Le contrat à durée indéterminée constitue le principe, le contrat à durée déterminée l’exception.
Pour cette raison, le recours au contrat à durée déterminée (CDD) est strictement réglementé par la loi et l’application de ces dispositions fait l’objet d’un contrôle attentif des juges.
La loi 2015-994 du 17 août 2015, dite « Loi Rebasmen », en autorisant un deuxième renouvellement des contrats à durée déterminée, a été la première étape significative vers un assouplissement des règles relatives au CDD.
Ce mouvement a été confirmé en 2017 et 2018, non seulement par le législateur avec principalement l’adoption des mesures issues de l’ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017, mais également par la Cour de cassation.
Le rapprochement de ces différentes mesures et décisions atteste d’assouplissements apportés tant concernant la formation que la rupture du contrat, le formalisme que les conditions de fond.
Le CDD peut-être conclu sous condition suspensive
Traditionnellement, la Cour de cassation juge que lorsque le contrat à durée déterminée est rompu avant même son commencement, sans que l’employeur n’apporte la preuve qu’il y ait été contraint par la force majeure, cette rupture constitue une rupture anticipée justifiant le paiement par l’employeur de dommages et intérêts (voir notamment : Cass. soc. 28-10-1970, n° 69-40.286).
Aux termes d’un arrêt de 2009, la Cour de cassation avait appliqué cette solution à l’hypothèse d’un CDD conclu sous condition suspensive, en l’espèce la déclaration médicale d’aptitude à la pratique du basket pour un joueur professionnel, après avoir rappelé qu’il résulte des dispositions d’ordre public de l’article L 1243-1 du Code du travail que, sauf accord des parties, le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l’échéance du terme qu’en cas de faute grave ou de force majeure (Cass. soc. 1-7-2009, n° 08-40.023).
Par un arrêt du 15 mars 2017, la Cour de cassation a adopté la position inverse dans une hypothèse comparable d’une joueuse de basket professionnelle, où le contrat n’avait au surplus reçu aucun commencement d’exécution.
Elle a en effet jugé que les dispositions d’ordre public de l’article L 1243-1 du Code du travail, dont il résulte que le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l’échéance du terme que dans les seuls cas visés par ce texte, ne prohibent pas la stipulation de conditions suspensives (Cass. soc. 15-3-2017, n° 15-24.028).
À la différence des clauses résolutoires qui sont prohibées, la chambre sociale de la Cour de cassation admet donc que peut être prévue dans le contrat à durée déterminée une condition suspensive ayant pour effet de conditionner la formation du contrat à la réalisation d’un évènement.
Pourrait-on en conséquence imaginer des CDD conclus sous condition de l’obtention d’un marché ou d’une commande exceptionnelle ? Et pourquoi pas dans le secteur d’activité du tourisme, d’une météo favorable ? Ou faut-il en déduire que la condition suspensive ne peut tenir qu’à la personne même du salarié ?
La première interprétation ferait du CDD un outil de gestion des variations d’activité à l’efficacité renforcée.
Le refus de signature vaut signature
Aux termes de l’article L 1242-12 du Code du travail, « le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit ».
Preuve de la rigueur avec laquelle les règles du CDD sont appliquées par les juges, la Cour de cassation en déduit que faute de comporter la signature du salarié, un contrat à durée déterminée ne peut être considéré comme ayant été établi par écrit et est, par suite, réputé à durée indéterminée (Cass. soc. 26-10-1999, n° 97- 41.992).
Cette règle trouve sa limite dans la mauvaise foi du salarié ou son intention de nuire. C’est ce que vient de rappeler la Cour de cassation en reprenant dans deux arrêts rendus à quelques mois d’intervalle le même attendu de principe selon lequel « la signature d’un contrat de travail à durée déterminée a le caractère d’une prescription d’ordre public dont l’omission entraîne, à la demande du salarié, la requalification en contrat à durée indéterminée ; qu’il n’en va autrement que lorsque le salarié a délibérément refusé de signer le contrat de travail de mauvaise foi ou dans une intention frauduleuse » (Cass. soc. 20-9-2017, n° 16-14.543 ; Cass. Soc. 31-1-2018, n° 17-13.131).
