Depuis le début du confinement, beaucoup d’entreprises se sont interrogées sur les difficultés pratiques à intégrer des salariés dont le contrat de travail devait prendre effet pendant cette période.
Avant d’envisager toutes les situations pouvant se présenter, la question préalable à soulever est celle de savoir si l’épidémie de covid-19 est un cas de force majeure.
Comme nous l’avons évoqué dans notre article du 10 avril 2020 et s’agissant des règles en droit du travail, il convient d’être prudent par rapport à la force majeure.
En effet, l’épidémie de covid-19 n’est pas un cas de force majeure justifiant la rupture ni d’un CDD, ni d’un CDI.
Pour rappel, techniquement, seul le régime du CDD intègre la rupture anticipée pour cause de force majeure, mais ce mode de rupture est également admis pour le CDI, hors droit du licenciement.
La jurisprudence est très stricte sur le constat de la force majeure.
La poursuite de l’exécution du contrat de travail doit, en effet, être totalement impossible et ne pas être temporaire.
Dans cette dernière hypothèse, le contrat est juste suspendu jusqu’au retour à la normale.
Le simple fait que l’employeur soit empêché de fournir l’activité convenue n’est pas assimilée à la force majeure.
Seule une impossibilité durable, paralysant totalement l’activité de l’entreprise, ne lui permettant pas de poursuivre l’activité par d’autre biais (télétravail, relocalisation, sous-traitance) et imposant la rupture des contrats (ce qui implique que la mise en oeuvre de l’activité partielle ne réglerait pas durablement les problèmes) pourrait être admise.
L’épidémie de coronavirus ne rentre donc pas dans cette qualification d’autant que les mesures assouplissant le recours à l’activité partielle visent à soutenir l’activité économique des entreprises et à empêcher les licenciements.
Ce préalable ayant été fait, plusieurs cas de figure relatifs aux embauches en cours doivent être envisagés.
En pratique, il nous apparaît qu’il convient de traiter chaque situation de manière distincte et individualisée, en fonction des spécificités du poste et de la situation particulière du collaborateur concerné.
A chaque fois que c’est possible et envisageable, il convient d’envisager de différer la prise de poste avec l’accord du salarié.
- Cas n° 1 : CDI signé mais n’ayant pas encore débuté
Le Ministère a précisé que si le salarié bénéficiait d’une promesse d’embauche synallagmatique, c’est-à-dire signée des deux parties ou d’une attestation de son employeur justifiant le report de l’embauche, le salarié concerné pouvait prétendre à l’indemnisation chômage.
Si, en revanche, l’embauche est devenue effective, plusieurs situations doivent être évoquées.
Si le poste concerné est visé par l’activité partielle mise en place ou envisagée au sein de l’entreprise, le salarié peut être placé en activité partielle à son arrivée.
Dans ce cas, le début de la période d’essai éventuelle est différé.
Si le poste peut être réalisé en télétravail, par principe, le contrat de travail peut débuter à la date prévue, en télétravail.
Dans l’hypothèse où le salarié n’est pas en mesure de débuter ses fonctions sans encadrement ou accompagnement physique et/ou qu’il n’est pas possible de le former aux outils du télétravail, le recours à l’activité partielle pour ce salarié n’est pas automatiquement justifié, puisque le Q/R du Gouvernement et les dernières annonces du Président enjoignent tous les salariés et entreprises qui le peuvent à maintenir leur activité.
Si le poste est en principe travaillé sur place (sans possibilité de télétravail), le contrat de travail peut débuter à la date prévue.
De la même manière, un placement en activité partielle peut être envisagé, dans les limites ci-avant énoncées, s’il peut être justifié que l’encadrement ou l’accompagnement sur place n’est matériellement pas suffisant pour permettre au salarié de débuter ses fonctions.
Avant toute intégration physique d’un salarié sur site, il convient de vérifier que ce dernier n’est pas une personne « à risque » dans le cadre de l’épidémie, en lui communiquant pour ce faire la liste des personnes considérée comme telle par la HSP (Haute autorité de Santé Publique).
Le/la collaborateur/trice devra alors confirmer sa non-appartenance à cette liste pour permettre son intégration physique, à défaut, un arrêt de travail pourra être sollicité.
- Cas n° 2 : CDD signé mais n’ayant pas encore débuté
Pour rappel, le CDD ne peut être rompu de manière anticipée que :
- par accord entre l’employeur et le salarié,
- demande du salarié qui justifie d’une embauche en CDI,
- faute grave,
- force majeure,
- inaptitude constatée par le médecin du travail.
Comme explicité ci-avant, l’épidémie et le confinement en résultant ne sont pas des cas de force majeure, la situation ne devrait pas constituer une cause justifiée de rupture anticipée du CDD et ce, d’autant plus que les CDD sont éligibles à l’activité partielle.
Par ailleurs, la Cour de cassation considère que la cause du recours au CDD s’apprécie à la date de conclusion de celui-ci.
Il ne peut donc être soutenu que les CDD conclus, par exemple, pour accroissement temporaire d’activité ou remplacement d’un salarié absent, s’avèrent sans objet.
En revanche, il semble qu’au regard des dernières déclarations de la ministre du Travail, une telle position pourrait être tenue lorsque le CDD concerne une activité interdite aujourd’hui (arrêté du 14 mars 2020 modifié par les arrêtés du 15 et 16 mars 2020) et ce jusqu’au terme de ce CDD.
Dans tous les cas, les possibilités prévues ci-dessus pour les CDI doivent être envisagées selon les mêmes conditions et modalités.
- Cas n° 3 : La période d’essai en cours
Une possibilité de rupture ?
Même si la Cour de cassation reconnaît à chaque partie au contrat un droit « discrétionnaire » de mettre fin à l’essai, la rupture de la période d’essai par l’employeur est déclarée abusive lorsque la décision n’est pas motivée par des raisons professionnelles.
Ainsi, par exemple, une rupture prononcée pour un motif non inhérent à la personne du salarié mais motivée par une suppression de poste est abusive.
L’épidémie et le confinement ne peuvent donc pas justifier la rupture de la période d’essai en cours.
Une possibilité de suspension ?
Par principe, l’épidémie et le confinement ne suspendent pas de fait la période d’essai en cours.
C’est l’éventuelle interruption du travail dans le cadre de l’arrêt maladie, du placement en congés payés ou RTT ou de l’activité partielle qui pourront suspendre la période d’essai.