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La délicate question du respect du contradictoire devant l’inspection du travail et la protection des témoins

Le principe du contradictoire implique que le salarié protégé soit mis à même de prendre connaissance de l’ensemble des pièces produites par l’employeur à l’appui de sa demande, dans des conditions et délais lui permettant de présenter utilement sa défense, sans que la circonstance que le salarié soit susceptible de connaître le contenu de certaines de ces pièces puisse exonérer l’Inspecteur du travail de cette obligation.

Ce n’est que lorsque l’accès à certains de ces éléments serait de nature à porter gravement préjudice à leurs auteurs que l’Inspecteur du travail doit se limiter à informer le salarié protégé, de façon suffisamment circonstanciée, de leur teneur.

Dans un arrêt du Conseil d’Etat du 13 décembre 2021, il a été rappelé l’ensemble de ces règles.

En l’espèce, le salarié a été mis à même de demander, lorsqu’il avait été reçu par l’inspectrice du travail, l’accès à l’ensemble des témoignages relatifs aux faits reprochés et à leur intégralité.

Pour certains de ces témoignages, seuls les extraits les plus importants lui ont été remis à cette occasion.

Il s’en déduit que le caractère contradictoire de la procédure suivie devant l’Inspectrice du travail n’a pas été méconnu.

Il convient de profiter de cet arrêt du Conseil d’Etat pour revenir sur la délicate question dans le cadre du respect du contradictoire et rappeler également l’obligation de protéger les témoins.

Pour rappel :

« Le caractère contradictoire de l’enquête menée conformément aux dispositions de l’article R. 436-4 du code du travail impose à l’inspecteur du travail, saisi d’une demande d’autorisation de licenciement d’un salarié protégé fondée sur un motif disciplinaire, de mettre à même l’employeur et le salarié de prendre connaissance de l’ensemble des éléments déterminants qu’il a pu recueillir, y compris les témoignages, et qui sont de nature à établir ou non la matérialité des faits allégués à l’appui de la demande d’autorisation ».

Or il arrive que l’employeur craigne que les témoins fassent l’objet de menace ou d’intimidation.

Si tel est le cas, l’inspecteur du travail a la possibilité de ne pas communiquer les attestations, mais en motivant sa décision par le fait que l’accès à ces témoignages et attestations serait de nature à porter gravement préjudice à leurs auteurs.

Dans ce cas, il doit se limiter à informer le salarié protégé, de façon suffisamment circonstanciée, de leur teneur.

Il a également la possibilité de ne pas communiquer tous les éléments qu’il a pu recueillir au cours de son enquête, mais seulement ceux qui sont de nature à établir ou non la matérialité des faits allégués à l’appui de sa demande d’autorisation.

Dans ce contexte, il est possible à l’inspecteur, lorsque la communication de ces éléments est de nature à porter gravement préjudice aux personnes qui les ont communiqués, de se borner à informer le salarié de leur teneur, de façon suffisamment circonstanciée.

Un arrêt de la CAA de Nancy en 2015 formation à 3, 24 septembre 2015, 14NC01565, Inédit au recueil Lebon est venu préciser :

« Considérant qu’il est constant que ni les témoignages présentés par son employeur dans le cadre de l’enquête contradictoire, ni l’intégralité du procès-verbal de la séance extraordinaire du 2 novembre 2012 du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail de l’entreprise n’ont été communiqués à M. X  ;

que, cependant, eu égard aux fonctions d’encadrement exercées par le requérant, qui était susceptible de retrouver autorité sur certains des salariés ayant témoigné contre lui, ainsi qu’à la nature des agissements qui lui sont reprochés, en particulier les faits de harcèlement sexuel et moral, la communication des attestations établies par des salariés de l’établissement ainsi que celle de l’intégralité du procès-verbal mentionné ci-dessus aurait été susceptible de porter gravement préjudice à leurs auteurs  ; 

qu’en outre, il ressort des pièces du dossier, ce qui n’est pas contesté par le requérant, qu’il a été informé de façon suffisamment circonstanciée des agissements qui lui étaient reprochés ainsi que de la teneur des attestations et du procès-verbal en cause lors de l’entretien individuel du 22 novembre 2012  ;

qu’ainsi, le directeur adjoint du travail a pu, sans méconnaître le caractère contradictoire de l’enquête prévue à l’article R. 2421-11 du code du travail, se limiter à informer M. X de la teneur de ces documents, sans le mettre à même d’en avoir une connaissance exhaustive »

Attention néanmoins, car le juge doit apprécier si le salarié protégé a été suffisamment informé, d’une part et d’autre part, si la communication des éléments dont s’agit est de nature à porter gravement préjudice aux personnes qui les ont communiqués.

Conseil d’Etat, 13 décembre 2021, n° 437134

https://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/decision/2021-12-13/437134

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