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La relation amoureuse du DRH avec une représentante du personnel peut légitimer un licenciement pour faute grave

Un motif tiré de la vie personnelle ne peut pas, en principe, constituer un motif de licenciement disciplinaire, sauf si le salarié méconnaît ses obligations contractuelles.

En l’espèce, le fait pour un DRH d’avoir caché sa relation amoureuse avec une représentante du personnel a été considéré, compte tenu des faits de l’espèce, comme un manquement grave à son obligation de loyauté.

Faits et procédure

  1. Selon l’arrêt attaqué (Nîmes, 15 mars 2022), M. [Z] a été engagé en qualité de responsable de site, le 29 avril 2002, par la société Payen (la société).

En dernier lieu, il occupait les fonctions de responsable de la production des fils et de responsable des sites.

  1. Licencié pour faute grave par lettre du 27 septembre 2014 il a saisi la juridiction prud’homale de demandes en annulation de son licenciement et subsidiairement en contestation du bien-fondé de la rupture de son contrat de travail ainsi qu’en paiement de diverses sommes.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

  1. Le salarié fait grief à l’arrêt de juger que son licenciement pour faute grave est justifié, alors :

« 1°/ qu’un motif tiré de la vie privée du salarié ne peut, en principe, justifier un licenciement disciplinaire, sauf s’il constitue un manquement de l’intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail ; que le silence gardé par un salarié sur un fait relevant de la stricte intimité de sa vie privée ne saurait être regardé comme une méconnaissance par l’intéressé des obligations découlant de son contrat de travail ; qu’en l’espèce, pour dire le licenciement pour faute grave justifié, la cour d’appel a énoncé que la lettre de licenciement reprochait au salarié, titulaire de fonction de direction dans l’entreprise, un conflit d’intérêts et un acte de déloyauté consistant à n’avoir pas informé son employeur de sa relation avec une salariée qui, jusqu’à son départ de l’entreprise, était titulaire de mandats syndicaux et de représentation du personnel dans l’entreprise, que la déloyauté d’un salarié peut être caractérisée lorsque celui-ci cache à son entreprise des situations le touchant en lien avec l’exercice de l’activité professionnelle exercée ou pouvant avoir des conséquences sur celle-ci et que le licenciement de l’intéressé était justifié dès lors qu’il était établi qu’alors même que  »la relation entre les deux salariés avait commencé à prendre une tournure autre qu’amicale à la fin de l’année 2008 », les deux salariés avaient participé  »à des réunions conjointes, avant et après le mois de décembre 2008 » sur des sujets sensibles, le salarié en tant que représentant de la direction et la salariée en tant que représentant syndical ; qu’en statuant ainsi, quand l’absence d’information donnée par le salarié, fût-il chargé de fonctions de direction, sur sa relation avec une salariée, fût-elle titulaire de mandats de représentation du personnel, ne pouvait, dès lors que l’existence de cette relation relevait de la plus stricte intimité de la vie privée du salarié, caractériser un manquement de l’intéressé à une quelconque obligation née du contrat de travail et a fortiori une faute grave, la cour d’appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail, ce dernier texte dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, ensemble l’article 9 du code civil et l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

2°/ que le silence gardé par un salarié sur une situation de conflit d’intérêts née d’un fait relevant de la vie privée ne constitue un manquement à l’obligation de loyauté à l’égard de l’employeur que lorsque ce dernier justifie, par des éléments objectifs, d’un préjudice ; qu’en l’espèce, pour dire le licenciement pour faute grave justifié, la cour d’appel s’est bornée à énoncer que la lettre de licenciement reprochait au salarié, titulaire de fonction de direction dans l’entreprise, un conflit d’intérêts et un acte de déloyauté consistant à n’avoir pas informé son employeur de sa relation avec une salariée qui, jusqu’à son départ de l’entreprise, était titulaire de mandats de représentation du personnel dans l’entreprise et que le manquement était démontré dès lors qu’il était établi qu’alors même que les deux intéressés débutaient et entretenaient une relation, ils avaient participé conjointement à diverses réunions, y compris sur des sujets sensibles, le salarié en tant que représentant de la direction et sa compagne en tant que représentant du personnel, cette dernière s’étant en outre investie dans un mouvement de grève au sein de l’entreprise ; qu’en statuant ainsi, sans constater que les intérêts de l’employeur ou de l’entreprise avaient été lésés, la cour d’appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail, ce dernier texte dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, ensemble l’article 9 du code civil et l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

