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La pertinence de la data room dans le cadre de la mission de l’expert du CSE

data room

Par le passé, le code du travail prévoyait expressément que l’expert-comptable du comité d’entreprise disposait des mêmes prérogatives que le commissaire au compte dans le cadre de la consultation sur les orientations stratégiques.

Depuis la réforme intervenue en 2017 et la création du comité social et économique, les textes ne réservent ce droit d’accès élargi qu’aux experts désignés dans le cadre de la consultation sur la situation économique et financière ou dans le cadre des consultations ponctuelles.

Devraient donc être exclus de ce droit d’accès élargi les experts désignés en vue de la consultation sur les orientations stratégiques et celle sur la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi.

C’est en ce sens qu’a statuée la Cour d’appel de Versailles, par un arrêt du 18 février 2021, au sujet d’une expertise relative à la politique sociale de l’entreprise.

Pour autant, au regard du code du travail et de la jurisprudence, l’expert-comptable dispose toujours d’un large pouvoir en matière d’accès à l’information.

L’étendue de ce pouvoir est double.

D’une part, l’expert est seul juge de la « nécessité » et de « l’utilité » des documents dans l’exercice de sa mission.

D’autre part, la stratégie de l’entreprise pouvant être déterminée à un niveau supérieur, au niveau du groupe par exemple, les juges admettent traditionnellement que l’expert-comptable de la filiale ne peut se voir refuser l’accès aux documents d’information sur la stratégie du groupe dès lors qu’il est démontré une très forte imbrication entre la société mère et ses filiales ou encore lorsque la société est partie intégrante d’une stratégie globale définie au niveau du groupe.

Une occasion de revenir en synthèse sur ce droit à l’accès à l’information de l’expert du CSE.

Existe-t-il des hypothèses où l’appartenance à un groupe ne suffit pas à autoriser l’expert du CSE à accéder aux informations de la société mère ou d’autres filiales ?

Effectivement, il faut faire une appréciation au cas par cas.

Ainsi, une Cour d’appel a jugé que dans l’hypothèse où les liens entre les entreprises du groupe ne sont que capitalistiques, et en l’absence de liens fonctionnels, statutaires ou d’organisation et stratégie commune, l’expert pourrait se voir légitimement refuser l’accès aux documents du groupe.

Il a également été jugé par la Cour de cassation qu’en application de l’article L. 823-14 du code de commerce, l’expert de la filiale ne peut demander les comptes des personnes et entités qui la contrôlent ou sont contrôlées par elle dans le cadre d’une action de concert, conformément à l’article L. 233-3, III du code de commerce, le commissaire aux comptes n’ayant pas accès à ces documents.

Quelles sont plus généralement les limites au droit d’accès à l’information de l’expert du CSE ?

Ce droit d’accès n’est pas absolu, et la jurisprudence est venue poser des limites.

Nous pensons d’abord à la solution selon laquelle l’expert-comptable ne peut demander que la communication d’informations entrant dans le champ de la mission d’expertise, ainsi que celle, de bon sens, selon laquelle il ne peut exiger la production de documents qui n’existent pas et dont l’établissement n’est pas obligatoire.

Moins souvent invoquée mais tout aussi importante, est la solution que l’on retrouve dans certains arrêts de la Cour de cassation selon laquelle l’expert-comptable ne peut pas exiger la communication de documents à la société lorsque celle-ci démontre qu’elle est dans l’impossibilité de les lui fournir.

Cela peut notamment être le cas lorsqu’une société mère étrangère refuse de transmettre certains documents à sa filiale française.

Au regard du principe de territorialité du droit français, l’employeur peut se trouver dans l’impossibilité matérielle et juridique d’obtenir les documents réclamés par l’expert du CSE et donc de les lui fournir.

Dans pareille hypothèse, il serait inconcevable que la société française soit condamnée à fournir des documents dont il est par ailleurs établi qu’elle n’est elle-même pas en mesure de les obtenir.

Que peut faire l’employeur en cas de litige avec l’expert du CSE ?

En cas de litige, c’est le plus souvent l’expert qui saisit le Tribunal Judiciaire afin qu’il ordonne la remise des documents sollicités mais l’employeur a également un droit de recours pour contester devant le juge la nature des documents dont la communication est demandée et faire sanctionner tout abus de droit caractérisé.

C’est le cas par exemple en cas de demandes réitérées de l’expert visant à se voir communiquer des documents inexistants, dépassant le champ de sa mission, ou encore en cas d’impossibilité matérielle et/ou juridique manifeste pour la société de disposer desdits documents.

Si ces demandes sont favorablement accueillies, l’expert du CSE peut même être condamné à remettre son rapport d’expertise sous un certain délai et sous astreinte, comme cela a été jugé dans le jugement du Tribunal de Nanterre.

Le droit d’accès de l’expert du CSE aux documents de l’entreprise inclut-il un droit de copie ?

Si l’on s’en tient à la lettre du code du travail, il convient de répondre par la négative. L’article L. 2315-83 du code du travail prévoit en effet que l’employeur fournit à l’expert les informations nécessaires à l’exercice de sa mission.