La bonne foi étant présumée, c’est bien évidemment à l’employeur de rapporter la preuve de la mauvaise foi du salarié ou son intention de nuire, preuve qui n’était pas rapportée dans ces deux arrêts, par la seule démonstration que le salarié n’avait pas retourné son contrat signé.
La Cour de cassation aurait-elle adopté la même solution si les employeurs avaient également établi que le salarié avait été relancé pour retourner son contrat signé ?
En d’autres termes, une seule relance suffira-t-elle à établir la mauvaise foi du salarié ? On peut le souhaiter.
Il convient de noter Cette position de la Cour de cassation ne doit pas occulter celle antérieurement adoptée concernant l’absence de signature par l’employeur cette fois-ci.
La Haute Juridiction juge en effet que l’absence de signature du CDD par l’employeur entraîne sa requalification en CDI (Cass. soc. 6-10-2016, n° 15-20.304).
La précision du motif : les mentions informatives
L’exigence de précision du motif de recours au CDD résulte également de l’article L 1242-12 du Code du travail, lequel dispose que le CDD conclu pour assurer un remplacement doit comporter « le nom et la qualification professionnelle de la personne remplacée ».
Cette disposition est scrupuleusement appliquée par la Cour de cassation, qui, encore récemment, a jugé que la seule mention, dans un CDD conclu pour remplacer un salarié absent, de la catégorie professionnelle de personnel navigant commercial dont relève le salarié remplacé ne permet pas de connaître sa qualification précise (Cass. soc. 7-3-2018, n° 16-18.914).
Un arrêt du 3 mai 2018 semble ne pas témoigner de la même sévérité. La chambre sociale y juge suffisante la mention des fonctions occupées par le salarié absent.
La Cour relève en effet que, les fonctions mentionnées renvoyant bien à une qualification professionnelle issue de la grille de classification applicable à l’entreprise, il n’était pas nécessaire que le contrat mentionne précisément la catégorie d’emploi et son niveau dans cette classification (Cass. soc. 3-5-2018, n° 16-20.636).
En l’espèce, le CDD avait été conclu pour assurer le remplacement d’une salariée « technicienne supérieure de laboratoire ».
Les juges du fond avaient jugé insuffisante cette simple indication de l’emploi occupé faute de mentionner par ailleurs la classification ou le coefficient correspondant.
La Cour de cassation a censuré cette analyse au motif que la fonction renvoyait bien à une qualification professionnelle issue de la grille de classification des emplois annexée à la convention d’entreprise.
Dans le même ordre d’idée, la Cour vient d’admettre qu’était suffisante la mention selon laquelle le CDD est conclu pour le remplacement d’un surveillant de nuit ou d’un surveillant de nuit qualifié, ces indications correspondant aux qualifications visées par la convention collective nationale applicable, en l’espèce celle des établissements et services pour personnes inadaptées ou handicapées (Cass. soc. 27-6-2018 n° 17-15.438).
Cette position de la Haute Juridiction est à rapprocher de celle récemment adoptée en matière de CDD d’usage.
La Cour de cassation a en effet jugé que l’absence ou le caractère erroné, dans le CDD d’usage, de la désignation du poste de travail n’entraînait pas la requalification en CDI dès lors que l’emploi réellement occupé était par nature temporaire (Cass. soc. 21-9-2017, n° 16-17.241).
L’article L 1242-12 du Code du travail prévoit pourtant bien l’obligation de mentionner dans le CDD la « désignation du poste de travail » et ce, quel que soit le motif de recours.
Ainsi, au même titre que la qualification professionnelle de la personne remplacée lorsque les fonctions indiquées permettent de la déterminer pour le CDD de remplacement, la Cour de cassation fait de la désignation du poste occupé dans le cadre d’un CDD d’usage une mention informative.
L’absence de date de conclusion du CDD n’entraîne pas la requalification du contrat
L’article L 1242-13 du Code du travail dispose que « le contrat de travail est transmis au salarié, au plus tard, dans les deux jours ouvrables suivant l’embauche ».
Sur le fondement de cette disposition, il était classiquement admis que le contrat de travail à durée déterminée devait mentionner sa date de conclusion et ce, afin de contrôler le respect de cette obligation.