  1. Un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut, en principe, justifier un licenciement disciplinaire, sauf s’il constitue un manquement de l’intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail.
  2. La cour d’appel a constaté que le salarié, qui exerçait des fonctions de direction chargé en particulier de la gestion des ressources humaines et qui avait reçu du président du directoire de la société diverses délégations en matière d’hygiène, de sécurité et d’organisation du travail ainsi que pour présider, en ses lieux et place, de manière permanente, les différentes institutions représentatives du personnel, avait caché à son employeur la relation amoureuse qu’il entretenait, depuis la fin de l’année 2008, avec une autre salariée, laquelle, jusqu’à son départ de l’entreprise en avril 2013, y exerçait des mandats de représentation syndicale et de représentation du personnel, s’était investie en 2009 et 2010 dans des mouvements de grève et d’occupation d’un des établissements de l’entreprise et lors de la mise en oeuvre d’un projet de réduction d’effectifs et avait participé en 2009 puis au cours de l’année 2012 et en janvier 2013, dans ses fonctions de représentation syndicale, à diverses réunions où le salarié avait lui-même représenté la direction et au cours desquelles avaient été abordés des sujets sensibles relatifs à des plans sociaux.
  3. Elle a pu en déduire qu’en dissimulant cette relation intime, qui était en rapport avec ses fonctions professionnelles et de nature à en affecter le bon exercice, le salarié avait ainsi manqué à son obligation de loyauté à laquelle il était tenu envers son employeur et que ce manquement rendait impossible son maintien dans l’entreprise, peu important qu’un préjudice pour l’employeur ou pour l’entreprise soit ou non établi.
  4. Le moyen n’est donc pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

  1. Le salarié fait grief à l’arrêt de le débouter de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral résultant d’une atteinte à la vie privée et familiale, alors :

« 1°/ que la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation du chef de l’arrêt ayant dit que le licenciement du salarié fondé sur le silence gardé par lui sur un fait tiré de sa vie privée était justifié par une faute grave entraînera par voie de conséquence la cassation du chef de dispositif de l’arrêt l’ayant débouté de sa demande tendant à voir condamner l’employeur à lui verser des dommages-intérêts pour préjudice moral résultant d’une atteinte à la vie privée, et ce, par application de l’article 624 du code de procédure civile ;

2°/ que la seule constatation d’une atteinte à la vie privée ouvre droit à réparation ; qu’en énonçant par motifs supposément adoptés, que le salarié reconnaissant les faits et arguant se sentir mal, il sera débouté de sa demande de dommages-intérêts, la cour d’appel a statué par des motifs impropres à écarter le droit à réparation du salarié résultant d’une atteinte à sa vie privée et familiale et partant, a violé l’article 9 du code civil. »

Réponse de la Cour

  1. Le rejet du premier moyen rend sans portée la demande de cassation par voie de conséquence du second moyen, pris en sa première branche.
  1. La cour d’appel, après avoir jugé que le salarié avait commis la faute grave qui lui était reprochée, a, par motifs adoptés et par une appréciation souveraine des éléments qui lui étaient soumis, retenu qu’il reconnaissait qu’il aurait dû révéler à son employeur sa relation amoureuse avec une autre salariée. Elle en a déduit l’absence d’une faute imputable à l’employeur et à l’origine du préjudice allégué.
  2. Le moyen n’est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [Z] aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf mai deux mille vingt-quatre.

https://www.courdecassation.fr/decision/6656c53b67f9f200081224b0

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