La chambre sociale de la Cour de cassation élargit, après l’amiante, par trois arrêts rendus le 11 septembre 2019 au bénéfice de salariés mineurs de fond, la réparation du préjudice d’anxiété à toutes substances nocives ou toxiques générant un risque élevé de développer une pathologie grave.
Pour mémoire, le préjudice d’anxiété permet l’indemnisation de personnes qui ne sont pas malades, mais s’inquiètent de le devenir.
Tout salarié exposé à une substance nocive ou toxique peut désormais demander, du moins en principe, réparation à son employeur du fait des manquements de ce dernier à son obligation de sécurité.
Pour ce faire, la Cour de cassation vise les « règles de droit commun régissant l’obligation de sécurité de l’employeur » à savoir les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail.
Selon la Cour de cassation, tout « salarié qui justifie d’une exposition à une substance nocive ou toxique générant un risque élevé de développer une pathologie grave et d’un préjudice d’anxiété personnellement subi résultant d’une telle exposition » peut prétendre à une indemnisation spécifique à ce titre.
La Cour d’Appel de Metz, censurée par la Haute juridiction, avait estimé que « la réparation du préjudice spécifique d’anxiété, défini par la situation d’inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d’une maladie liée à l’amiante, n’ [était] admise, pour les salariés exposés à l’amiante, qu’au profit de ceux remplissant les conditions prévues par l’article 41 de la loi du 23 décembre 1998 et l’arrêté ministériel pris en application ».
La Haute juridiction balaie un tel raisonnement au visa des règles de droit commun régissant l’obligation de sécurité de l’employeur laquelle (naturellement) bénéficie à l’ensemble des salariés.
Sur le fond, il convient de préciser que la Cour d’Appel de Metz avait relevé de façon quelque peu surabondante voire contradictoire que les attestations et les témoignages communiqués par les différents salariés faisant état de constats alarmants en termes de sécurité et de santé au travail ne pouvaient être reliés directement à la situation concrète de chaque demandeur en fonction des différents postes successivement occupés par eux.
Il convenait donc pour les juges du fond d’apprécier l’existence d’un préjudice personnel subi par chaque salarié pris individuellement et consécutif aux manquements de l’employeur, ce que l’on peut, il est vrai, légitimement concevoir sur le plan juridique, en particulier, dans le cadre d’une action en responsabilité de droit commun.
Il convient de noter enfin que la Cour d’Appel de Metz avait estimé aux termes des décisions censurées qu’il était démontré que l’employeur avait pris « toutes mesures nécessaires de protection, tant individuelle que collective, et également d’information » de sorte qu’aucun manquement ne pouvait lui être reproché, l’employeur, il est vrai, n’étant désormais plus astreint à une obligation de sécurité de résultat envers ses salariés (Soc. 1er juin 2016 n° 14-19.702).
Or, précisément, la Cour de cassation reproche aux juges du fond de ne pas avoir suffisamment établi que « l’employeur avait démontré qu’il avait effectivement mis en oeuvre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, telles que prévues aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail ».
Il convient de rappeler en effet qu’il résulte des dispositions de l’article L. 4121-2 du Code du travail que l’employeur met en oeuvre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs sur le fondement des principes généraux de prévention tels que « l’évaluation des risques qui ne peuvent pas être évités », en les « combattant à la source » et « en adaptant le travail à l’homme » notamment.
C’est au l’aune des principes généraux de prévention que le Cour d’Appel de renvoi de Douai devra donc apprécier la réalité des manquements éventuels de l’employeur en termes de santé et de sécurité au travail et rechercher si les conditions de mise en oeuvre de la responsabilité de ce dernier sont réunies, s’agissant pour l’employeur d’une obligation de sécurité renforcée.
Source: Cass. Soc. 11 septembre 2019, n° 17-24.879, n° 17-26.879 et n° 17-18.311