REFORME DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE
Muriel PENICAUD a transmis aux partenaires sociaux, mercredi 15 novembre, le document d’orientation de la réforme de la formation professionnelle. En 10 pages, ce document détaillé explique les motivations du Gouvernement pour mener une transformation du système de formation, plus qu’une réforme, et liste les objectifs qu’il leur fixe s’ils décident de négocier un accord national interprofessionnel devant être conclu pour la fin janvier 2018.
Etre à la hauteur des enjeux de la « bataille des compétences » mondiale déterminants pour l’avenir de notre pays « suppose non pas de réformer, une fois de plus, notre système de formation professionnelle, mais de le transformer » déclare en préambule le Gouvernement dans le document d’orientation.
Il s’agit donc d’investir massivement dans les compétences (anticiper les changements, faire évoluer les organisations et innover), ce qui incombe aux entreprises, l’Etat dessinant « un cadre légal et financier propice » ; de donner à chacun la liberté de choisir et la capacité de construire son parcours professionnel ce qui relève de la responsabilité conjointe de l’Etat et des partenaires sociaux « afin de financer cette liberté, promouvoir la qualité de la formation et la transparence du marché » et enfin de protéger les plus vulnérables contre le manque ou l’obsolescence des compétences, ce qui est du ressort de l’Etat « mais surtout des Régions ».
- CIF + CFP = CPF
Le document explicite les principaux objectifs du gouvernement soumis à la négociation des partenaires sociaux. Dorénavant, absorbant le congé individuel de formation, le seul CPF doit devenir « l’unique droit personnel à la main des individus dans une logique d’appropriation directe, c’est-à-dire d’autonomie sans intermédiaire obligatoire ».
Les partenaires sociaux devront déterminer :
- Une nouvelle unité de mesure du CPF, les heures créant une situation d’inégalité.
- Un financement collectif garanti, éventuellement différencié selon le niveau de qualification de la personne pour favoriser les reconversions.
- Définir les possibilités d’abondement.
- Voir comment concilier choix de l’individu et besoins de l’économie.
- Déterminer comment maintenir et organiser la montée en qualité des formations éligibles au CPF avec la fin des listes.
- Formation des demandeurs d’emploi
Dès 2019, une contribution des entreprises à la formation des demandeurs d’emploi de 0,3 %, hors contrat de professionnalisation, est sanctuarisée par le Gouvernement qui ne demandera « aucun autre financement », même si cette contribution est susceptible d’augmenter en fonction du nombre de demandeurs d’emploi. Actuellement, les partenaires sociaux y consacrent en moyenne environ 700 ou 800 millions d’euros par an. Dans le cadre du plan d’investissement dans les compétences, « cette contribution pourra être portée, à partir de 2019, à 1,5 milliard d’euros par an » précise le document. Si elle n’entre pas dans le cadre de la négociation, les partenaires sociaux sont en revanche invités à :
- Déterminer comment les entreprises et les branches professionnelles peuvent mettre en œuvre une GPEC de branche, déclinable au niveau territorial, et apporter une information précise et de qualité aux acheteurs de formation.
- Envisager le rapprochement cohérent des observatoires prospectifs des métiers et des qualifications pour apporter toute l’information à ceux qui commandent et organisent des formations pour les actifs.
- Formation en entreprise
Le Gouvernement enjoint les partenaires sociaux à simplifier la construction et la formalisation des plans de formation, ainsi que les dispositifs de maintien dans l’emploi des salariés, les incitant à faire disparaître la période de professionnalisation. Il estime « nécessaire de développer des modalités pratiques d’accès à la formation, de pédagogie active, plus souples et plus adaptées à la rapidité des évolutions du marché du travail et donc des besoins en compétence des salariés ».
Il leur demande donc de :
- Donner une nouvelle définition de l’action de formation, favorisant toutes les formes de formation et l’innovation pédagogique.