La Cour de cassation n’en a pas la même lecture.
Elle a en effet récemment jugé, après avoir souligné que la date de conclusion du contrat ne figure pas au titre des mentions obligatoires du CDD, que l’absence de cette mention n’entraîne pas sa requalification en CDI (Cass. soc. 20-12-2017, n° 16-25.251).
Cette position de la Cour de cassation est à rapprocher des nouvelles dispositions issues de l’ordonnance 2017-1718 du 20 décembre 2017, du même jour donc que l’arrêt mentionné ci-dessus, selon lesquelles « la méconnaissance de l’obligation de transmission du contrat de mission au salarié dans le délai fixé par l’article L 1242-13 ne saurait, à elle seule, entraîner la requalification en contrat à durée indéterminée.
Elle ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être supérieure à un mois de salaire » (C. trav. art. L 1245-1).
Sur le fond : un élargissement des cas de recours au CDD de remplacement
- Une divergence entre Cour de cassation et CJUE
Le Conseil de l’Union européenne a, par une directive du 28 juin 1999 (JOCE 10 juillet no L 175 p. 43), rendu obligatoires les dispositions de l’accord-cadre européen du 18 mars 1999 sur le contrat de travail à durée déterminée.
La clause 5 de cet accord-cadre dispose qu’« afin de prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs, les États membres (…) introduisent d’une manière qui tienne compte des besoins de secteurs spécifiques et/ou de catégories de travailleurs, l’une ou plusieurs des mesures suivantes :
- des raisons objectives justifiant le renouvellement de tels contrats ou relations de travail,
- la durée maximale totale de contrats ou relations de travail à durée déterminée successifs,
- le nombre de renouvellements de tels contrats ou relations de travail ».
Le Code du travail français ne prévoit, pour les CDD de remplacement, ni durée maximale totale des contrats qui peuvent être successivement conclus ni limite au nombre de contrats successifs, motifs qui rendaient d’autant plus indispensable l’existence de raisons objectives justifiant ces renouvellements successifs.
Pour sa part, la Cour de cassation jugeait depuis deux arrêts de 2004 et 2005 que la possibilité donnée à l’employeur de conclure avec le même salarié des contrats à durée déterminée successifs pour remplacer un ou des salariés absents ou dont le contrat de travail est suspendu ne peut avoir pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.
Selon la Haute Juridiction, il en résultait que l’employeur ne pouvait pas recourir de façon systématique aux contrats à durée déterminée de remplacement pour faire face à un besoin structurel de main d’oeuvre (Cass. soc. 29-9-2004, n° 02-43.249 ; Cass. soc. 26-1-2005, n° 02-45.632).
Cette analyse de la Cour de cassation n’est pas celle qui a été retenue par la Cour de Justice de l’Union européenne.
Depuis 2012, celle-ci juge en effet que « la clause 5, point 1, sous a), de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée du 18 mars 1999, (…) doit être interprétée en ce sens que le besoin temporaire en personnel de remplacement, prévu par une réglementation nationale telle que celle en cause au principal peut, en principe, constituer une raison objective au sens de ladite clause.
Le seul fait qu’un employeur soit obligé de recourir à des remplacements temporaires de manière récurrente, voire permanente, et que ces remplacements puissent également être couverts par l’embauche de salariés en vertu de contrats de travail à durée indéterminée n’implique pas l’absence d’une raison objective au sens de la clause 5, point 1, sous a), dudit accord-cadre ni l’existence d’un abus au sens de cette clause (CJUE 26-1-2012 aff. 586/10 : RJS 4/12 no 400).
- Le rapprochement des jurisprudences nationales et européenne
Le 14 février 2018, la Cour de cassation a eu l’occasion d’adopter une position plus proche de celle de la CJUE.
Les faits de l’espèce étaient les suivants : une salariée avait conclu 107 CDD de remplacement avec le même employeur dans le but de remplacer des salariés pour des motifs variés (maladie, maternité, congés payés) et sollicitait la requalification de son contrat en CDI. De manière classique, la cour d’appel avait fait droit à la demande de requalification de la salariée considérant que les CDD ne pouvaient avoir pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.
