C’est depuis la loi du 4 août 1982 que le législateur a assigné à l’employeur l’obligation, du moins dans les entreprises de droit privé et les établissements publics à caractère industriel et commercial où sont employés habituellement au moins 20 salariés, d’établir un règlement intérieur.
Le règlement intérieur est un document écrit, établi unilatéralement par l’employeur, qui fixe un certain nombre de règles applicables aux salariés de l’entreprise dans des domaines limitativement définis (hygiène et sécurité, discipline et droits de la défense).
Expression du pouvoir patronal, le règlement intérieur s’impose aux salariés sans qu’il y ait à rechercher s’ils y ont souscrit lors de leur recrutement.
Il est opposable aux salariés, peu important leur date d’entrée dans l’entreprise et le contenu de leur contrat de travail.
Vecteur de contrôle de cette expression du pouvoir patronal, le règlement intérieur lie l’employeur avec les règles qui y sont édictées.
En effet, il ne saurait imposer n’importe quelles règles, et, à ce titre, le législateur limite les choix de l’employeur concernant le contenu du règlement intérieur puisque le Code du travail exige que ledit règlement traite des questions liées à l’hygiène, la sécurité, au rétablissement de conditions de travail protectrices de la santé et de la sécurité des salariés, et à la discipline.
Plus précisément, et en application de l’article L. 1321-1 du Code du travail, le règlement intérieur doit définir :
• les mesures d’application de la réglementation en termes d’hygiène et de sécurité dans l’entreprise ou l’établissement, notamment les consignes prévues à l’article L. 4122-1 du Code du travail qui précisent, particulièrement lorsque le type de risque le justifie, les modalités d’utilisation des équipements de travail, des équipements de protection individuelle, des substances et préparations dangereuses ;
• les modalités selon lesquelles les salariés peuvent être priés de contribuer, à la demande de l’employeur, à la réintégration de conditions de travail protectrices de la sécurité et de la santé des salariés, dès lors qu’elles apparaissent compromises ;
• les règles générales et permanentes relatives à la discipline et notamment la nature et le niveau des sanctions que peut prendre l’employeur de sorte qu’une sanction, sauf à être irrégulière, ne saurait être décidée à l’égard d’un salarié que si elle est énoncée dans le règlement intérieur.
Pourtant, initialement cantonné aux trois domaines précités, le contenu du règlement intérieur ne cesse de s’étoffer au gré des évolutions législatives pour y accueillir les dispositions du Code du travail ou d’autres principes relatifs, entre autres, au harcèlement moral et sexuel, et à la neutralité au sein de l’entreprise.
Interdiction des comportements sexistes ;
La loi du 8 août 2016, dite « Loi travail », a ajouté l’obligation pour l’employeur d’insérer dans le corps du règlement intérieur les dispositions relatives aux agissements sexistes.
En effet, l’interdiction des agissements sexistes, créée par la loi Rebsamen, est intégrée aux principes généraux de prévention mis en œuvre par l’employeur dans le cadre de son obligation de sécurité.
Ce rappel indirect de l’obligation de prévention est significatif d’une évolution qui se confirme par l’ajout dans le règlement intérieur « des dispositions relatives aux harcèlements moral et sexuel et aux agissements sexistes prévues par le présent code ».
Le règlement intérieur apparaît définitivement comme un réel outil pour satisfaire à l’obligation de prévention et a fortiori de sécurité de l’employeur.
Principe de neutralité
La loi du 8 août 2016 a également permis aux entreprises d’y intégrer, sous certaines conditions, un principe de neutralité.
En effet, la loi Travail autorise à inscrire dans le règlement intérieur un principe de « neutralité restreignant la manifestation des convictions des salariés » à condition qu’elle soit justifiée par l’exercice d’autres libertés et droits fondamentaux et par les nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise et proportionnée au but recherché (C. trav., art. L. 1321-2-1).
Même si le fait religieux n’est pas principalement visé, c’est pourtant lui qui concentre toutes les attentions.
