1° En cas de mise en place de l’activité partielle, faut-il modifier les actes formalisant les régimes pour notamment pouvoir imposer le précompte de la cotisation au salarié ?
La réponse à cette question dépend de la rédaction de l’acte de mise en place.
Dans beaucoup de situations, ces derniers ont repris les dispositions relatives au maintien du dispositif en cas de suspension de contrat de travail rémunérée en tout ou partie par l’employeur ou par un organisme tiers et au paiement des cotisations pendant cette période, tant patronales que salariales sur la rémunération maintenue, par référence aux dispositions du contrat souscrit avec l’organisme assureur.
Dans ce cas, la modification du contrat d’assurance a priori suffit.
Par ailleurs, les contrats de travail disposent souvent que le salarié bénéficiant du statut collectif en vigueur dans l’entreprise accepte le précompte des cotisations correspondantes.
En revanche, pour les entreprises qui souhaitent maintenir une cotisation sur une assiette reconstituée, notamment afin d’éviter toute diminution de prestations, la rédaction d’un avenant à l’acte de mise en place est recommandée, sous réserve du risque URSSAF que cela pourrait soulever si tous les salariés ne sont pas en activité partielle totale du fait de la fermeture de l’entreprise.
2° Le salarié en activité partielle doit-il bénéficier des régimes de protection sociale mis en place au sein de l’entreprise ?
Nous répondons à cette question par l’affirmative.
Le placement en activité partielle entraîne la suspension du contrat de travail et des obligations qui en découlent.
Les salariés reçoivent pendant cette période une indemnité horaire, versée par leur employeur, correspondant à une part de leur rémunération antérieure (C. trav., art. L. 5122-1, II).
La suspension du contrat de travail ne prive cependant pas l’intéressé de sa qualité de salarié de l’entreprise.
Il bénéficie donc, par principe, des avantages collectifs.
Aucune disposition légale ou réglementaire, ni aucune doctrine administrative de droit du travail, ne traite du sort des régimes de protection sociale pendant la suspension du contrat de travail pour activité partielle.
La seule obligation légale concerne la couverture « frais de santé » minimale à tous ses salariés, sans aucune distinction selon le statut de leur contrat de travail (CSS, art. L. 911-7).
Nombre d’obligations conventionnelles (de branche ou d’entreprise) de prévoyance « lourde », n’évoque pas davantage le cas particulier des salariés dont le contrat de travail est suspendu, quelle qu’en soit la cause.
On sait que le maintien des garanties complémentaires santé et prévoyance n’est pas assuré selon le contenu de la convention collective ou du contrat d’assurance.
C’est pourquoi d’ailleurs la CFE-CGC avait proposé qu’un ANI soit signé pour permettre une portabilité à titre exceptionnel.
Cette négociation a échoué.
Les syndicats en appellent donc au Gouvernement pour assouplir le dispositif de maintien des garanties prévoyance.
Cela étant, les principes de non-discrimination suivant la nature du contrat de travail doivent conduire, selon nous, à organiser la couverture des salariés en activité partielle.
D’ailleurs, les règles d’exonération de cotisations sociales du financement patronal des régimes collectifs et obligatoires de protection sociale complémentaire se sont toujours intéressées à la suspension du contrat de travail lorsque les salariés continuent à être rémunérés en tout ou partie par l’employeur durant cette période (CSS, art. L. 242-1, II, 4°).
La circulaire de la Direction de la sécurité sociale (DSS) n° DSS/5B/2009/32 du 30 janvier 2009 précise (fiche n° 7) que : « Le bénéfice des garanties mises en place dans l’entreprise doivent être maintenues au profit des salariés dont le contrat de travail est suspendu pour la période au titre de laquelle ils bénéficient :
- soit d’un maintien, total ou partiel, de salaire,
- soit d’indemnités journalières complémentaires financées au moins pour partie par l’employeur, qu’elles soient versées directement par l’employeur ou pour son compte par l’intermédiaire d’un tiers.
La contribution de l’employeur, calculée selon les règles applicables à la catégorie de personnes dont relève le salarié, doit être maintenue pendant toute la période de suspension du contrat de travail indemnisée (sauf si le système prévoit un maintien de la garantie à titre gratuit).
Le salarié dont le contrat de travail est suspendu doit acquitter la part salariale de la cotisation, calculée selon les règles prévues par le régime (sauf si la garantie est maintenue à titre gratuit). »
Le chômage partiel est un cas de suspension du contrat de travail indemnisée par l’employeur.
Dans une lettre-circulaire « questions-réponses » n° 2011-036 du 24 mars 2011 (certes dépourvue de valeur contraignante), l’Agence centrale des organismes de Sécurité sociale (ACOSS) avait directement visé la « suspension du contrat de travail […] en cas de chômage partiel » (devenu activité partielle en 2013) parmi les cas de suspension du contrat de travail indemnisée par l’employeur devant donner lieu à maintien des garanties complémentaires sous peine de remise en cause du caractère collectif et obligatoire du régime (Q/R n° 48).
D’une manière générale, l’ACOSS avait énoncé que la suspension indemnisée du contrat de travail « vise les salariés dont le contrat de travail est suspendu, quelle qu’en soit la cause, raison médicale ou autre, et bénéficiant de la part de l’employeur d’un revenu, quelle qu’en soit la nature (revenu d’activité ou de remplacement).