La Cour de cassation a censuré cette analyse en jugeant que « le seul fait pour l’employeur, qui est tenu de garantir aux salariés le bénéfice des droits à congés maladie ou maternité, à congés payés ou repos que leur accorde la loi, de recourir à des contrats à durée déterminée de remplacement de manière récurrente, voire permanente, ne saurait suffire à caractériser un recours systématique aux contrats à durée déterminée pour faire face à un besoin structurel de main d’œuvre et pourvoir ainsi durablement un emploi durable lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise » (Cass. soc. 14-2-2018, n° 16-17.966).
Cet arrêt, rendu au visa des articles L 1242-1 et L 1242-2 du Code du travail
interprétés à la lumière de la clause 5 de l’accord-cadre européen sur le travail à durée déterminée s’inscrit donc dans la lignée de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne selon laquelle un besoin lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise, tel que le besoin en personnel de remplacement, peut constituer une raison objective de recours à des CDD successifs.
- Quelles conséquences pour les CDD d’usage?
Cette décision, concernant les CDD de remplacement, invite à élargir la réflexion aux CDD d’usage.
Après avoir rappelé que « (…) si les contrats de travail à durée indéterminée constituent la forme générale des relations de travail, l’accord-cadre lui-même reconnaît, ainsi qu’il ressort des deuxième et troisième alinéas de son préambule ainsi que des points 8 et 10 de ses considérations générales, que les contrats à durée déterminée sont une caractéristique de l’emploi dans certains secteurs ou pour certaines occupations ou activités », la Cour de justice de l’Union européenne a jugé que « les seules circonstances que des contrats de travail à durée déterminée conclus avec des enseignants associés soient renouvelés en vue de couvrir un besoin récurrent ou permanent des universités en la matière et qu’un tel besoin pourrait être satisfait dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée ne sont toutefois pas de nature à exclure l’existence d’une raison objective, au sens de la clause 5, point 1, de l’accord-cadre, dès lors que la nature de l’activité d’enseignement en question et les caractéristiques inhérentes à cette activité peuvent justifier, dans le contexte en cause, l’utilisation de contrats de travail à durée déterminée » (CJUE 13-3-2014 aff. 190/13).
Sur le fondement de cette analyse, la Cour de cassation accepterait-elle de revenir sur la position adoptée en 2008 selon laquelle des contrats à durée déterminée d’usage successifs ne peuvent être conclus avec le même salarié qu’à condition que cela soit justifié par des raisons objectives, qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi concerné (Cass. soc. 23-1-2008, n° 06- 44.197) ?
La Cour de cassation acceptera-t-elle, à l’instar de la Cour de justice de l’Union européenne, de voir dans les caractéristiques inhérentes à certaines activités une raison objective de recourir à des CDD d’usage, y compris pour « couvrir un besoin récurrent ou permanent » ?
Une révolution quant aux règles de prescription applicables à l’action en requalification
Encore récemment, la Cour de cassation avait jugé que l’action en requalification relevait de l’article 2224 du Code civil, lequel dispose que « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par 5 ans » et précisé que ce délai de 5 ans ne courait qu’à compter du terme du dernier CDD (Cass. soc. 8-11-2017, n° 16-17.499).
Peu de temps après, la Cour de cassation a fait application, à l’action en requalification, de l’article 2254 du Code civil, lequel dispose que « la durée de la prescription peut être abrégée ou allongée par accord des parties.
Elle ne peut toutefois être réduite à moins d’un an ni étendue à plus de dix ans » et précisé que cette possibilité n’est pas ouverte pour les actions en paiement ou en répétition des salaires.
La Haute Juridiction a en effet jugé que l’action en requalification d’un CDD en CDI et en paiement de l’indemnité de requalification afférente ne constitue pas une action en paiement du salaire.
Elle peut dès lors voir sa prescription réduite à un an si une clause du contrat de travail le prévoit (Cass. soc.22-11-2017, n° 16-16.561).
