Les documents fixant les modalités de calcul de la rémunération variable des salariés doivent être rédigés en français.
Le caractère international de l’activité de l’employeur peut-il exonérer l’employeur de transmettre un document en langue française ?
La Cour de cassation a répondu à cette question par la négative dans un arrêt du 3 mai 2018 (n°16-13.736).
Obligation de rédiger les objectifs en français
L’article L.1321-6 du Code du travail impose l’utilisation de la langue française dans tout document créateur d’obligations pour le salarié ou contenant des informations nécessaires à l’exécution de son travail.
Les écrits qui fixent les objectifs nécessaires à la détermination variable d’un salarié entrent notamment dans cette catégorie de documents.
A l’heure de l’internationalisation des échanges, il convient toutefois de constater que l’application de ce principe n’est pas chose aisée. Les sanctions peuvent pourtant être sévères.
A défaut d’utilisation de la langue française, les objectifs sont inopposables au salarié (Cass. soc. 29 juin 2011, n°09-67.492).
Le salarié est donc en droit de demander le paiement intégral de sa rémunération variable, peu important que les objectifs aient été atteints ou non.
Par ailleurs, l’employeur ne saurait se prévaloir de la non-atteinte d’objectifs fixés en anglais pour justifier un licenciement pour insuffisance professionnelle.
Le non-respect des dispositions de l’article L.1321-6 du Code du travail est également passible d’une amende prévue pour les contraventions de 4e classe (750 euros maximum).
Un principe assorti de strictes exceptions
Deux exceptions à l’utilisation de la langue française sont posées par le Code du travail : les documents reçus de l’étranger ou destinés à des salariés de nationalité étrangère.
Ces exceptions sont toutefois appréciées strictement par la Cour de cassation.
La chambre sociale refuse notamment de prendre en considération des éléments tirés de la maîtrise par le salarié de la langue dans laquelle étaient rédigés les objectifs ou du fait qu’il travaillait usuellement dans cette langue (Cass. soc 2-4-2014 n° 12-30.191).
L’arrêt du 3 mai 2018 en est une nouvelle illustration.
Pas d’exception pour les entreprises ayant une activité internationale
Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 3 mai 2018, un salarié de nationalité française avait été engagé par une société de dimension internationale avec un salaire comprenant une part de rémunération variable.
Après son départ de l’entreprise, le salarié avait saisi le Conseil de prud’hommes pour réclamer le paiement de la part variable de sa rémunération.
Pour rejeter la demande du salarié, les juges du fond avaient considéré que la communication de documents de travail en anglais n’était pas illicite compte tenu du caractère international de l’activité de l’entreprise.
Cette motivation est censurée par la Cour de cassation qui considère que les juges d’appel ne pouvaient pas juger les objectifs opposables au salarié dès lors qu’ils n’avaient pas constaté que le salarié avait eu accès, sous quelque forme que ce soit, à un document rédigé en français fixant les objectifs permettant la détermination de la rémunération variable.
Possibilité de fixer les objectifs dans une langue étrangère si une traduction est jointe
L’employeur peut adresser les objectifs aux salariés dans une langue étrangère à condition qu’une traduction française des documents soit par ailleurs accessible aux salariés.
La Cour de cassation a en effet considéré que l’employeur qui diffuse sur son site intranet le plan de bonus rédigé en français quelques jours après l’avoir remis en anglais à ses salariés doit être regardé comme ayant satisfait à ses obligations, même si le document remis au salarié était rédigé en anglais (Cass. soc. 21 septembre 2017, n°16-20.426).
Une telle précision permet d’introduire une certaine souplesse dans le processus de rédaction des objectifs servant de base au calcul de la rémunération variable, en particulier dans les entreprises multinationales.