L’information et la consultation du CSE
Si l’aménagement des locaux n’ayant aucune incidence sur les conditions de travail ou la marche de l’entreprise ne requiert pas la consultation du CSE (Cass. soc., 1er févr. 2017, no 15-22.362), ce dernier doit être informé et consulté sur le projet de déménagement, particulièrement lorsque les nouveaux locaux se situent dans un autre secteur géographique (Cass. soc. 30 juin 2010, no 09-13.640).
En l’espèce, la Cour de cassation a considéré que « constitue une décision d’aménagement important modifiant les conditions de travail au sens de ce texte, un projet de regroupement sur un même site d’un service commun réparti sur plusieurs sites intéressant 80 salariés, dont la mise en œuvre doit entraîner le transfert hors de leur secteur géographique d’origine ou le changement des attributions de ces salariés ».
Sans nier les difficultés pratiques induites par l’implication du CSE à un stade précoce du projet de déménagement, elle peut cependant s’avérer être un levier important d’adhésion des salariés.
Quelle est la compétence du CSE en matière de déménagement ?
Dans le cadre de sa compétence générale posée par l’article L 2312-8 du Code du travail, le CSE des entreprises employant 50 salariés ou plus doit être informé et consulté sur « tout aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail ».
En outre, le CSE dispose d’une compétence en matière de « politique sociale et de conditions de travail et d’emploi » (article L 2312-17, 3° du Code du travail).
Dans les entreprises l’ayant mise en place, la Commission Santé, Sécurité et Conditions de Travail, la CSSCT (articles L 2315-36 et L 2315-37 du Code du travail) a naturellement vocation à intervenir.
Qu’en est-il dans les entreprises de moins de 50 salariés ?
Aucune consultation du CSE n’est prévue. Aux termes de l’article L 2312-5 du Code du travail, le CSE contribue néanmoins à « promouvoir la santé, la sécurité et l’amélioration des conditions de travail dans l’entreprise ».
À ce titre, son information préalable au déménagement est conseillée.
À quel moment consulter le CSE ?
Le déménagement ne fait pas exception au principe de consultation préalable du CSE qui requiert de l’entreprise qu’elle soumette au CSE un projet dont les contours sont encore modulables voire réversibles.
Sous peine de délit d’entrave (article L 2317-1 du Code du travail), l’employeur doit consulter le CSE avant que l’entreprise ne dénonce le bail des anciens locaux et ait conclu celui des nouveaux.
À défaut, la décision de déménagement est considérée comme définitive rendant ainsi la consultation du CSE inopérante (Cass Crim. 15 mars 2016, n° 14-85.078).
Cette consultation doit également précéder la décision des organes de direction de l’entreprise actant le déménagement des locaux (Cass. soc., 28 janv. 2014, no 12-87.164).
Les difficultés pratiques engendrées par cette jurisprudence sont nombreuses. Il faut que le projet soit suffisamment élaboré et donc les futurs locaux identifiés pour que la consultation ait un effet utile.
La Direction a donc intérêt à associer le plus en amont possible le CSE sur son projet de déménagement et de mise en place future du flex-office avant que les locaux ne soient trouvés.
L’employeur a en effet tout intérêt à fédérer les membres du CSE autour de son projet pour éviter tout litige.
Quels sont les thèmes de consultation ?
L’entreprise doit fournir toutes les informations pertinentes relatives au projet de déménagement envisagé : la nouvelle localisation envisagée, la description des locaux et l’impact de ce projet sur les conditions de travail des salariés (aménagement intérieur, flex-office éventuel mais également accessibilité en transports en commun).
Elle doit informer le CSE sur les mesures d’accompagnement afin de réduire l’impact du déménagement sur le quotidien des salariés (aides financières en cas de déménagement du domicile, prise en charge des frais de transport additionnels, accompagnement du changement, par le biais de visites préalables des locaux ou la mise en œuvre d’une cellule d’aide) et permettre de fédérer tant le CSE que les salariés.
Par ailleurs, et ce sera particulièrement le cas si un expert est nommé, le CSE devra être informé sur la conformité des locaux dans lesquels l’entreprise envisage d’emménager aux dispositions du Code du travail relatives à la santé et à la sécurité, notamment : hauteur et superficie de l’espace de travail (article R 4214-22 du Code du travail) niveau d’éclairage (article R 4223-4 du Code du travail) accessibilité aux personnes handicapées (articles R 4214-26 et suivants du Code du travail).
Le CSE peut-il avoir recours à l’expertise ?
Dans les entreprises de 50 salariés et plus, le CSE peut désigner un expert dans le cadre de sa consultation sur « un projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail » (article L 2315-94, 2° du Code du travail).
Dès lors que le déménagement implique un aménagement important des conditions de travail des salariés (changement de zone géographique ou mise en place du flex-office par exemple), le CSE pourra donc se faire assister d’un expert qui sera financé à 20 % par le comité sur son budget de fonctionnement et à 80 % par l’employeur (article L 2315-80 du Code du travail).
