La Convention collective de la distribution directe permet une quantification préalable de l’ensemble des missions accomplies par le salarié distributeur, en fonction de critères associés à un référencement horaire du temps de travail.
Cette durée de travail théorique prédéterminée peut néanmoins être contestée devant le juge au regard des horaires effectivement réalisés (Cass. soc., 24 sept. 2014, n°13‑10.367, JSL, 5 nov. 2014, n° 375-38).
Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 17 février 2021, plusieurs salariés, engagés sous contrat à temps partiel modulé en qualité de distributeurs de journaux, en réclamaient la requalification en contrat à temps complet.
Pour leur donner satisfaction et condamner l’employeur en ce sens, la Cour d’appel de Paris avait énoncé qu’en cas de litige sur les heures de travail, la pré quantification conventionnelle du temps de travail ne suffit pas à elle seule pour satisfaire aux exigences des dispositions de l’article L 3171-4 du Code du travail, lesquelles imposent notamment à l’employeur de fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
Les juges avaient retenu que les salariés qui soutenaient que le temps de travail avait été minoré versaient, quant à eux, une masse de feuilles de route correspondant aux tournées confiées.
Leur décision de requalification des contrats à temps partiel modulé en contrats à temps complet était donc fondée sur l’incapacité de l’employeur à déterminer de façon fiable le temps de travail imposé aux salariés et à justifier qu’il correspondait aux stipulations tant de leur contrat de travail que de la convention collective et de l’accord d’entreprise applicable.
Mais la Cour de cassation a censuré cette décision au motif que, « en se déterminant ainsi, par des motifs inopérants tirés de l’absence de justification de la correspondance entre la durée du travail réellement exécutée et celle prévue par le contrat de travail, la convention collective et l’accord d’entreprise, sans vérifier si les salariés n’avaient pas eu connaissance de leurs horaires de travail de sorte qu’ils étaient placés dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme ils devaient travailler et qu’ils se trouvaient dans l’obligation de se tenir constamment à la disposition de l’employeur, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ».
Les magistrats ont aussi précisé que « ni le dépassement de la durée contractuelle de travail sur l’année, ni le non-respect de la limite du tiers de la durée du travail fixée par la convention collective et l’accord d’entreprise ne justifient en eux-mêmes la requalification du contrat à temps partiel modulé en contrat à temps complet, dès lors que la durée du travail du salarié n’a pas été portée à un niveau égal ou supérieure à la durée légale hebdomadaire ou à la durée fixée conventionnellement », ce qu’ils avaient déjà eu l’occasion de dire (Cass. Soc. 18 déc. 2019, n° 18-12.447, JSL, 24 fév. 2020, n° 492-12, également rendu à propos de distributeur de journaux et de documents publicitaires relevant de la convention collective de la distribution directe).
Dans un arrêt rendu le même jour, toujours au sujet de cette convention collective, une précision utile a été apportée : en cas d’avenant ou de nouveau contrat de travail à temps partiel modulé, c’est à la date d’effet de chacun d’eux qu’il convient d’examiner si les conditions d’une requalification sont réunies, ce qui est le cas lorsque sont constatés des écarts entre la durée indicative annuelle et le nombre d’heures de travail mensuel résultant des fiches de paie et des feuilles de route et que le salarié est soumis à des modifications de plannings et à la réalisation de prestations supplémentaires sans respect de délais de prévenance suffisants (Cass. Soc. 17 fév. 2021, n° 18-26.545).