Le renouvellement du confinement jusqu’au 15 avril a incité le ministère du Travail à actualiser son questions-réponses sur le coronavirus à l’intention des entreprises.
Alors que la version précédente ne s’écartait guère des règles traditionnelles pour la tenue de la négociation collective, le nouveau document semble davantage prendre acte des contraintes réelles qui pèsent sur les employeurs mais aussi sur le CSE.
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La négociation collective en “présentiel”
La négociation collective peut-elle toujours se faire lors d’une réunion où les négociateurs sont présents physiquement ?
Oui, soutient le ministère, si les précautions sont respectées (gestes barrière, distanciation, etc.) et si la consultation a un caractère d’urgence (réponse à la crise sanitaire, obligations découlant d’un impératif légal ou conventionnel).
Si ces conditions sont remplies, délégués et employeurs (d’entreprise ou de branche) bénéficient de l’autorisation de déplacement dérogatoire, “au même titre que les salariés dont l’activité n’est pas compatible avec le télétravail”.
Cependant, le ministère incite fortement à tenir plutôt les réunions à distance.
Dans les faits, lorsqu’une grande partie des salariés travaillent toujours sur place, les employeurs et les élus et/ou syndicats décident parfois de réduire le nombre de participants à ces réunions physiques afin de limiter les risques.
Il convient de noter que dans le guide qu’elle diffuse à ses militants, la CFDT considère que la visioconférence doit être privilégiée pour les négociateurs d’accords, “de façon temporaire”, “uniquement pendant la période de confinement”.
Pour ce syndicat, ces adaptations doivent faire l’objet a minima d’une information-consultation des IRP.
Concernant le CSE, la CFDT préconise de conditionner l’acceptation d’un assouplissement des règles et des délais de l’information-consultation à “un assouplissement des modalités de recours à l’expert” et notamment son financement à 100% par l’employeur.
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La négociation à distance
Quand la réunion physique est impraticable ou dangereuse, les négociations, d’entreprise comme de branche, peuvent se dérouler à distance, à condition qu’elles soient menées collectivement, dit le ministère.
Cela signifie que l’ensemble des parties à la négociation doivent être convoquées, sous peine de nullité de l’accord
Cela n’exclut pas des bilatérales, à condition que les étapes essentielles de la négociation aient lieu en présence de toutes les parties. “Il est nécessaire que les représentants de salariés puissent s’exprimer et débattre en présence de toutes les parties”, indique le ministère.
Sur la technique à adopter pour mener ces négociations, le ministère du Travail évoque “la visioconférence ou, à défaut, l’audioconférence”, à condition que ces techniques garantissent le principe de loyauté de la négociation, à savoir la possibilité donnée à toutes les parties de suivre la discussion et d’y participer.
S’il est techniquement possible de négocier à distance, c’est tout de même plus difficile que des échanges en présentiel, comme le montrent les réunions organisées sous forme de visioconférence.
L’attention requise par la communication à distance est forte, et il est plus malaisé de ménager des temps d’échange et de pause pour faire le point entre négociateurs d’une même organisation.
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La signature des accords
Le ministère liste plusieurs possibilités. La plus sûre sur le plan juridique semble être la première.
La solution électronique
Ratifier par signature électronique un accord d’entreprise ou de branche est possible, à condition que le dispositif technique soit conforme à ce que requiert l’article 1367 du code civil et la règle européenne (voir ici le règlement n°910-2014).
Le procédé doit garantir l’identification du signataire et son lien avec l’acte signé ainsi que l’impossibilité de modifier ultérieurement les données.
Le ministère du Travail insiste sur le coût réduit du recours à un service payant de signature électronique (qui serait compris entre 20 et 50 euros par utilisateur et par mois) et sur sa valeur juridique.
La solution “manuelle”
Cette partie du questions-réponses ne laisse pas de surprendre.
Étant donné le confinement, le ministère suggère d’envoyer à chaque partie le projet d’accord par mail, charge à chaque négociateur de l’imprimer, de le signer, et de le numériser.
Il faudra ensuite assembler dans un même PDF toutes les pages signées par toutes les parties et déposer cet accord via la téléprocédure.
Si les négociateurs n’ont pas d’imprimante, le ministère suggère d’envoyer par courrier à toutes les parties le projet d’accord, chaque partie étant invitée à signer le document, à le numériser (mais comment faire sans imprimante?) ou à défaut le prendre en photo et renvoyer ces clichés par mail.
On imagine que, là aussi, il faudrait assembler dans un même document PDF ces pages pour déposer l’accord par téléprocédure.
Surtout, qu’est-ce qui garantit que chaque signataire signera le même document et la même version de l’accord ?”
Autre solution suggérée par le ministère : une organisation peut donner mandat à une autre pour signer l’accord collectif
Un syndicat pourrait donc, explique la rue de Grenelle, donner mandat à une organisation de branche ou à un employeur de signer l’accord, en précisant dans son mandat écrit (transmis par exemple par mail) la version du projet d’accord qu’elle accepte de signer.
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La consultation des salariés
L’employeur d’une TPE-PME peut-il consulter ses salariés, pendant la crise sanitaire, pour faire ratifier un accord collectif ?
Le ministère déconseille de réunir l’ensemble des salariés, mais il estime qu’un “dispositif électronique de recueil de l’approbation des salariés à distance peut être mis en place dans les entreprises de moins de 11 salariés dépourvues de délégué syndical et dans les entreprises de 11 à 20 salariés dépourvues également de membre élu de la délégation du personnel du CSE”.
Le dispositif doit garantir la confidentialité du vote et l’émargement des personnes consultées.
“Afin de garantir l’intégrité du vote, les entreprises sont encouragées à joindre un récapitulatif de l’opération de vote électronique émis par le prestataire lors du dépôt de l’accord”, ajoute le document du ministère.
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Le dépôt d’un accord de branche
Le ministère invite les branches à déposer leur accord par voie électronique à l’adresse depot.accord@travail.gouv.fr en mentionnant dans l’objet du mail l’expression “accord ordonnances Covid-19” afin que l’accord soit enregistré en priorité, le déposant devant aussi préciser si une extension de l’accord est demandée.
Le dépôt doit s’accompagner, en pièce jointe, d’une version PDF de l’accord signé “ou une version de l’ensemble des exemplaires signés par chacune des parties s’il n’a pas été possible de faire figurer l’ensemble des signataires sur le même exemplaire”.
Ce PDF s’ajoute aux pièces habituellement réclamées en PJ : version anonymisée et justificatifs de notification de l’accord aux organisations syndicales représentatives.
Le dépôt papier de l’accord original pourra être fait ultérieurement, la transmission par voie électronique du document avec ses pièces jointes déclenchant son enregistrement.