La désignation d’un expert engendrera par ailleurs une prolongation du délai de consultation du CSE qui passe d’un à deux mois (article R 2312-6 du Code du travail).
Les licenciements induits par le déménagement
La modification du contrat de travail
Au-delà de la collectivité de travail, chaque salarié est impacté individuellement par un déménagement.
Dès lors que les nouveaux locaux ne se situent pas sur la même zone géographique et en l’absence de clause de mobilité opposable, chaque salarié est en droit de refuser cette modification du lieu de travail (Cass. Soc. 27 novembre 2002, n° 00-45.751).
Le CSE doit être consulté, dans ce cas, sur la procédure de modification d’un élément essentiel du contrat de travail que mettra en œuvre l’employeur au titre de sa consultation sur la politique sociale de l’entreprise (article L 2312-17, 3° du Code du travail).
Le salarié aura un mois pour se prononcer (article L 1222-6 du Code du travail).
En cas de refus, une procédure de licenciement pour motif économique sera mise en œuvre.
Dès lors que le licenciement des salariés refusant le déménagement des locaux doit être envisagé, les raisons invoquées par l’entreprise pour la mise en œuvre du projet de déménagement devront constituer un motif réel et sérieux de licenciement.
Le motif économique utilisé sera le plus souvent celui de la réorganisation de l’entreprise pour sauvegarde de sa compétitivité mais la prise en bail de plus petits locaux pourra aussi s’expliquer par des difficultés économiques (article L 1223-3 du Code du travail).
Dans les entreprises de 50 salariés ou plus, l’employeur devra envisager de mettre en place une procédure de licenciement collectif pour motif économique avec mise en œuvre d’un plan de sauvegarde de l’emploi (« PSE ») si dix salariés ou plus refusent (article L 1233-61 du Code du travail).
Une nouvelle consultation du CSE devra alors être envisagée, concernant cette fois-ci spécifiquement le licenciement économique collectif et, le cas échéant, le PSE (articles L 1233-8 et suivants et articles L 1233-28 et suivants).
L’essor des accords de performance collective (APC) en matière de déménagement
Face à la complexité, à la durée et au coût éventuel de cette procédure, une solution alternative consiste à engager une négociation en vue de la conclusion d’un APC pour permettre de « répondre aux nécessités liées au fonctionnement de l’entreprise ou en vue de préserver, ou de développer l’emploi » (article L 2254-2 du Code du travail).
La conclusion d’un APC, dont l’objet peut précisément être de « déterminer les conditions de la mobilité professionnelle ou géographique interne à l’entreprise » (Ibidem), peut permettre d’envisager d’emblée les conséquences d’un déménagement et de régler l’ensemble des difficultés.
L’APC devra définir en préambule les raisons opérationnelles pour lesquelles un déménagement est proposé (coût des locaux, meilleure répartition territoriale etc.).
Les organisations syndicales devront alors déterminer les modalités de mise en œuvre du déménagement comme les mesures d’accompagnement éventuellement prévues (par exemple : aide au déménagement, prime de mobilité etc.).
Il convient de noter que l’APC est conclu selon les modalités déterminées aux articles L 2232-11 et suivants du Code du travail.
Les instances sociales diffèrent selon l’effectif de l’entreprise et la présence ou non de délégués syndicaux.
Les membres du CSE pourront notamment être signataires de l’APC dans les entreprises de 11 à moins de 50 salariés.
Pour l’entreprise, l’avantage principal de la conclusion d’un APC réside dans son effet sur les contrats de travail.
En effet, les stipulations de l’APC se substituent de plein droit aux clauses contraires des contrats de travail.
En pratique, l’APC permet virtuellement d’inclure dans chacun des contrats de travail une clause de mobilité opposable.
Il n’est donc pas nécessaire de respecter la procédure longue liée à la proposition de modification du contrat de travail pour motif économique.
Par ailleurs, si le salarié s’oppose à la mobilité impliquée par un déménagement prévu à l’APC, il pourra alors être licencié en raison de son refus, sans qu’aucun autre motif n’ait à être invoqué.
De ce fait, le risque de contentieux qui existe en cas de licenciement économique lié au projet de déménagement est écarté.
En définitive, un projet de déménagement doit s’anticiper dans toutes ses composantes dans le cadre de la stratégie de l’entreprise, de son plan d’affaires et de l’état de ses finances.
Le déménagement va-t-il se coupler avec le télétravail et le flex-office ? Le déménagement va-t-il impliquer une modification d’un élément essentiel du contrat de travail ? L’outil de l’APC va-t-il pouvoir être utilisé et y aura-t-il des signataires à l’accord ? La mise en œuvre d’une procédure de licenciement collectif pour motif économique est-elle inévitable et à quel prix en termes de perte de compétences, de coût des indemnités et de contentieux potentiels ?
Face à un déménagement par nature important et ses conséquences sur les conditions de santé, de sécurité et de travail, l’implication des instances sociales, organisations syndicales et CSE, et des salariés le plus en amont possible ne peut qu’être conseillée.