Près de dix mois après sa présentation en Conseil des ministres, la loi « Plan d’Action pour la Croissance et la Transformation des Entreprises », dite loi PACTE, a définitivement été adoptée par le Parlement le 11 avril 2019 et entrera en vigueur le 1er janvier 2020 sous réserve de certaines dispositions transitoires et de la décision du Conseil Constitutionnel, saisi le 16 avril 2019.
Cette loi, dont l’objectif est de « renouer avec l’esprit de conquête économique », modifie plusieurs aspects du droit du travail.
Simplification des seuils d’effectifs
- Harmonisation des modalités de décompte des effectifs
Les règles relatives aux modalités de décompte des effectifs sont unifiées et fixées par le nouvel article L.130-1 I du Code de la Sécurité Sociale.
Désormais, l’effectif salarié annuel correspond à la moyenne du nombre de personnes employées au cours de chacun des mois de l’année civile précédente.
- Rationalisation des niveaux de seuils d’effectifs
La loi privilégie les seuils de 11, 50 et 250 salariés.
Des seuils relevés
La loi relève à la hausse (de 20 à 50 salariés) les seuils d’effectifs concernant les obligations suivantes :
-la mise en place d’un règlement intérieur obligatoire,
-l’assujettissement à la contribution au Final au taux réduit de 0,10 %,
-l’assujettissement à la participation à l’effort de construction est relevé de 200 à 250 salariés le seuil à partir duquel il est obligatoire de communiquer aux actionnaires les 10 ou 5 rémunérations les plus importantes de l’entreprise.
Des seuils supprimés
La loi PACTE supprime :
-le seuil de 20 salariés en dessous duquel le conjoint du chef d’entreprise peut opter pour le statut de conjoint collaborateur,
-le seuil de 25 salariés à partir duquel l’employeur émettant des titres-restaurant doit avoir un compte bancaire ou postal dédié au versement des fonds perçus en contrepartie de leur cession. Désormais, cette obligatoire concerne l’ensemble des employeurs quel que soit l’effectif de l’entreprise.
- Lissage de l’effet de seuil à la suite du franchissement d’un niveau d’effectif
Le futur article L.130-1 II- du Code de la Sécurité Sociale détermine un mécanisme de lissage de l’effet de seuil à la suite du franchissement, à la hausse ou à la baisse, d’un niveau d’effectif.
Ainsi :
-le franchissement à la hausse d’un seuil d’effectif salarié est pris en compte lorsque ce seuil a été atteint ou dépassé pendant cinq années civiles consécutives ,
-le franchissement à la baisse d’un seuil d’effectif sur une année civile a pour effet de faire à nouveau courir un délai de 5 années pour être soumis à l’obligation attachée au franchissement à la hausse du seuil en question.
Cela signifie que lorsque le franchissement à la baisse se produit sur une année civile, la règle de report de cinq années précitée recommence à courir.
Par exception, l’obligation de mettre en place un règlement intérieur au sein de l’entreprise comptant au moins 50 salariés s’applique au terme d’un délai de 12 mois à compter de la date à laquelle ce seuil a été atteint.
Le gel du franchissement du seuil pendant une durée de 5 ans ne s’applique également pas au seuil d’effectif d’au moins 1 salarié et mois de 250 salariés applicable pour le bénéfice d’un accord d’intéressement, de participation ou d’un plan d’épargne d’entreprise au chef d’entreprise, à son conjoint et aux dirigeants.
La loi PACTE entrera en vigueur au 1er janvier 2020, sous réserve de quelques exceptions : les dispositifs actuels de lissage sont maintenus à titre transitoire et le nouveau mécanisme de limitation des effets de seuils ne s’appliquera pas aux entreprises déjà assujetties en 2019.
Outre les mesures relatives au décompte des effectifs, leurs différents seuils et les obligations qui en découlent, la loi PACTE vise à réformer les différents dispositifs d’épargne salariale et d’épargne retraite.
Les mesures visant à rendre plus attractifs les dispositifs d’épargne salariale et retraite
- Les mesures concernant l’épargne salariale
La loi renforce l’attractivité des dispositifs d’épargne salariale en apportant de nombreuses modifications aux règles régissant l’intéressement et la participation.
- Sur l’obligation de négocier des accords-types au niveau de la branche
Afin de faciliter la mise en place de ces dispositifs, les branches sont invitées à négocier un dispositif d’intéressement, de participation ou de plan d’épargne salariale au profit des entreprises de la branche, au plus tard le 31 décembre 2020.
Ce régime devra être adapté aux spécificités des entreprises employant moins de 50 salariés.
Sa négociation pourra intégrer des critères de performance relevant de la responsabilité sociale des entreprises, dont la liste sera fixée par décret.
Les entreprises de la branche pourront opter pour l’application directe de l’accord ainsi négocié.
