendra de les repenser.
La question de loyauté des échanges mérite aussi une attention particulière.
Elle implique de se prémunir de toute participation/présence d’un tiers non qualifié, sous peine d’affecter la régularité des processus.
Il est recommandé aussi, au-delà des différentes solutions techniques, de rappeler expressément, par écrit, le caractère confidentiel des informations transmises.
Enfin, si le contexte actuel conduit à pratiquer de façon intensive le dialogue social à distance, cette pratique relativement nouvelle pour les partenaires sociaux pourrait nourrir un contentieux tout aussi nouveau pour les juridictions.
Par exemple, la non-participation d’un élu à une réunion en raison de problèmes techniques, qui aujourd’hui n’est pas un cas d’école, pourrait être de nature à remettre en cause la validité des négociations et donc celle de l’accord.
Comment assurer la poursuite du développement du dialogue social connecté ?
Certaines entreprises n’ont eu d’autres choix, pendant la crise sanitaire, que de négocier à distance des dispositifs leur permettant de faire face à la crise (protocole sanitaire, accord sur les congés payés, activité partielle de longue durée…).
Cela étant, les instances sociales et notamment les DRH ont tout intérêt à s’adapter à cette évolution du dialogue social.
Cette adaptation implique de rendre davantage accessible aux élus les outils nécessaires au dialogue social à distance et de veiller à leur pleine maitrise par ces derniers.
Surtout, il conviendra d’identifier les moyens permettant aux élus et aux représentants des organisations syndicales d’échanger à distance avec les salariés et notamment de favoriser l’accès à un intranet adapté permettant d’intensifier et d’enrichir ces échanges.
Les instances sociales ont d’ailleurs bien compris cet enjeu et la dernière version de l’accord national interprofessionnel sur le télétravail en date du 26 novembre 2020 invite les entreprises à « préciser par accord collectif, ou à défaut par une charte, les modalités adaptées d’utilisation des outils numériques à destination des acteurs du dialogue social dans l’entreprise ».
Le dialogue social connecté sera un enjeu pour 2021 et les années à venir.