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Action en nullité des accords collectifs : nouvelles précisions sur le délai de prescription

Il faut rappeler que depuis les ordonnances dites « Macron » du 22 septembre 2017, l’article L. 2262-14 du Code du travail enserre, à peine d’irrecevabilité, l’action en nullité d’un accord d’entreprise dans un délai de deux mois à compter :

  • de sa notification pour les organisations syndicales représentatives dans l’entreprise,
  • de sa publication sur Légifrance pour les autres parties intéressées.

Dans une décision du 21 mars 2018, le Conseil Constitutionnel avait précisé que ce délai court ne méconnaissait pas le droit au recours effectif dès lors que les salariés conservaient naturellement la possibilité de contester, sans limite de durée, la validité d’un accord d’entreprise par voie dite d’exception, soit dans le cadre d’un litige individuel dans lequel la validité de l’accord n’est remise en cause qu’à leur égard, ce que les praticiens connaissent bien s’agissant, notamment, des accords relatifs au forfait annuel en jours.

Dans deux arrêts de 2022, la Cour de cassation reconnaît  une organisation syndicale ou un CSE de la même souplesse de procédure reconnue aux salariés en matière de contentieux d’exception.

Dans le premier arrêt (n° 20-16.002), un comité d’établissement d’une grande enseigne d’ameublement contestait la validité d’un accord d’entreprise relatif au dialogue social en ce qu’il écartait la consultation des comités d’établissement, au profit du seul comité central, pour les consultations obligatoires sur la politique économique et la politique sociale.

La société faisait valoir que la validité de cet accord ne pouvait plus être remise en cause par le comité d’établissement, le texte n’ayant fait l’objet d’aucune action en nullité dans le délai de deux mois prévu par l’article L. 2262-14.

La Cour de cassation écarte cette argumentation et précise qu’un CSE dispose, tout comme un salarié, de la faculté de contester, par voie d’exception, la validité d’un accord dans le cadre d’une action concernant ses propres droits.

En conséquence, la contestation du comité d’établissement relative à l’illicéité de la clause conventionnelle écartant sa compétence en matière de consultation annuelle obligatoire était donc recevable en ce qu’elle portait sur ses droits propres, bien que formée postérieurement à l’expiration du délai de prescription de deux mois.

Dans le second arrêt (n° 20-18.442) une organisation syndicale représentative d’un grand magasin contestait la validité d’un accord d’entreprise, qu’elle n’avait pas signé, prévoyant que le périmètre de désignation des délégués syndicaux d’établissement serait le même que celui retenu pour les comités d’établissement (alors que le Code du travail fixe des critères de détermination plus « permissifs » s’agissant des délégués syndicaux).

Là encore, la Société soutenait que le délai d’action en nullité de l’accord de deux mois était écoulé, de sorte qu’une action en la matière, a fortiori d’une organisation syndicale, ne pouvait plus être admise.

La Cour de cassation écarte également cette interprétation, et juge que même une organisation syndicale dispose de la faculté de contester la validité d’un accord sans limitation de durée à l’occasion d’une instance relative à l’expression de ses droits propres, quand bien même elle n’aurait pas agi dans le délai de deux mois en nullité de l’accord.

Or, la limitation conventionnelle de la désignation d’un délégué syndical concernait bien les droits propres de l’organisation syndicale, en sorte qu’elle était bien admise à contester, par voie d’exception, la validité de l’accord passé ce délai de deux mois.

Il apparaît ressortir de ces nouvelles décisions que la Cour de cassation considère que toute partie intéressée, qu’il s’agisse d’un salarié, d’un CSE ou encore d’une organisation syndicale, dispose de la possibilité de s’exonérer du délai de prescription de deux mois attaché à la contestation d’un accord d’entreprise, dès lors que sa contestation porte sur la validité de l’accord quant à sa situation propre et prend la voie de l’exception.

Il faut noter que la Cour de cassation prend le soin de préciser, dans l’une de ses notices explicatives en accompagnement des arrêts, que « la question demeure en revanche plus ouverte s’agissant de l’action d’un syndicat au titre de la seule défense de l’intérêt collectif de la profession ».

https://www.courdecassation.fr/decision/621f1708459bcb7900c39e8c

https://www.courdecassation.fr/decision/621f1708459bcb7900c39e8d

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