A défaut d’initiative patronale d’ici à la fin de l’année 2019, la négociation devra s’engager dans le 15 jours à la demande d’au moins une organisation syndicale représentative dans la branche.
- Sur le bénéfice de l’épargne salariale par le conjoint du chef d’entreprise lié par un PACS
Le partenaire du chef d’entreprise lié par un PACS peut désormais bénéficier de l’intéressement, de la participation et d’un PEE au même titre que les conjoints collaborateurs ou associés mariés au chef d’entreprise.
- Sur le renforcement de l’information
La personne chargée de la tenue de registre des comptes devra fournir à tout bénéficiaire d’un plan d’épargne salariale un relevé annuel de situation comportant le choix d’affectation de son épargne, ainsi que le montant de ses valeurs mobilières estimé au 31 décembre de l’année précédente.
- Sur l’intéressement
Le montant des primes d’intéressement distribué à un même bénéficiaire au titre du même exercice est désormais plafonnée aux trois-quarts du Plafond Annuel de la Sécurité Sociale (PASS), soit 30 393 € en 2019, et non plus à la moitié du PASS.
Le plafonnement individuel de l’intéressement est ainsi aligné sur celui de la participation.
Le même plafond est fixé pour la limite d’application des exonérations fiscales sur la prime d’intéressement versée en tout ou partie sur un plan d’épargne salariée.
L’intéressement collectif des salariés doit présenter un caractère aléatoire et résulter d’une formule de calcul liée aux résultats ou performances de l’entreprise au cours d’une durée comprise entre 3 mois et 1 an.
La loi PACTE permet de compléter cette formule de calcul par un objectif pluriannuel lié aux résultats ou aux performances de l’entreprise.
En cas de changement de la situation juridique de l’entreprise, notamment par fusion, cession ou scission, qui nécessite la mise en place de nouvelles IRP, l’accord d’intéressement se poursuit ou peut être renouvelé selon l’une des modalités de mise en place des accords d’intéressement. Si l’accord s’avère inapplicable, il cesse, comme avant, de produire ses effets.
Est également mis en place un dispositif de sécurisation du régime social et fiscal de faveur dont bénéficient les accords d’intéressement en l’absence d’observations de la DIRECCTE dans les quatre mois suivant le dépôt de l’accord.
Les exonérations fiscales prévues aux articles L. 3315-1 à L. 3315-3 du Code du travail sont réputées acquises pour la durée de l’accord, dès lors que la DIRECCTE n’a pas formulé d’observations dans un délai de quatre mois à compter du dépôt de l’accord.
Par dérogation à cette disposition, la DIRECTE dispose de six mois suivant le dépôt de l’accord pour formuler des demandes de modification de dispositions contraires aux dispositions légales afin que l’entreprise puisse se mettre en conformité pour les exercices suivant celui du dépôt.
En l’absence de telles demandes dans ce délai, les exonérations sociales et fiscales sont réputées acquises pour la durée de l’accord.
Désormais, l’accord d’intéressement peut prévoir de répartir immédiatement les reliquats résultant de l’application des plafonds individuels de versement de l’intéressement entre les salariés qui n’auraient pas déjà atteint le plafond de ses droits individuels.
- Sur la participation
La participation doit obligatoirement être mise en place à compter du 1er exercice ouvert après une période de 5 années civiles consécutives durant lesquelles l’effectif de l’entreprise est d’au moins 50 salariés.
En cas de participation proportionnelle aux salaires, le plafond des salaires pris en compte fixé par l’accord de participation ne peut excéder 3 fois le montant du plafond annuel de la Sécurité Sociale (PASS), contre 4 auparavant.
- Sur les plans d’épargne salariale
La loi PACTE permet la mise en place d’un PERCO sans existence préalable d’un plan d’épargne entreprises ou d’un plan d’épargne inter-entreprises.
De plus, la loi permet à l’employeur de procéder à un versement « unilatéral » sur le PEE, même en l’absence de contribution du salarié. Cette possibilité doit être prévue par le règlement du plan.
Ces versements unilatéraux seront soumis au même régime social et fiscal que les abondements « classiques » de l’employeur, dans des conditions restant à fixer par décret.
- Les mesures concernant l’épargne retraite
La loi met en place un socle de règles communes aux différents plans d’épargne retraite afin de gagner en lisibilité et de permettre la portabilité des droits.
- Sur l’unification des règles relatives aux plans d’épargne retraite
Les règles qui s’appliquent aux plans d’épargne retraite sont unifiées et réunies au sein du Code monétaire et financier aux articles L. 224-1 et suivants pour plus de lisibilité.
D’après l’article L.224-2 nouveau du Code Monétaire et Financier, les sommes versées dans un plan d’épargne retraite peuvent provenir :
De versements volontaires du titulaire
-De sommes versées au titre de la participation aux résultats de l’entreprise ou de l’intéressement, ou de versements des entreprises prévus au titre III dudit livre III, ainsi que des droits inscrits au compte épargne-temps ou, en l’absence de compte épargne-temps dans l’entreprise et dans des limites fixées par décret, des sommes correspondantes à des jours de repos non pris, s’agissant des plans d’épargne retraite d’entreprise.
