Au-delà des discussions à venir sur l’assurance chômage et les retraites et des chantiers rituels de l’automne que constituent les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale, la rentrée sociale 2022 s’annonce chargée.
Dès la semaine prochaine, le projet de loi portant des premières mesures d’urgence visant à conforter et à améliorer le fonctionnement du marché du travail passera au Conseil des ministres.
L’objectif est que l’Assemblée nationale puisse l’examiner dans la première semaine d’octobre, à la reprise de ses travaux.
Sur le plan réglementaire de nombreux textes sont attendus, notamment ceux mettant en œuvre les mesures du « paquet pouvoir d’achat », adoptées cet été.
Vers une prolongation des règles de l’assurance chômage…
Les règles actuelles de l’assurance chômage arrivant à expiration le 1er novembre prochain, le ministre du Travail présentera, en Conseil des ministres du 7 septembre, un projet de loi sur les premières mesures d’urgence visant à conforter et à améliorer le fonctionnement du marché du travail, permettant au gouvernement de les prolonger par décret en Conseil d’État, jusqu’à une date fixée par décret au plus tard jusqu’au 31 décembre 2023.
Il devrait s’agir d’une reconduction sans modification des règles. L’évolution de ces dernières, notamment des conditions d’indemnisation, fera l’objet d’une concertation avec les partenaires sociaux.
… et de celles du bonus-malus
Outre la reconduction des règles de l’assurance chômage, le projet de loi portant des premières mesures d’urgence visant à conforter et à améliorer le fonctionnement du marché du travail prévoit une prolongation spécifique, jusqu’au 31 août 2024, du dispositif de bonus-malus sur la contribution patronale d’assurance chômage, qui entre en vigueur le 1er septembre 2022.
Sécuriser les règles de constitution du corps électoral
Via la loi portant des premières mesures d’urgence visant à conforter et à améliorer le fonctionnement du marché du Travail, l’exécutif va mettre en conformité l’article L 2314-18 du Code du travail, relatif aux conditions d’électorat au CSE, avec la décision du Conseil Constitutionnel n° 2021-947 du 19 novembre 2021.
Les salariés assimilables à l’employeur ou représentant celui-ci devant les institutions représentatives du personnel (IRP) seraient ainsi fondés à participer à l’élection du CSE, mais n’y seraient toujours pas éligibles.
Dans leur décision, les Sages du Palais Royal avaient déclaré non conforme à la Constitution l’article L 2314-18 du Code du travail, tout en décidant que l’abrogation de cette disposition ne devait intervenir qu’au 31 octobre 2022, le temps pour législateur de procéder aux clarifications nécessaires.
Réforme du RSA
Si les contours sont encore flous, Emmanuel Macron et son Gouvernement ont rappelé leur intention de réformer le RSA.
Il est ainsi envisagé d’en modifier les modalités d’attribution en conditionnant son bénéfice à une « activité effective qui permet l’insertion », de l’ordre de « 15 à 20 heures par semaine pour ceux qui le peuvent ».
Selon une information des Echos du 3 août, une expérimentation dans plusieurs départements serait envisagée dès cet automne avant une éventuelle généralisation en 2024.
Développer la validation des acquis de l’expérience
Autre objectif du projet de loi précité porté le 7 septembre prochain par le ministre du Travail en Conseil des ministres développer la VAE (validation des acquis de l’expérience).
Pour y parvenir, l’exécutif prévoit dans ce texte d’ouvrir le dispositif de la VAE aux proches aidants, permet de comptabiliser les périodes de mise en situation en milieu professionnel (PMSMP) pour justifier de la durée minimale d’activité ouvrant droit à la VAE ou encore fait débuter l’accompagnement des candidats à la VAE en amont de l’étape de recevabilité de leur dossier.
Il ne s’agit là que de la première étape d’une réforme plus vaste qui vise à faire passer le nombre de VAE de 30 000 à 100 000 par an d’ici à cinq ans.
Lutter contre les fraudes au CPF
Une proposition de loi a été déposée le 23 août par les députés des groupes Démocrate et Renaissance en vue de lutter contre les fraudes au CPF (compte personnel de formation).
Ce texte, qui devrait être soutenu par le gouvernement, prévoit d’interdire le démarchage opéré par les organismes afin de vendre des formations en mobilisant le CPF.
Révision des coûts-contrats d’apprentissage
Le nouveau référentiel des niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage, tel qu’il a été révisé par les branches et conformément aux recommandations de France compétences, doit bientôt être diffusé.
Un arrêté du 31 août, que nous détaillerons dans un article à paraître dans notre prochain numéro, définit les coûts-contrats qui s’appliquent en cas de carence des branches ou lorsque celles-ci n’ont pas pris en compte les recommandations faites par France compétences.
Il fixe en outre au 1er septembre la date à laquelle l’ensemble des nouveaux coûts-contrats entrent en vigueur.
Il convient de noter que France compétences prévoyait d’atteindre une baisse globale des coûts-contrats de 5 % en moyenne cette année et une autre du même ordre en 2023 afin d’assurer la viabilité financière de l’apprentissage.
Certains centres de formation d’apprentis (CFA) s’étant alarmés d’une baisse trop importante de leurs coûts-contrats, le ministère du Travail a annoncé que des corrections seraient apportées aux montants retenus par France compétences concernant 275 certifications d’ici octobre.
