Face à la crise que nous traversons, les entreprises réadaptent en urgence leur organisation du temps de travail. Cette situation inattendue et brutale répond à deux enjeux.
Dans cette période inédite, l’entreprise doit à la fois protéger ses salariés, puisque leur santé est potentiellement en danger, mais aussi maintenir la pérennité et la vitalité de leur activité.
Aussi l’organisation du travail “d’urgence” s’est faite par tâtonnement, dans une démarche que les pouvoirs publics ont relayée par le biais d’ordonnances, délivrant aux entreprises beaucoup plus de liberté d’action.
Un dispositif qui leur permet de prendre des décisions dans le cadre de leur pouvoir de direction, sans passer par un accord, ni même par un dialogue avec les représentants du personnel.
Ces pleins pouvoirs, conséquence de circonstances exceptionnelles, sont pourtant loin des propositions du Code du travail, rénové via les ordonnances Macron depuis 2017.
Ces dernières laissent en effet une place prépondérante et de première intention, au fruit du dialogue social, positionnant largement au second plan tout ce qui a trait au pouvoir unilatéral de la direction.
En période normale, qu’il s’agisse d’une négociation nationale interprofessionnelle ou au niveau de l’entreprise, l’accord est l’outil le plus adapté à la réorganisation du temps de travail.
Toutefois, comme négocier ne veut pas dire conclure, l’entreprise peut prendre la voie d’une modification unilatérale, via les dispositifs supplétifs offerts par le Code du travail.
Cette voie n’aura toutefois jamais la portée de ce que peut produire un dialogue social de qualité.
Aujourd’hui, via le prisme de ce dialogue social, le champ des possibles, est très large en matière d’aménagement du temps de travail.
Il est permis d’organiser, via accords, des organisations sur-mesure qui collent au plus près des réalités et des besoins d’une entreprise.
Tout en respectant des règles minimales d’ordre public, les acteurs de la négociation collective peuvent véritablement faire preuve de créativité.
On peut, par exemple, organiser l’activité professionnelle de manière saisonnière, selon son secteur d’activité.
Il est possible de ne pas travailler pendant le premier trimestre d’une année en compensant par des semaines à 48h de travail effectif à d’autres périodes (notamment durant les mois d’été par exemple), sans payer d’heures supplémentaires.
Autre exemple, toujours grâce au support de la négociation collective, sur des catégories de salariés autonomes : décompter leurs temps de travail, non plus en heure à la semaine, mais en jours sur l’année, pour gagner en souplesse et en flexibilité.
Dans ces nouvelles modalités d’organisation, le télétravail dont le fonctionnement a été révisé récemment et que la crise pousse sur le devant de la scène, peut a contrario, dans notre contexte de circonstances exceptionnelles, être décrété unilatéralement par l’entreprise.
Une modalité précieuse en cas de crise sanitaire mais aussi sociale, comme durant les périodes de conflits (gilets jaunes, réforme des retraites…), qui permet de maintenir coûte que coûte un certain niveau d’activité.
Pratiqué pour l’heure dans l’urgence, le télétravail, qui sera sans aucun doute un outil de plus en plus prisé dans le temps, devra probablement, une fois la crise dépassée, faire l’objet de nouvelles négociations.
D’ailleurs, dans un communiqué commun, la CFDT, la CFTC et l’Unsa ont présenté des préconisations en vue d’une future négociation interprofessionnelle sur le télétravail.
Ces syndicats souhaitent que le télétravail imposé demeure limité aux circonstances exceptionnelles telles que nous les connaissons.
En dehors de ces cas, le télétravail occasionnel comme régulier devrait demeurer soumis au volontariat de l’entreprise et du salarié.
Une alternance télétravail / travail en présentiel est privilégiée, afin d’éviter l’isolement et la perte de lien social.
Le télétravail pourrait se dérouler en d’autres lieux que le domicile.
Les signataires pointent la nécessité que l’employeur mette à la disposition des salariés les outils technologiques nécessaires et adapte ses pratiques managériales pour réguler la charge de travail, mettre en place un droit à la déconnexion et ne pas augmenter la charge mentale.
Alors que le télétravail peut être perçu comme un moyen d’économiser sur les locaux de l’entreprise, les syndicats soulignent que ces réorganisations doivent être concertées afin d’aborder les conditions de travail dans les espaces de travail reconfigurés et des conditions améliorées de télétravail.