-De versements obligatoires du salarié ou de l’employeur, s’agissant des plans d’épargne retraite d’entreprise auxquels le salarié est affilié à titre obligatoire.
Par ailleurs, l’article L.224-4 nouveau du Code Monétaire et Financier dispose que les droits constitués dans le cadre du plan d’épargne retraite peuvent être, à la demande du titulaire, liquidés ou rachetés de manière anticipée dans les seuls cas suivants :
-décès du conjoint du titulaire ou de la personne liée par un PACS au titulaire,
-invalidité du titulaire, de ses enfants, de son conjoint ou de son partenaire,
-surendettement du titulaire,
-expiration des droits de l’assuré aux allocations chômage, ou le fait pour le titulaire d’un plan qui a exercé des fonctions d’administrateur, de membre du directoire ou de membre du conseil de surveillance et n’a pas liquidé sa pension dans un régime obligatoire d’assurance vieillesse de ne pas être titulaire d’un contrat de travail ou d’un mandat social depuis deux ans au moins à compter du non-renouvellement de son mandat social ou de sa révocation,
-cessation d’activité non salariée de l’assuré après un jugement de liquidation judiciaire ou toute situation justifiant ce retrait ou ce rachat selon le président du tribunal de commerce auprès duquel est instituée une procédure de conciliation, qui en effectue la demande avec l’accord du titulaire,
-affectation des sommes à l’acquisition de la résidence principale. Les droits correspondants aux sommes mentionnées au 3° de l’article L. 224-2 du présent code (versements obligatoires du salarié ou de l’employeur, s’agissant des plans d’épargne retraite d’entreprise auxquels le salarié est affilié à titre obligatoire) ne peuvent être liquidés ou rachetés pour ce motif.
- Sur l’information des titulaires des plans d’épargne retraite
L’article L.224-7 nouveau du Code Monétaire Financier dispose que les titulaires d’un plan d’épargne retraite bénéficient :
-d’une information régulière sur leurs droits, s’agissant notamment de la valeur des droits en cours de constitution et des modalités de leur transfert vers un autre plan d’épargne retraite,
-d’une information détaillée précisant, pour chaque actif du plan, la performance brute de frais, la performance nette de frais et les frais prélevés, dans des conditions définies par arrêté du ministre chargé de l’économie. Cette information, qui mentionne notamment les éventuelles rétrocessions de commission perçues au titre de la gestion financière des plans, est fournie avant l’ouverture du plan puis actualisée annuellement.
- Sur la transférabilité des droits entre les dispositifs d’épargne retraite
Il est désormais possible de transférer les droits individuels en cours de constitution vers tout autre plan d’épargne retraite, sans que le transfert n’emporte de modification des conditions de leur rachat ou leur liquidation.
Les frais encourus à l’occasion d’un tel transfert ne pourront excéder 1% des droits acquis et seront nuls à l’issue d’une période de 5 ans à compter du premier versement dans le plan ou lorsque le transfert intervient à compter de l’échéance mentionnée à l’article L. 224-1 nouveau du Code Monétaire et Financier.
Toutefois, le transfert n’est pas totalement libre puisque les droits individuels relatifs aux plans d’épargne retraite d’entreprise auxquels le salarié est affilié à titre obligatoire ne seront transférables que lorsque le titulaire n’est plus tenu d’y adhérer.
Les autres mesures sociales
La loi PACTE permet une meilleure représentation des salariés dans les Conseils d’Administration et de surveillance grâce à un accroissement global du nombre de représentants, un renforcement de la formation de ces derniers et l’interdiction de toute discrimination dans la procédure de nomination à des fonctions exécutives.
En effet, la société est désormais tenue de prévoir au moins 2 représentants des salariés lorsque le nombre de non-salariés est supérieur à 8 et non plus à 12.
La loi permet également la mise en place d’un dialogue direct entre le CSE et le Conseil d’Administration sur les orientations stratégiques de l’entreprise.
En effet, l’organe chargé de l’administration ou de la surveillance de la société pourra désormais présenter sa réponse argumentée à l’avis du CSE, laquelle pourra donner lieu à un débat.
En outre, les commerces de détail alimentaire peuvent réduire la période de nuit, à condition de conclure un accord collectif qui organise le travail en soirée et fixe notamment les contreparties dont bénéficient les salariés qui travaillent entre 21h et le début de la période de nuit.
Enfin, un guichet unique pour remplacer les centres de formalités des entreprises sera mis en place au plus tard au 1er janvier 2021, afin de simplifier les démarches déclaratives que les entreprises sont tenues d’accomplir lors de leur création, de la modification de leur situation ou de la cessation de leur activité.