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LA CONTESTATION DES AVIS DU MÉDECIN DU TRAVAIL AUX PRUD’HOMMES

LA CONTESTATION DES AVIS DU MÉDECIN DU TRAVAIL AUX PRUD’HOMMES

La loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 a modifié la procédure de contestation de l’avis médical rendu par le médecin du travail en dessaisissant l’inspecteur du travail de cette compétence pour la transmettre au conseil de prud’hommes. Cette réforme est entrée en vigueur à compter du 1er janvier 2017.

Avant cette loi, la contestation d’un avis du médecin du travail était confiée à l’inspection du travail, sous le contrôle du juge administratif, ce qui conférait une certaine originalité à cette procédure car elle comportait un volet administratif dans le cadre d’un contentieux, celui de l’inaptitude, qui relève pourtant de la compétence exclusive du juge prud’homal.

Après son entrée en vigueur, cette procédure a fait l’objet de nombreuses critiques de sorte que des modifications ont été apportées à plusieurs reprises aux règles nouvellement définies en ce domaine (décret n° 2017-1108 du 10 mai 2017, ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, décret n° 2017-1698 du 15 décembre 2017, ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017). Les commentaires qui vont suivre concernent les instances introduites à compter du 1er janvier 2018.

Désormais, l’article L. 4624-7, I du code du Travail dispose que : « le salarié ou l’employeur peut saisir le conseil de prud’hommes en la forme des référés d’une contestation portant sur les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail reposant sur des éléments de nature médicale en application des articles L. 4624-2, L. 4624-3 et L. 4624-4. Le médecin du travail, informé de la contestation, n’est pas partie au litige ».

Le conseil de prud’hommes est saisi dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la décision contestée du médecin du travail.

La liste des écrits du médecin du travail susceptibles d’être ainsi contestés est limitative et comprend notamment les avis d’aptitude des salariés bénéficiant d’un suivi individuel renforcé, les propositions d’aménagement de postes et les avis d’inaptitude.

L’article L. 4624-7, II du code du Travail dispose quant à lui que : « le conseil de prud’hommes peut confier toute mesure d’instruction au médecin inspecteur du travail territorialement compétent pour l’éclairer sur les questions de fait relevant de sa compétence ».

Il s’agit là d’une modification issue de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 du dispositif prévu initialement par la loi du 8 août 2016 qui prévoyait que la saisine du conseil de prud’hommes avait pour objet la désignation d’un médecin expert inscrit sur la liste des experts près la cour d’appel.

Le médecin expert désigné pouvait demander au médecin du travail la communication du dossier médical en santé au travail du salarié sans que le secret médical puisse lui être opposé.

La formation de référé ou, le cas échéant, le conseil de prud’hommes saisi au fond pouvait en outre charger le médecin inspecteur du travail d’une consultation relative à la contestation, à tout moment, y compris dans la phase de conciliation ou de délibéré

Depuis le 1er janvier 2018 et ce, dans une logique de simplification, l’objet de cette procédure n’est plus la désignation d’un médecin expert.

Le conseil de prud’hommes dispose de la simple faculté, et non de l’obligation, de confier toute mesure d’instruction au médecin inspecteur du travail territorialement compétent pour l’éclairer sur des questions techniques d’ordre médicales.

Le médecin inspecteur du travail peut s’adjoindre le concours de tiers pour les besoins de sa mission.

Il est à noter cependant une exception prévue par l’article R.4624-45-2 du code du travail qui prévoit qu’en cas de d’indisponibilité du médecin inspecteur du travail, ou en cas de récusation de celui-ci (lorsque le médecin du travail l’a consulté avant de rendre l’avis contesté), le conseil de prud’hommes peut désigner un autre médecin inspecteur du travail que celui qui est territorialement compétent.

En pratique, les cas de refus de la mission d’instruction par le médecin inspecteur du travail sont fréquents, ce qui a pour effet d’allonger considérablement les délais de ces procédures particulières.

Par ailleurs, l’article L.4624-7, I du code du travail est curieusement rédigé car que doit-on entendre par « …avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail reposant sur des éléments de nature médicale… » ?

Cette rédaction pourrait laisser entendre que seuls les éléments de nature médicale peuvent justifier la contestation judiciaire des décisions du médecin du travail et que l’action en justice du demandeur ne serait pas recevable si elle repose sur une irrégularité de procédure ou toute autre situation ne concernant pas stricto sensu un problème médical.

En réalité, si un doute existait sous l’empire de l’ancienne rédaction de l’article 102 de la loi du 8 août 2016, qui disposait que l’action n’était recevable que si salarié ou l’employeur contestait « les éléments de nature médicale justifiant les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail », la rédaction de l’article L. 4624-7 du code du travail est aujourd’hui différente.

La contestation porte sur les avis du médecin du travail et pas uniquement sur les éléments de nature médicale.

Une autre curiosité de cette procédure tient au fait que seuls l’employeur et le salarié sont parties au procès.

Le médecin du travail n’est pas partie à la procédure et le texte précise laconiquement que ce dernier est « informé de la contestation ».

L’article L. 4624-7 du code du Travail ne précise pas qui prend l’initiative d’informer le médecin du travail de la contestation, même si en pratique c’est l’employeur qui s’en chargera, et dans quel délai cette informaton doit intervenir.

