Une fois la convention signée, les parties à une rupture conventionnelle disposent de 15 jours calendaires pour se rétracter. Mais pour apprécier si la rétractation a bien été faite dans le délai, est-ce la date d’envoi de la lettre y procédant ou bien celle de sa réception qu’il y a lieu de retenir ?
La Cour de cassation a répondu à cette question par un arrêt du 19 juin 2019.
- Les faits
Alors qu’il travaille au sein de la société Tous services depuis le 1er janvier 1996, un salarié signe avec son employeur le 21 janvier 2015 une convention de rupture conventionnelle.
Le 3 mars 2015, cette rupture conventionnelle est homologuée par l’administration du travail.
L’employeur a exercé son droit de rétractation par un courrier signifiant sa décision au salarié envoyé le 3 février 2015 mais reçu seulement le 6 février 2015.
- Les règles applicables à l’espèce
En son ultime alinéa, l’article L. 1237-13 du Code du travail ouvre aux parties à une rupture conventionnelle le droit de se rétracter en précisant que :
« A compter de la date de sa signature par les deux parties, chacune d’entre elles dispose d’un délai de quinze jours calendaires pour exercer son droit de rétractation. Ce droit est exercé sous la forme d’une lettre adressée par tout moyen attestant de sa date de réception par l’autre partie ».
Ce délai de 15 jours étant « calendaires », il y a donc lieu de :
- compter tous les jours suivants la date de signature de la convention de rupture, dimanches et jours fériés compris,
- le faire courir le lendemain du jour de signature de la convention de rupture et le faire expirer le 15è jour à minuit.
Une circulaire de la Direction générale du travail (DGT) était d’ailleurs venue préciser cette modalité de décompte.
- Les arguments de chacune des parties
Le salarié a estimé que la rétractation de l’employeur n’était pas recevable et que la rupture conventionnelle devait en conséquence être considérée comme valablement conclue.
A l’appui de cette position, il a fait valoir que la convention avait été signée le 21 janvier 2015.
En faisant courir le délai de 15 jours le lendemain de cette date, cela revenait à le faire expirer le 5 février 2015 à minuit.
Or, ce n’est que le 6 février 2015 que le pli recommandé contenant le courrier de rétractation lui avait été présenté.
En conséquence, pour le salarié, la rétractation n’était pas valable.
A l’inverse, l’employeur affirmait que la décision prise de se rétracter était parfaitement valable puisqu’il l’avait envoyé le 3 février 2015, soit le 13è jour suivant la signature de la convention de rupture, en respect du délai de 15 jours légal.
Alors, au final, quelle date fallait-il retenir ? La date d’envoi ou la date de réception ?
- Une rupture conventionnelle reconnue valable par la Cour d’appel
C’est bien l’argumentation du salarié qui l’a emporté sur la conviction des juges du fond. Ils ont en effet constaté que la décision de rétractation de l’employeur n’était parvenue au salarié que le 16è jour suivant la signature de la convention de rupture, soit postérieurement au délai de 15 jours légal.
La rupture conventionnelle devait donc être considérée comme valablement conclue.
- La Cour de cassation n’est pas de cet avis
La Cour de cassation censure en effet la décision des juges du fond en considérant qu’« une partie à une convention de rupture peut valablement exercer son droit de rétractation dès lors qu’elle adresse à l’autre partie, dans le délai de 15 jours calendaires, une lettre de rétractation » et qu’en conséquence « la lettre de rétractation devait produire des effets ».
Autrement dit, c’est la date d’envoi de la lettre de rétractation qui doit être prise en compte et non sa date de réception.
Ce faisant, la Haute juridiction rend une décision conforme aux orientations qu’elle avait déjà prises sur le sujet.
L’an dernier, elle avait en effet déjà eu à juger que le droit à rétractation devait être considéré comme « valablement exercé à partir du moment où la lettre de rétractation est adressée à l’autre partie dans le délai de 15 jours ».
Etant précisé que dans cette dernière affaire, la rétractation émanait de la partie salariée et non, comme en l’espèce, de la partie employeur.
Cass. soc. 19.06.2019, n° 18-22.897.