Dans un arrêt du 9 novembre 2022 (n°21-20.525), la Cour de cassation juge que les dispositions de l’article L.2143-3, alinéa 4 du Code du travail, relatives à la désignation d’un délégué syndical (DS) au sein de l’établissement, sont d’ordre public.
Par conséquent, ni un accord collectif de droit commun, ni l’accord d’entreprise concernant la mise en place du comité social et économique (CSE) et des CSE d’établissement ne peut priver un syndicat du droit de désigner un délégué syndical au niveau de l’établissement distinct au sens de l’article L.2143-3.
En l’espèce, un accord du 22 décembre 2020 reconnaissant l’existence d’une Unité économique et sociale (UES) avait fixé le périmètre du CSE unique au niveau de l’UES et prévu le nombre de délégués syndicaux pouvant être désignés dans ce périmètre.
Par lettre du 29 mars 2021, un syndicat a informé la Direction de la désignation d’un délégué syndical au sein d’un site de l’UES.
Les entités composant l’UES ont saisi le tribunal judiciaire afin d’obtenir l’annulation de cette désignation.
Le tribunal judiciaire valide cette désignation.
L’employeur se pourvoit en cassation au motif notamment que l’accord ne prévoyait ni la désignation de DS « de site » au sein de l’UES ou de l’entreprise, ni la désignation de DS d’établissement.
Après avoir rappelé les termes de l’article L.2143-3, alinéa 4 du Code du travail, selon lesquelles la désignation d’un délégué syndical peut intervenir « au sein de l’établissement regroupant des salariés placés sous la direction d’un représentant de l’employeur et constituant une communauté de travail ayant des intérêts propres, susceptibles de générer des revendications communes et spécifiques », la Cour juge que ces dispositions, même si elles n’ouvrent qu’une faculté aux organisations syndicales représentatives, sont d’ordre public quant au périmètre de désignation des délégués syndicaux.
En conséquence, ni un accord collectif de droit commun, ni l’accord d’entreprise prévu par l’article L. 2313-2 du code du travail concernant la mise en place du CSE et des CSE d’établissement ne peuvent priver un syndicat du droit de désigner un délégué syndical au niveau d’un établissement au sens de l’article L. 2143-3 du code du travail.
Ce n’est pas la première fois que la Cour de cassation juge que les dispositions de l’article L.2143-3 du Code du travail sont d’ordre public.
À cet égard, après l’entrée en vigueur des dispositions de l’article L.2143-3 précité, elle avait jugé qu’un accord d’entreprise, conclu antérieurement à cette entrée en vigueur, ne pouvait priver un syndicat du droit de désigner un délégué syndical au niveau d’un établissement (Cass. soc., 31 mai 2016, n°15-21.175).
La latitude laissée aux accords collectifs est donc limitée.
S’ils peuvent prévoir un assouplissement, par exemple, autorisant la désignation d’un DS sur des périmètres plus restreints ou selon des conditions d’effectif moindres, ces accords ne peuvent pas purement et simplement écarter la possibilité de désignation d’un représentant.
Par ailleurs, la Haute juridiction rappelle qu’il appartient au syndicat qui se prévaut de l’existence d’un établissement distinct d’en apporter la preuve (en même sens : Cass. soc., 24 mai 2016, n°15-20.168).
C’est sur ce point que la Cour, dans son arrêt du 9 novembre 2022, casse la décision des juges du fond, ceux-ci n’ayant pas caractérisé l’existence, à la date de la désignation, d’un établissement distinct.
Enfin, il est utile de rappeler que la procédure judiciaire permettant de contester la désignation d’un délégué syndical oblige l’employeur à faire preuve de réactivité.
En effet, cette contestation doit intervenir dans un délai de quinze jours suivants l’information de l’employeur de la désignation (C. trav., art. L.2143-8). Passé ce délai, la désignation ne peut plus être contestée.