Les décisions faisant droit à une demande d’expertise judiciaire en matière de contestation de la durée des arrêts de travail sont rares.
Les juges estiment généralement que l’employeur n’apporte pas la preuve de l’existence d’un état pathologique antérieur évoluant pour son propre compte ou d’une cause totalement étrangère au travail.
La Cour d’appel de Poitiers vient de rendre un arrêt intéressant car il permet de mieux cerner ce qui peut concrètement laisser supposer l’existence d’un état pathologique antérieur et ainsi ouvrir droit à une expertise judiciaire.
Dans cette affaire, le salarié avait été victime d’un malaise vagal à son poste de travail, ce qui avait été reconnu en AT. Il a ensuite été arrêté pendant deux ans et deux mois.
L’employeur contestait la durée des arrêts de travail et l’imputabilité des arrêts de prolongation à l’accident initial.
Pour faire droit à la demande d’expertise judiciaire, la Cour relève :
- que les certificats d’arrêts de travail postérieurs à l’accident font état d’une nouvelle lésion, à savoir « épuisement professionnel » et « dépression réactionnelle » (difficilement rattachable au « malaise vagal » initial),
- un des certificats médicaux fait état d’une « dépression récurrente », ce qui laisse supposer l’existence d’un état antérieur pouvant expliquer la survenance de cette nouvelle lésion
Dans ses conclusions, la CPAM admet que le salarié présentait des « éléments dépressifs antérieurs à la déclaration d’accident du travail »
L’expert judiciaire désigné par le Tribunal aura donc notamment pour mission de fixer la durée de l’arrêt de travail et les soins en rapport exclusif avec l’état pathologique antérieur du salarié + fixer la durée de l’arrêt de travail et les soins ayant un lien avec l’AT initial.
Cass. Soc. 8 février 2024, n° 21-01.343
https://www.doctrine.fr/d/CA/Poitiers/2024/CAP1E003873B34C362E2E5B