Le litige prud’homal va donc opposer l’employeur et le salarié à propos d’une décision rendue par le médecin du travail qui n’est ni partie à l’instance, ni représenté alors que ce sont ses avis, ses propositions, ses conclusions ou ses indications qui sont contestés.

Or en pratique, de nombreux conseils de prud’hommes ont appelé en cause le médecin du travail auteur de l’écrit contesté. Une circulaire de l’Ordre National des Médecins du 27 février 2017 a rappelé qu’en cas de demande de comparution du médecin du travail devant le conseil de prud’hommes, celui-ci devra indiquer que la seule dérogation au secret professionnel créée par l’article L.4624-7 du Code du travail a pour objet la remise du dossier médical au médecin-expert (aujourd’hui au médecin inspecteur du travail).

Lorsque le conseil de prud’hommes décide de confier une mission d’instruction, il faut organiser la transmission des éléments de nature médicale. L’article L. 4624-8 du code du travail prévoit que le salarié peut demander au médecin du travail que son dossier médical soit communiqué au médecin inspecteur du travail.

Quant à l’employeur, afin de garantir un débat contradictoire, il peut demander que les éléments médicaux ayant fondé l’avis du médecin du travail qui est contesté soient notifiés à un médecin qu’il mandate à cet effet.

Mais le texte manque de précision car il précise que ces éléments « peuvent » être transmis au médecin mandaté par l’employeur, ce qui laisse entendre qu’il ne s’agirait pas d’une obligation, le texte omettant en outre de préciser qui transmet ces éléments au médecin mandaté par l’employeur.

En outre, l’article L. 4624-8 du code du travail dispose que « le salarié est informé de cette notification » au médecin mandaté par l’employeur, ce qui laisse entendre qu’il ne peut s’y opposer.

Cela étant, le texte ne précise pas qui informe le salarié de cette notification et dans quel délai, ou encore quelle sanction éventuelle pourrait s’attacher à une absence d’information du salarié.

A cela, s’ajoute le fait que pour appuyer leur action en contestation d’un avis du médecin du travail, les salariés demandeurs communiquent souvent des avis rendus par leur propre médecin traitant, ce qui ajoute encore une certaine confusion car les dispositions légales qui organise cette procédure ne font nullement référence à la possibilité d’invoquer des éléments de nature médicale n’émanant pas de la médecine du travail.

Cela étant, cette procédure prud’homale spécifique obéit aux règles de droit commun d’administration de la preuve, et c’est pourquoi des conseils de prud’hommes tiennent compte dans leur délibéré de ces avis médicaux extérieurs à la sphère de l’entreprise.

En dépit de ces nombreuses imperfections rédactionnelles, cette procédure prud’homale spécifique n’est pas sans conséquence.

En effet, l’article L. 4624-7, III dispose que : « la décision du Conseil de Prud’homme se substitue aux avis, propositions, conclusions écrites ou indications contestés ».

Autrement dit, il est donc demandé au Juge Prud’homal de prendre un nouvel avis qui se substitue à celui du médecin du travail.

Sous l’empire des dispositions issues de la loi du 8 août 2016, la décision du conseil de prud’hommes n’avait vocation qu’à se substituer aux éléments de nature médicale.

Désormais, le juge prud’homal prend un nouvel avis qui remplace entièrement celui contesté rendu initialement par le médecin du travail.
Une dernière source d’interrogation tient au coût de la procédure car l’article L. 4624-7, IV dispose que : « les honoraires et frais liés à la mesure d’instruction sont mis à la charge de la partie perdante, à moins que le conseil de prud’hommes, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie ».

Le problème n’est pas tant le coût des honoraires à prendre en charge (fixé à 200 € par arrêté du 27 mars 2018) que cette notion de partie perdante.

Si le demandeur, qu’il soit le salarié ou l’employeur, n’obtient pas satisfaction, il peut être considéré comme une partie perdante.

En revanche, lorsque le demandeur obtient gain de cause et que le juge prud’homal substitue sa décision à celle du médecin du travail, l’on peut se demander qui est la partie perdante dans la mesure où le médecin du travail n’est pas partie au procès.

Il faut ici souligner que le Conseil de Prud’hommes est saisi en « la forme des référés », ce qui signifie que le juge prud’homal est saisi procéduralement comme un juge des référés (donc une procédure accélérée dans préalable de conciliation) mais qu’il rend une décision statuant sur le fond du litige.

Cette décision est susceptible d’appel dans un délai de 15 jours, mais cette voie de recours n’est pas suspensive puisque le conseil de prud’hommes statue en la forme des référés dans les conditions prévues par l’article R.1455-12 du code du travail (Article R.4624-45 du code du travail).

Cela signifie que la juridiction prud’homale exerce les pouvoirs dont dispose la juridiction au fond et qu’elle statue par une ordonnance qui a autorité de chose jugée et qui est exécutoire à titre provisoire.

En conclusion, cette procédure doit être traitée avec la plus grande attention car il ne s’agit pas d’une procédure de référé n’ayant pas autorité de chose jugée.

Ses contours sont avec le recul mieux appréhendés.

Ce qui l’est moins en pratique, ce sont les délais importants pour obtenir que se déroulent les mesures d’instruction éventuellement ordonnées par les conseils de prud’hommes.

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