Par une décision du 15 novembre 2023, la Cour de cassation a accepté de transmettre au Conseil constitutionnel deux questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) sur la question du sort des congés payés en cas de maladie du salarié, et plus précisément sur les articles L 3141-3 et L 3141-5, 5°du code du travail.
Après la Cour de cassation elle-même et la CJUE, ce sont les Sages qui vont désormais devoir se pencher sur cette question.
C’est parce que ces dispositions n’ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel que la Cour de cassation a accepté de les transmettre au Conseil constitutionnel.
Dans cette affaire, la salariée engagée en qualité d’employée commerciale le 12 octobre 2009, avait été placée en arrêt de travail pour maladie non professionnelle du 10 novembre 2014 au 30 décembre 2014, puis pour accident du travail du 31 décembre 2014 au 13 novembre 2016 et à nouveau pour cause de maladie non professionnelle du 19 novembre 2016 au 17 novembre 2019.
Le 16 janvier 2020, elle avait été licenciée pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement.
C’est à la suite de la rupture de son contrat qu’elle a saisi les juges, puis formulé deux demandes de QPC devant la Cour de cassation.
Le Conseil constitutionnel va devoir répondre à deux questions.
La première question est de savoir si les articles L 3141-3 et L 3141-5, 5°du code du travail portent atteinte au droit à la santé et au repos garanti par le 11e alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 en ce qu’ils ont pour effet de priver, à défaut d’accomplissement d’un travail effectif, le salarié en congé pour une maladie d’origine non professionnelle de tout droit à l’acquisition de congés payés et le salarié en congé pour une maladie d’origine professionnelle de tout droit à l’acquisition de congés au-delà d’une période d’un an ?
La première de ces dispositions prévoit que le salarié a droit à un congé de deux jours et demi ouvrables par mois de travail effectif chez le même employeur et que la durée totale du congé exigible ne peut excéder trente jours ouvrables.
La seconde indique que les périodes, dans la limite d’une durée ininterrompue d’un an, pendant lesquelles l’exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d’accident du travail ou de maladie professionnelle ne sont pas considérées comme du temps de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés.
Selon la Cour de cassation, cette question “présente un caractère sérieux en ce que, en cas d’absence du salarié de l’entreprise en raison d’un arrêt de travail pour cause de maladie, cause indépendante de sa volonté, l’article L.3141-3 du code du travail exclut tout droit à congé payé lorsque l’arrêt de travail a une origine non professionnelle et l’article L.3141-5, 5°, du même code ne permet pas l’acquisition de droit à congé payé au-delà d’une période ininterrompue d’un an en cas d’arrêt de travail pour cause d’accident du travail ou de maladie professionnelle”.
La seconde interrogation à laquelle le Conseil constitutionnel va devoir répondre est celle de savoir si l’article L.3141-5, 5° du code du travail porte atteinte au principe d’égalité garanti par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et l’article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958 en ce qu’il introduit, du point de vue de l’acquisition des droits à congés payés des salariés dont le contrat de travail est suspendu en raison de la maladie, une distinction selon l’origine professionnelle ou non professionnelle de la maladie, qui est sans rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit ?
Les juges estiment, là encore, que cette question « présente (…) un caractère sérieux en ce que l’article L.3141-5, 5°, du code du travail traite de façon différente au regard du droit à congé payé les salariés en situation d’arrêt de travail pour cause de maladie, selon l’origine, professionnelle ou non, de la situation de santé qui a justifié l’arrêt de travail ».
Le Conseil constitutionnel dispose désormais d’un délai de trois mois pour rendre sa décision.
S’il venait à censurer ces dispositions, il pourrait décider d’en reporter les effets afin de laisser le temps au législateur de modifier le code du travail.
En effet, dans ce cas, le législateur serait contraint de modifier les dispositions censurées.
Cass. Soc. QPC, 15 novembre 2023, n° 23-14.806