La Cour de cassation considère que la question de la compatibilité entre une convention internationale et la loi imposant à des salariés du secteur de la santé de se faire vacciner contre la Covid-19 relève de la compétence du juge en charge de trancher le litige, à savoir la juridiction prud’homale.
En l’espèce, l’article 14 II de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire impose la vaccination contre la Covid-19 à certains salariés du secteur de la santé.
S’ils refusent de se faire vacciner, ces salariés ont la possibilité de poser des jours de congés ou de RTT.
Dans le cas contraire, leur contrat de travail est suspendu, sans versement de salaire.
Des salariés du secteur de la santé ont refusé de se soumettre à l’obligation vaccinale prévue par la loi.
Ces salariés ont saisi les conseils prud’hommes de Troyes et de Saint-Brieuc afin de contester la suspension de leur contrat de travail.
Dans le cadre de ces différentes procédures, la Cour de cassation a été saisie d’une même QPC.
Quelle était la QPC posée à la Cour de cassation
Lors de tout procès, les parties peuvent soutenir que l’un des textes de loi applicables à leur litige porte une atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution.
Elles demandent alors que Conseil Constitutionnel vérifie la constitutionnalité du texte en le saisissant de ce qu’on appelle une « question prioritaire de constitutionnalité » (QPC).
Dans le champ judiciaire, c’est à la Cour de cassation de vérifier que les conditions de transmission de cette question au Conseil Constitutionnel sont bien réunies.
En l’espèce, l’article 14 II de la loi du 5 août 2021 est-il contraire au préambule de la Constitution de 1958 qui rappelle l’engagement de la France à respecter les conventions internationales, notamment celles qui interdisent à un pays signataire de priver un travailleur quel qu’il soit de sa rémunération par le recours à différents artifices, notamment une suspension arbitraire de son contrat de travail ?
L’avis de la Cour de cassation
La Cour de cassation juge cette QPC irrecevable car :
- une QPC doit préciser quel droit ou liberté garanti par la Constitution est méconnu par la loi. Or, telle qu’elle est formulée, la QPC posée dans le cadre de ces litiges n’est pas suffisamment précise,
- si le préambule de la Constitution rappelle les engagements internationaux de la France, la mission du Conseil Constitutionnel est d’exercer un contrôle des textes de loi au regard des droits et libertés prévus par la Constitution française.
Le Conseil Constitutionnel n’est pas compétent pour exercer ce contrôle au regard des conventions internationales.
Ainsi, lorsqu’elle estime qu’une loi viole une convention internationale, une partie à un procès doit soutenir cette critique devant la juridiction chargée de trancher son litige, c’est-à-dire les conseils des prud’hommes pour ces salariés du secteur de la santé.
Dès lors, s’ils l’estiment opportun, c’est devant les conseils de prud’hommes que ces salariés du secteur de la santé devront soutenir que l’obligation vaccinale prévue par la loi du 5 août 2021 est contraire à tel ou tel article déterminé d’une convention internationale régulièrement ratifiée par la France.
À cet égard, la Cour européenne des droits de l’homme est déjà saisie de requêtes formées par des pompiers français soutenant que l’obligation vaccinale qui leur est imposée est contraire à plusieurs articles de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Cass. soc., 15 décembre 2021, n° 21-40.021 et 21-40.023
https://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/decision/2022-01-28/458261
https://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/decision/2022-01-28/457879