Aux termes de deux arrêts du 31 janvier et du 3 mai 2018, la Cour de cassation a finalement jugé que l’action en requalification relevait de l’article L 1471-1 du Code du travail, lequel précisait, dans sa rédaction applicable aux litiges, que toute action portant sur l’exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par 2 ans, écartant ainsi la prescription quinquennale de l’article 2224 du Code civil (Cass. soc. 31-1-2018, n° 16-23.602 ; Cass. soc. 3-5-2018, n° 16-26.437).
Il convient de noter L’ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017 a modifié la rédaction de l’article L 1471-1 du Code du travail et réduit le délai de prescription en matière de rupture du contrat de travail à 12 mois, pour les ruptures intervenues depuis le 24 septembre 2017.
Le délai de prescription des actions relatives à l’exécution du contrat est, lui, resté à 2 ans. L’action en requalification tenant tant à l’exécution du contrat qu’à sa rupture, il y a lieu de s’interroger sur le délai de prescription qui sera finalement retenu sur le fondement de ces nouvelles dispositions.
Les tribunaux distingueront ils selon la demande indemnitaire en cause :
- 1 an s’il s’agit d’indemnités de rupture,
- 2 ans s’il s’agit d’une indemnité de requalification ?
Faisant une application rigoureuse de l’article L 1471-1 du Code du travail, lequel précise que le point de départ du délai de prescription est le jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit, la Cour de cassation a en outre précisé, aux termes de son arrêt du 3 mai 2018, que l’action en requalification fondée sur l’absence d’une mention au contrat court à compter de la conclusion du contrat.
Entre novembre 2017 et mai 2018, l’action en requalification a donc vu son délai de prescription raccourci de 5 à 2 ans et le point de départ de cette prescription passer du terme du dernier contrat au jour de conclusion du premier, dans certaines circonstances.
Les encouragements de la Cour de cassation à la poursuite « spontanée » du CDD en CDI
La Cour de cassation semble décidée à vouloir réduire les cas de contentieux dans l’hypothèse où la relation de travail, au terme du CDD, s’est spontanément poursuivie en CDI.
Aux termes d’un premier arrêt, la Haute Juridiction a en effet jugé que « lorsque le contrat à durée déterminée devient un contrat à durée indéterminée du seul fait de la poursuite de la relation contractuelle de travail après l’échéance de son terme, le salarié ne peut pas prétendre à une indemnité de requalification sauf dans le cas où sa demande de requalification s’appuie sur une irrégularité du CDD initial ou de ceux qui lui ont fait suite » (Cass. soc. 2-3-2017, n° 15-28.136).
Ce faisant, la Cour confirmait sa solution antérieure (Cass. soc. 29-6-2011, n° 10-12.884).
Un mois après cet arrêt, la Cour de cassation a jugé que, sauf démonstration d’un vice du consentement, il était possible de convenir, avec un salarié préalablement engagé en CDD, des conditions différentes dans le cadre de la poursuite du contrat en CDI.
En l’espèce, le salarié avait accepté une réduction de son salaire mensuel de plus de 300 euros dans le cadre de son CDI.
La Cour de cassation a refusé de juger ce CDI nul et de faire droit aux demandes de rappel de salaire formulée par le salarié sur la base du salaire convenu alors qu’il était en CDD et ce, nonobstant la requalification du CDD initial en CDI (Cass. soc. 27-4-2017, n° 15-15.940).
Une position plus stricte lorsque la demande de poursuite du CDD est formulée en justice par le salarié
Aux termes de deux arrêts rendus le 21 septembre 2017, la Haute Juridiction a précisé sa jurisprudence sur la poursuite de la relation de travail en CDI du fait de la requalification du CDD.
L’article L 1235-3 du Code du travail prévoit que lorsque que la rupture du contrat de travail intervient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié mais ne peut l’imposer.
Celle-ci suppose un accord des deux parties, à défaut duquel le salarié ne peut prétendre qu’à une indemnité.
Par application de ce principe, il est habituellement jugé que la rupture du contrat de travail survenue au terme d’un CDD requalifié en CDI s’analyse comme un licenciement sans cause réelle ni sérieuse et ne peut donner lieu qu’au versement d’une indemnité.
Le salarié ne peut exiger la poursuite de la relation de travail en CDI, laquelle est assimilable dans cette hypothèse à une réintégration et suppose en conséquence l’accord des deux parties.
