Un protocole de fin de conflit prévoit le paiement d’un bonus de coopération destiné à rémunérer l’activité des salariés devant coopérer avec les équipes envoyées par le siège italien en vue de leur transmettre le savoir-faire français.
Durant son congé maternité, une salariée se voit suspendre le paiement de ce bonus.
Pour l’employeur en effet, elle ne répondait plus, du fait de son absence, aux critères de fixation de cette prime.
La salariée décide de saisir le conseil de prud’hommes afin d’obtenir un rappel de salaire et une indemnité pour discrimination.
Elle soutient qu’elle ne peut, du seul fait de sa grossesse, subir une baisse de rémunération ni être exclue du versement d’une prime.
Les juges du fond donnent malgré tout raison à l’employeur, tout en précisant que la salariée a perçu 100 % de son salaire de base mensuel prévu par la Convention collective.
Un pourvoi en cassation est alors formé.
La suspension d’une prime liée à l’exercice de fonctions spécifiques est admise durant le congé maternité
La Cour de cassation va dans le sens des juges du fond.
Elle admet que certaines primes puissent être exclues de la rémunération, sans pour autant que cela porte atteinte à la protection de la salariée en congé maternité.
Toutefois, dans son attendu de principe, la Haute Cour conditionne sa décision à la spécificité de cette prime :
- elle était bien subordonnée à la participation active et effective des salariés aux activités de transfert et de formation continue des équipes italiennes en France,
- et elle répondait à des critères de fixation et d’attribution objectifs, mesurables et licites.
Comme le souligne la Cour de cassation, cette prime visait à récompenser le service rendu des salariés.
La salariée, du fait de son absence, ne remplissait donc plus les critères d’attribution pour que lui soit versée sa prime, peu important que ce fût en raison d’un congé maternité.
A l’inverse, si les conditions de versement de la prime avaient été autres, sa suspension durant un congé maternité aurait certainement été jugée discriminatoire.
Une décision en accord avec la jurisprudence européenne et interne
La Cour de cassation s’appuie expressément sur la jurisprudence européenne en la matière, et plus spécifiquement sur l’article 11.2 de la directive 92/85/CE du 19 octobre 1992 concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes.
Cet article impose le « maintien d’une rémunération » pour la salariée partie en congé maternité. La Cour de justice de l’Union européenne a de nombreuses fois jugé que cela ne signifiait pas que la rémunération devait être intégrale au même titre que lorsque la salariée occupe son poste de travail.
Par ailleurs, en droit interne, la jurisprudence admet la possibilité de subordonner le paiement de primes à l’accomplissement effectif d’un travail ou à la présence du salarié dans l’entreprise.
Par exemple, il a été jugé qu’un accord collectif puisse tenir compte des absences même dues à la maladie ou à la grossesse pour le paiement d’une prime, à la condition toutefois que toutes les autres absences qui ne sont pas assimilées à du temps de travail effectif entraînent les mêmes conséquences.
Une décision regrettable et à contre-courant
Cette décision ne s’inscrit clairement pas dans le mouvement actuel visant à promouvoir l’égalité de rémunération entre les hommes et les femmes.
Or cet écart, rappelons-le, trouve souvent son origine dans la prise d’un congé maternité.
A notre sens, la salariée est bel et bien ici victime d’une discrimination indirecte, puisque le congé maternité est un congé légal obligatoire.
Cet arrêt est donc regrettable et n’envoie pas un signal positif aux femmes, pour lesquelles, bien souvent, le congé maternité constitue un frein à leur carrière professionnelle.