Ainsi, selon l’étude effectuée par l’institut Randstad et l’Observatoire du fait religieux en entreprise (OFRE), près de deux tiers des salariés interrogés (65%) observaient en 2016 plusieurs manifestations dudit fait religieux alors qu’ils étaient 50% en 2015.
Il ne s’agit cependant pas d’une introduction totale de la neutralité au sein de l’entreprise de droit privé.
C’est d’ailleurs ce que rappelle le Guide pratique du fait religieux en entreprise, élaboré par le ministère du Travail, même si l’employeur de droit privé peut, sous des conditions encadrées par la loi, « introduire certaines restrictions allant jusqu’à la neutralité dans le règlement intérieur ».
Aussi, le simple fait d’être en contact avec la clientèle n’est pas en soi une justification légitime pour restreindre l’expression de la liberté de religion du salarié.
Dans tous les cas, l’employeur devra démontrer que cette décision est fondée sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination et justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché.
Interdiction du vapotage
Comme il l’a été précédemment expliqué, l’employeur doit prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des salariés, et, le règlement intérieur y contribue.
Ainsi, le décret du 25 avril 2017 pose l’interdiction de vapoter dans les lieux de travail fermés et couverts à usage collectif.
L’employeur doit obligatoirement afficher une signalisation rappelant cette interdiction ou prévoir une note de service.
S’il ne se plie pas à cette obligation, il risque une contravention de 3e classe, soit 350 euros.
Concernant le règlement intérieur, l’inscription d’une clause sur le vapotage peut être envisagée, elle peut mentionner une interdiction stricte de la cigarette électronique, empêchant ainsi les personnes seules dans leur bureau de vapoter.
En conclusion, le contenu du règlement intérieur, par tous ces ajouts successifs du législateur, a fortement évolué.
Il reste cependant toujours strictement encadré.
En effet, d’une part, si le contenu du règlement intérieur a fait l’objet d’ajouts réguliers, il demeure toujours cantonné à deux thèmes précis et principaux que sont les mesures d’application de la réglementation en matière de santé et de sécurité et les règles générales et permanentes relatives à la discipline.
Il s’agit donc d’un contenu exclusif.
Toute clause ne relevant pas de ces domaines doit être exclue.
Par ailleurs, le règlement intérieur ne peut en aucun cas contenir des dispositions contraires aux lois, règlements et conventions collectives.
Il ne saurait non plus apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché (C. trav., art. L. 1321-3).
D’autre part, si le règlement intérieur est rédigé unilatéralement par l’employeur, la consultation préalable du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, ainsi que, pour les matières relevant de sa compétence, du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) est obligatoire, en application de l’article L. 1321-4 du Code du travail.
Aussi, il doit être communiqué en double exemplaire à l’inspection du travail accompagné de l’avis du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel et, le cas échéant, du CHSCT (C. trav., art. L. 1321-4).
Par ailleurs, il doit également être déposé au greffe du conseil de prud’hommes du ressort de l’entreprise ou de l’établissement (C. trav., art. R. 1321-2).
Enfin, depuis le décret n°2016-1417 du 20 octobre 2016, l’article R. 1321-1 du Code du travail n’impose plus que le règlement intérieur soit affiché à une place convenable et aisément accessible dans les lieux de travail, sinon, qu’il soit porté « par tout moyen, à la connaissance des personnes ayant accès aux lieux de travail ou aux locaux ou se fait l’embauche ».
Pour résumer, il ne peut qu’être conseillé aux salariés et aux employeurs d’être accompagnés tant dans la mise en place que dans l’analyse du règlement intérieur en ce que pour les premiers, sa connaissance et sa compréhension permettront de ne pas commettre de faits, qualifiés de fautifs par le règlement intérieur, ou encore de faire invalider des procédures disciplinaires n’ayant pas respecté les règles du règlement intérieur et pour les seconds, son exacte rédaction et sa régulière mise en place permettront de ne pas voir leur responsabilité engagée pour violation de leur obligation de sécurité et de ne pas voir leurs procédures disciplinaires jugées comme irrégulières.