Dans un revirement de jurisprudence du 27 novembre 2019, la Cour de cassation considère que, dès lors qu’un accord collectif a fait l’objet d’un arrêté ministériel d’extension, le juge judiciaire n’a pas à vérifier que l’employeur entrant dans le champ de l’accord relève bien d’une organisation patronale représentative et signataire de l’accord.
En l’espèce, un avenant du 28 octobre 2009 à la convention collective nationale des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils (dite « Syntec »), étendu par arrêté ministériel du 17 mai 2010, intègre dans le champ d’application de la convention collective les entreprises de contrôle et certification techniques.
Dans ce cadre, plusieurs entreprises de certification contestaient leur intégration dans le champ d’application de cette convention collective.
La cour d’appel a fait droit à cette demande en considérant l’avenant inopposable au motif que ces entreprises n’étaient pas adhérentes d’une organisation patronale représentative signataire et qu’aucune organisation syndicale représentative dans le secteur du contrôle et de la certification techniques n’y avait adhéré.
Les fédérations patronales Syntec et Cinov ont formé un pourvoi en cassation.
La Cour de cassation censure l’arrêt de la cour d’appel et opère un revirement de jurisprudence en considérant que « lorsqu’il s’agit d’un accord collectif professionnel, l’arrêté d’extension suppose nécessairement, sous le contrôle du juge administratif, vérification de la représentativité dans ce champ des organisations syndicales et patronales signataires ou invitées à la négociation. Il y a lieu dès lors de juger désormais que le juge judiciaire n’a pas à vérifier, en présence d’un accord professionnel étendu, que l’employeur, compris dans le champ d’application professionnel et territorial de cet accord en est signataire ou relève d’une organisation patronale représentative dans le champ de l’accord et signataire de celui-ci ».
En effet, auparavant, la Cour de cassation jugeait que le juge judiciaire devait vérifier si les employeurs compris dans le champ d’application d’un accord de branche étendu relevaient bien d’une organisation patronale représentative et signataire dudit accord (not. Cass. soc., 16 mars 2005, n° 03-16.616 ; Cass. soc., 6 avril 2016, n° 14-27.042).
Pour parvenir à ce revirement, la Haute Cour considère, d’une part, que la validité des arrêtés d’extension est subordonnée, notamment, à la représentativité des organisations patronales signataires et, d’autre part, que le contrôle de ces arrêtés, et donc de la représentativité des organisations patronales signataires, relève de la compétence du juge administratif de sorte que le juge judiciaire, au nom de la séparation des pouvoirs, ne peut être amené à se prononcer également sur ce point.
En pratique, une entreprise ne peut ainsi plus, désormais, invoquer le défaut de représentativité d’une organisation patronale signataire en contestation de l’application d’un accord de branche étendu devant le juge judiciaire.