Il n’est jamais fait mention, dans aucun texte légal ni règlementaire, d’une quelconque obligation de remettre des copies de documents à l’expert.

D’ailleurs, dès lors que le commissaire aux comptes lui-même ne dispose pas de droit de copie, puisque les textes lui permettent uniquement de se faire communiquer les documents sur place, l’on voit difficilement à quel titre et sur quel fondement l’expert du CSE aurait un tel pouvoir.

Si l’on manque de jurisprudence bien établie au niveau de la Cour de cassation sur le sujet, il doit être relevé que le Tribunal Judiciaire de Nanterre, dans un jugement du 3 mars 2021, a très récemment fait sienne cette analyse en considérant que le législateur n’imposait pas la transmission de copies par l’employeur dès lors que l’expert avait la possibilité de consulter sur place, notamment dans le cadre d’une data room.

Dans son arrêt du 18 février 2021, la Cour d’appel de Versailles a débouté le cabinet Syndex d’une partie de ses demandes de communication de documents, jugeant que ce dernier ne pouvait exiger de l’employeur qu’il lui communique des documents déjà mis à sa disposition dans le cadre d’une data room ou de la BDES.

L’utilisation de data room monte-t-elle en puissance dans les entreprises dans le cadre de la mission de l’expert du CSE ?

La data room est aujourd’hui un outil très répandu et apparaît comme étant le meilleur garant de la confidentialité lorsque des documents internes sont consultés par des tiers.

Elle fait office de plateforme de référence, notamment pour l’organisation d’opérations de vérifications (« due diligence ») dans le cadre de fusions-acquisitions par exemple.

C’est d’ailleurs dans ces domaines que l’utilisation de la data room est aujourd’hui la plus développée.

En effet, un volume important d’informations confidentielles est généralement échangé lors de ce type d’opérations (documents juridiques, comptables, fiscaux, économiques, environnementaux…).

Cette pratique tend aussi à se développer dans le cadre de la mission de l’expert du CSE, et cela nous semble aller dans le sens des intérêts respectifs des entreprises et des experts de CSE.

L’entreprise d’une part y retrouve une certaine sécurité s’agissant de la diffusion d’informations parfois extrêmement confidentielles et sensibles, alors qu’on le sait, l’obligation légale de confidentialité qui pèse sur l’expert du CSE est d’une portée pratique très limitée.

Et l’expert y trouve un cadre éprouvé de nature à rassurer les employeurs et donc à fluidifier et simplifier la transmission d’informations.

Cela est encore plus vrai dans les groupes étrangers, car l’on observe que la mise en place d’une data room permet parfois de lever les réticences de certaine sociétés mères étrangères à communiquer des informations sensibles.

La data room sécurisée peut dans ce cadre faire office de solution consensuelle.

L’utilisation de la data room est-elle pertinente ?

La data room nous semble d’autant plus pertinente et recommandée dans le contexte actuel de forte augmentation des cas de piratages et plus largement de vols de données.

Il faut bien se rendre compte que l’obligation légale de confidentialité qui pèse sur les experts du CSE, souvent brandie comme une garantie absolue, n’offre en réalité pas la moindre sécurité face aux actes malveillants dont ils pourraient eux-mêmes être victimes.

Il est donc primordial pour les entreprises de veiller à ce que leurs informations confidentielles restent dans un cadre sécurisé, d’autant que cela n’altère en rien les capacités d’intervention de l’expert du CSE.

Quelles sont les règles applicables en matière d’accès aux documents dans le cadre d’une data room ?

Il n’existe pas à proprement parler de règles applicables en matière d’accès aux documents dans le cadre d’une data room.

Cela est généralement convenu de manière consensuelle entre les parties-prenantes, qui ont comme objectif commun d’assurer la confidentialité des informations communiquées.

Le plus souvent, avant tout accès à une data room, les utilisateurs signent un accord de confidentialité par lequel ils s’engagent à ne pas réutiliser les informations dont ils ont connaissance à des fins autres que la conduite du projet, et plus largement encadrent les modalités de cette data room.

Cela permet donc de clarifier les règles de fonctionnement dans un souci de transparence et de prévisibilité.

La prise de notes, manuscrites ou sur ordinateur, voire la dictée, font également partie des méthodes de travail habituelles.

Doit en revanche être exclue de la data room toute forme d’enregistrement, de capture d’écran ou encore de prise de photo.

Enfin, dans certains cas, lorsque les documents examinés sont particulièrement sensibles, il peut être utile de prévoir la présence d’un collaborateur de l’entreprise qui s’assurera que les règles de confidentialité sont bien respectées.

Là encore, la logique n’est pas d’opposer l’employeur et l’expert du CSE, bien au contraire.

Elle est de leur offrir un cadre sécurisant qui serait de nature, en définitive, à faciliter le travail de l’expert.

Certains cabinets déléguant des experts auprès des CSE l’ont d’ailleurs déjà bien compris et n’hésitent plus à promouvoir et à proposer ce type de solution aux entreprises.

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