Pour tenter de convaincre la Cour de cassation de revenir sur cette application stricte de l’article L 1235-3 du Code du travail, le moyen du pourvoi développé dans l’un des arrêts du 21 septembre 2017 faisait valoir le droit à l’emploi (Cass.soc. 21-9-2017, n° 16-20.270).
La Cour de cassation a censuré cette analyse en affirmant que « Le droit à l’emploi ne constitue par une liberté fondamentale qui justifierait la poursuite du contrat de travail au terme de la mission de travail temporaire en cas d’action en requalification en contrat à durée indéterminée ».
Selon la Cour de cassation, le droit à l’emploi « qui résulte de l’alinéa 5 du Préambule de la Constitution de 1946 n’est pas une liberté fondamentale, mais un droit-créance qui doit être concilié avec d’autres droits ou principes constitutionnels tels que la liberté d’entreprendre qui fonde, pour l’employeur, le droit de recruter librement ou de licencier un salarié » (note explicative de la Cour de cassation).
Pour obtenir la poursuite du contrat de travail en CDI, le salarié doit donc démontrer que la cessation de la relation de travail est intervenue en violation d’une liberté fondamentale comme le droit d’agir en justice.
Le deuxième arrêt rendu le 21 septembre 2017 a été l’occasion, pour la Cour de cassation, de rappeler les règles de preuve dans cette hypothèse.
La Cour de cassation confirme et renforce sa jurisprudence antérieure, en jugeant « qu’en l’absence de rupture du contrat de travail pour un motif illicite, il appartient au salarié de démontrer que la fin de la relation de travail, intervenue par le seul effet du terme stipulé dans le contrat à durée déterminée, résulte de la volonté de l’employeur de porter atteinte à son droit d’obtenir en justice la requalification du contrat à durée indéterminée » (Cass. soc. 21-9-2017, n° 16-20.460).
La Cour de cassation a refusé ici de reconnaître une présomption de violation du droit du salarié d’ester en justice lorsque, à la suite de sa demande de requalification de son CDD en CDI, la relation contractuelle ne s’est pas poursuivie.
Il résulte de ces deux arrêts que la poursuite de la relation de travail ne peut donc résulter que de la violation d’une liberté fondamentale dont le salarié doit rapporter la preuve.
Pas de requalification en CDI du CDD d’un salarié protégé si l’Administration a autorisé son non-renouvellement
Dans un arrêt du 9 mai 2018, la Cour de cassation a rejeté la demande de requalification en CDI du CDD d’un salarié protégé dont le non-renouvellement, au terme du dernier CDD, avait été autorisé par l’administration.
Elle a en effet jugé que « le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de séparation des pouvoirs, en l’état d’une autorisation administrative de non-renouvellement d’un contrat à durée déterminée (…) devenue définitive, statuer sur une demande de requalification du contrat de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée » (Cass. soc. 9-5-2018, n° 16-20.423).
La solution aurait pu être différente puisqu’en l’espèce le salarié demandait la requalification du premier CDD et non du dernier CDD dont le non-renouvellement avait été autorisé par l’administration.
Toutefois, la Haute Juridiction a retenu que le contrôle de l’administration portait sur l’ensemble de la relation contractuelle et qu’elle ne pouvait donc se prononcer sur la demande de requalification quelle qu’elle soit.
Cela démontre sans doute la volonté de la Cour de cassation de limiter les cas de contentieux relatifs aux CDD.
Ces évolutions jurisprudentielles s’inscrivent dans l’esprit de la dernière réforme législative.
L’ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017 autorise en effet les branches à négocier et aménager de façon dérogatoire certaines mesures relatives à la durée maximale, au nombre de renouvellements des CDD et au délai de carence séparant ces contrats.
Reste à savoir si les partenaires sociaux, à l’instar de ceux de la branche de la métallurgie, qui a signé un tel accord le 29 juin 2018, s’inscriront dans la même tendance que la Cour de cassation et le législateur, en faveur d’un assouplissement des règles relatives aux CDD.
Cette possibilité leur est ouverte. Les règles relatives aux CDD devraient, en toute hypothèse, être sur la table des négociations dans les branches.