Un salarié avait été engagé en qualité de veilleur de nuit par la société dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée.
Par la suite, en dépit de mises en demeure, le salarié n’avait pas été en mesure de présenter un titre de séjour valable l’autorisant à travailler.
Dans ces conditions, son employeur l’avait mis à pied à titre conservatoire sans le rémunérer, convoqué à un entretien préalable en vue d’un licenciement et licencié pour défaut de titre de séjour.
Le salarié avait saisi la juridiction prud’homale pour solliciter un rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire.
Pour débouter le salarié, les juges du fond avaient retenu qu’il ressortait de la lettre de licenciement que le salarié n’avait pas avoir produit, en dépit de mises en demeure, un titre de séjour valable l’autorisant à travailler, de sorte que l’employeur n’avait d’autre choix que de procéder à son licenciement.
Dans le cadre de son pourvoi, le salarié avait fait grief à l’arrêt de le débouter de ses demandes en paiement de rappel de salaire pendant la mise à pied conservatoire en faisant valoir que « la mise à pied conservatoire prévue par l’article L. 1332-3 du code du travail est une mesure provisoire qui permet à l’employeur d’écarter le salarié de l’entreprise dans l’attente du prononcé de la sanction ; qu’elle n’emporte perte du salaire correspondant que si la sanction prononcée est un licenciement pour faute grave ou lourde ; qu’en rejetant la demande du salarié tendant au rappel de salaires pendant la période de sa mise à pied conservatoire, cependant qu’elle avait constaté que son licenciement n’était pas fondé sur une faute grave mais reposait sur une cause objective tirée de sa situation irrégulière, la cour d’appel a violé l’article susvisé. »
La Haute juridiction, dans sa décision du 23 novembre 2022, casse l’arrêt de Cour d’appel au visa des articles suivants :
- l’article L. 1332-3 du Code du travail sur la mise à pied conservatoire,
- ’article L. 8252-1 du Code du travail selon lequel nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France,
- l’article L. 8252-2 1° du Code du travail selon lequel le salarié étranger a droit au titre de la période d’emploi illicite, au paiement du salaire et des accessoires de celui-ci, conformément aux dispositions légales, conventionnelles et aux stipulations contractuelles applicables à son emploi, déduction faite des sommes antérieurement perçues au titre de la période considérée.
Elle indique :
- qu’il résulte de ces textes que si l’irrégularité de la situation d’un travailleur étranger constitue nécessairement une cause objective justifiant la rupture de son contrat de travail exclusive de l’application des dispositions relatives aux licenciements et de l’allocation de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, elle n’est pas constitutive en soi d’une faute grave,
- que l’employeur qui entend invoquer une faute grave distincte de la seule irrégularité de l’emploi doit donc en faire état dans la lettre de licenciement,
- que seule la faute grave peut justifier une mise à pied conservatoire et le non-paiement du salaire durant cette période,
- que dans la mesure où l’employeur n’avait invoqué aucune faute grave à l’appui du licenciement, le salarié avait droit au paiement du salaire pour la période antérieure à la rupture du contrat de travail.
Cass. soc., 23 nov. 2022, n°21-12.125
https://www.courdecassation.fr/decision/637dcb5814982305d4c204d4