- Trouver des moyens pour inciter les entreprises à mieux assurer le maintien des salariés en emploi, à anticiper l’évolution de leurs besoins en compétences, à accompagner les transitions professionnelles et à favoriser l’accès des salariés les moins qualifiés à la formation.
- Définir les moyens financiers et outils nécessaires à l’anticipation des besoins en compétences et à la formation des salariés des TPE-PME.
- Envisager les conditions d’un système de « mutualisation asymétrique ».
- Définir les conditions d’une meilleure association des élus du personnel et/ou des organisations syndicales à l’élaboration de la politique de formation de l’entreprise.
- Alternance
L’exécutif estime que « notre système de formation en alternance est à la fois complexe, peu efficient et peu transparent » et que la coexistence de deux systèmes (apprentissage et professionnalisation) participe de la complexité et au final du manque d’attractivité de la formation en alternance.
Il demande aux partenaires sociaux de négocier une réforme qu’il veut « copernicienne » : que le système s’adapte aux besoins des jeunes et des entreprises et non plus l’inverse « tout en assurant une régulation d’intérêt général avec les Conseils régionaux, notamment dans une perspective d’aménagement du territoire et de développement économique ».
La négociation, qui sera certainement menée par les mêmes négociateurs que ceux qui participent à la concertation sur la réforme de l’apprentissage lancée depuis le 10 novembre, devra :
- Définir un système de financement au contrat (apprentissage et professionnalisation) garantissant( la transparence et l’utilisation optimale des ressources dédiées à la formation en alternance.
- Prévoir un système de péréquation pour accompagner les branches ne disposant pas des ressources suffisantes.
- Trouver comment améliorer les modalités d’évaluation des formations en alternance proposées, pour que les jeunes et les familles connaissent les débouchés et les taux d’insertion dans l’emploi des formations existantes.
- Certifications
Tout en louant le sérieux et la lisibilité du Répertoire national des compétences professionnelles (RNCP), le Gouvernement constate qu’il n’est pas assez réactif face à l’évolution continue des besoins en compétences, notamment en lien avec la numérisation des métiers. Il estime qu’il faut refonder le système. Il voudrait que les partenaires sociaux négocient sur les conditions d’une « modularité opérationnelle et souple » dans les certifications et diplômes, ainsi que sur la manière de mieux prendre en compte les compétences émergentes sur des métiers en forte évolution, « tout en veillant à un accès au RNCP sélectif et de qualité ».
- Qualité
D’autre part, la réforme ayant donné une plus grande liberté aux individus dans leurs choix d’achat de formation, ils doivent avoir une vison claire du marché de la formation et une plus grande transparence de l’offre de formation.
« La régulation du système doit donc, plus que jamais, passer par « l’assurance qualité » de la prestation et du prestataire et ce, de façon unifiée » considère l’exécutif.
Il estime que la certification des organismes de formation pourrait donc être assurée via un système d’accréditation « qui pourrait s’appuyer sur le Cofrac ».
Il les invite donc à :
- Réfléchir sur les principes et les modalités permettant une meilleure transparence et une plus grande qualité de l’offre de formation.
- Déterminer les modalités de contractualisation des parcours de formation, de suivi et d’évaluation, notamment quant aux résultats obtenus en matière d’emploi et de compétences.
- Prévoir les modalités de régulation portant sur la qualité de l’offre, la certification des organismes de formation et quelles conséquences tirer de la non qualité.
- Renforcer les modalités de contrôle du service fait.
- Accompagnement
Enfin, le dernier point de négociation porte sur l’accompagnement individuel. Le Gouvernement fait le constat que le conseil en évolution professionnelle est « peu connu, sous-financé et qu’il souffre également d’un écosystème complexe avec de nombreux acteurs avec des degrés de professionnalisation très hétérogènes ». Il demande donc aux partenaires sociaux de définir ce que pourrait être un droit à l’accompagnement, ses objectifs et de déterminer comment ce service pourrait bénéficier de ce conseil « de manière large et diversifiée, dans une logique d’incitation au résultat des opérateurs ».