Jusque-là, ces certifications se verront appliquer les coûts-contrats applicable avant le 1er septembre.
Revalorisation des retraites complémentaires au 1er novembre
Les retraites complémentaires AGIRC-ARRCO devraient être revalorisées au 1er novembre prochain.
Selon les stipulations de l’accord national interprofessionnel du 10 mai 2019, la valeur de service du point AGIRC-ARRCO évolue chaque année à cette date, comme le salaire annuel moyen des ressortissants du régime estimé pour l’année en cours moins un facteur de soutenabilité calculé de sorte qu’en pratique, la valeur de service du point évolue au moins comme les prix à la consommation hors tabac, pour autant que l’évolution des prix et l’évolution de la valeur de service du point ne dépasse 0,2 point.
Ce 0,2 point correspond à une marge de manœuvre laissée au Conseil d’administration de la Fédération qui pourra décider d’y recourir ou non.
Mise en œuvre du « paquet pouvoir d’achat »
Sur le plan réglementaire, des décrets sont attendus dans les prochaines semaines pour mettre en œuvre certaines mesures des lois pouvoir d’achat et de finances rectificatives pour 2022 du 17 août 2022, notamment pour fixer :
- les conditions dans lesquelles les exonérations sociales et fiscales seront réputées acquises en cas d’utilisation de la nouvelle procédure dématérialisée de rédaction des accords d’intéressement,
- le délai dont disposent les organismes de recouvrement pour demander le retrait ou la modification de clauses contraires aux dispositions légales,
- les modalités du nouveau régime social favorable pour les heures supplémentaires,
- la durée maximale de la procédure d’extension accélérée des avenants ne portant que sur les salaires lorsqu’au moins deux revalorisations du Smic sont intervenues dans les 12 derniers mois.
Selon nos informations, une série de questions-réponses sur le déblocage exceptionnel de l’épargne salarial devrait être diffusée début septembre.
Une circulaire ministérielle est également attendue sur la prime de partage de la valeur, en cours de préparation avant une publication sur le BOSS (Bulletin officiel de la sécurité sociale).
En complément, le ministère du Travail publiera des foires aux questions (FAQ).
Décrets d’application de la loi Santé au travail
Pour la majorité de ses dispositions, la loi Santé au travail est entrée en vigueur le 31 mars dernier. Néanmoins, de nombreux décrets d’application sont encore attendus, en 2022 et en 2023.
Selon un échéancier disponible sur le site de l’Assemblée nationale, devraient notamment être publiés dans les prochains mois les textes réglementaires portant sur :
- le statut de médecin praticien correspondant, pour une entrée en vigueur au plus tard le 1er janvier 2023,
- l’obligation de formation spécifique des infirmiers en santé au travail, pour une entrée en vigueur au 31 mars 2023,
- la transmission d’informations aux services de prévention et de santé au travail (SPST) sur les arrêts de travail, pour une entrée en vigueur le 1er janvier 2024.
Un texte sur le dépôt dématérialisé du DUERP (document unique d’évaluation des risques professionnels) pourrait également paraître en septembre.
Enfin, les orientations retenues par les partenaires sociaux sur le passeport de prévention devraient être approuvées par voie réglementaire.
Le dispositif entre en vigueur le 1er octobre prochain.
Protection des lanceurs d’alerte
Le 1er septembre 2022, la loi du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte, accompagnée d’une loi organique du même jour dont l’objectif est de renforcer la compétence du Défenseur des droits en la matière, entre en vigueur.
Les employeurs doivent notamment modifier leur règlement intérieur pour y intégrer le rappel de « l’existence du dispositif de protection des lanceurs d’alerte » (article L 1321-2 du Code du travail).
Les décrets d’application n’ont pas été publiés au cours de l’été, malgré une déclaration du président de la République en ce sens lors de son interview télévisée du 14 juillet.
Ils doivent notamment porter sur la procédure interne de recueil et de traitement des signalements que devra mettre en place chaque entreprise d’au moins 50 salariés, ainsi que sur les modalités de l’abondement obligatoire du CPF (compte personnel de formation) par l’employeur d’un lanceur d’alerte dont le contrat de travail a été irrégulièrement rompu.
Selon nos informations, les textes réglementaires pourraient paraître au Journal officiel à la fin du mois de septembre, après un avis du Conseil d’État qui devrait intervenir à la mi-septembre.
Directive européenne sur le devoir de vigilance
Les débats au Parlement européen sur le devoir de vigilance s’ouvriront à compter du mois de septembre.
Selon nos informations, un vote en séance plénière pourrait avoir lieu au printemps 2023.
La Commission européenne avait présenté le 23 février dernier une proposition de directive qui impose aux entreprises un devoir de vigilance en matière de droits humains et d’environnement.
Il convient de rappeler que la France est pionnière en la matière avec la loi du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et entreprises donneuses d’ordre.
La Commission européenne devrait également présenter, avant la fin de l’année, une proposition de règlement bannissant du marché européen les produits du travail forcé.
Le Parlement européen avait adopté le 9 juin dernier une résolution sur un nouvel instrument commercial visant à interdire les produits issus du travail forcé.