3° Le salarié doit se voir maintenir la couverture, mais sur quelle assiette cotiser en telle hypothèse ?
Un grand nombre de contrats d’assurance détermine la cotisation due en pourcentage de la rémunération de chaque salarié (ce qui est toujours le cas en matière de prévoyance « lourde »), assujettie à cotisation sociales par référence à l’article L. 242-1 du Code de la Sécurité sociale.
C’est moins fréquent pour les cotisations destinées à financer les couvertures « frais de santé » où la cotisation est le plus souvent forfaitaire (déterminée en pourcentage du plafond mensuel de la Sécurité sociale) et reste ainsi due quelle que soit la nature de la rémunération.
Or, par application des articles L. 5122-4, L. 5422-10 et L. 5428-1 du Code du travail, l’indemnité d’activité partielle étant exclue de l’assiette des cotisations de Sécurité sociale définie à l’article L. 242-1 du Code de la Sécurité sociale, elle n’entre corrélativement pas dans l’assiette des cotisations d’assurance aux termes mêmes du contrat.
En application stricte des stipulations contractuelles, les entreprises ne sont donc pas tenues de verser de cotisations sur les indemnités d’activité partielle en raison d’une assiette nulle, à tout le moins lorsque le passage en activité partielle est total.
Dans le cadre de leurs obligations d’information et de conseil, les organismes assureurs doivent garantir à leurs entreprises clientes la conformité de leurs contrats aux règles d’exonération de cotisations sociales.
Il convient donc d’amender les contrats pour autoriser la cotisation au moins sur l’indemnité versée au salarié au titre de l’activité partielle.
A l’avenir, cette hypothèse devrait à notre sens être envisagée dans les conditions générales de ces contrats.
La question ne se pose pas si les salaires pris en compte sont définis par référence au revenu imposable, l’indemnité d’activité partielle restant soumise à l’impôt.
4° L’entreprise peut-elle décider de modifier sa quote-part de cotisation pour les seuls salariés en activité partielle ?
Pour que les cotisations patronales affectées au financement de la protection sociale puissent bénéficier des exonérations de charges sociales, elles doivent bénéficier à une catégorie objective de salariés définie par l’article R. 242-1-1 du Code de la Sécurité sociale.
Or, le fait d’être un salarié en activité partielle ne permet pas de définir une catégorie objective de salariés au sens des critères visés, le temps de travail ne pouvant par ailleurs être pris en compte.
Cela n’est possible que si tous les salariés de l’entreprise, de l’établissement ou encore d’une catégorie permettant de se rattacher aux critères identifiés sont concernés par l’activité partielle.
Cela suppose également de modifier l’acte de mise en place régissant l’entreprise, l’établissement ou encore la catégorie de salariés concernés.
Une autre solution peut être de majorer l’indemnité d’activité partielle pour rendre supportable le précompte poursuivi de la cotisation pendant la période d’activité partielle.
5° Comment en pareille hypothèse et en cas d’activité partielle, la rémunération minimale garantie doit-elle être définie ?
Le salarié en activité partielle reçoit une indemnité horaire (dans la limite de la durée légale de travail) correspondant à 70 % de sa rémunération brute (C. trav., art. R. 5122-18, al. 1).
Cette indemnité est exonérée de cotisations de Sécurité sociale (patronales et salariales) et soumise à la CSG au taux de 6,2 % et la CRDS au taux de 0,5 % sur 98,25 % de l’indemnité.
Si après versement de l’indemnité d’activité partielle, la rémunération d’un salarié est inférieure à la rémunération mensuelle minimale (RMM garantie par les articles L. 3232-1 et suivants du Code du travail pour les salariés à temps plein), l’employeur est alors dans l’obligation de lui verser une allocation complémentaire, égale à la différence entre la rémunération mensuelle minimale (ou SMIC net) et la somme initialement perçue par le salarié.
L’article L. 3232-3 du Code du travail dispose :
« La rémunération mensuelle minimale est égale au produit du montant du salaire minimum de croissance tel qu’il est fixé en application des articles L. 3231-2 à L. 3231-12, par le nombre d’heures correspondant à la durée légale hebdomadaire pour le mois considéré.
Elle ne peut excéder, après déduction des cotisations obligatoires retenues par l’employeur, la rémunération nette qui aurait été perçue pour un travail effectif de même durée payé au taux du salaire minimum de croissance. »
A notre sens, les cotisations complémentaires rendues obligatoires par l’entreprise elle-même ou par accord collectif, tant en santé et prévoyance doivent également être déduites.
Le législateur n’a en effet pas limité la notion de cotisations obligatoires à celles qui sont d’origine légale.
Il n’y a dès lors pas lieu de distinguer là où la loi ne distingue pas. Retenir une autre solution conduirait le salarié à percevoir un salaire net plus important que s’il avait travaillé.
6° Quels sont les arrêts qui doivent être pris en charge par la Sécurité sociale / par l’entreprise ? Comment ces arrêts sont-ils indemnisés et pour combien de temps ?
Pour une lecture facilitée, les réponses à ces questions sont apportées sous forme de tableaux à jour des dernières modifications nées de l’ordonnance n° 2020-428 du 15 avrl 2020, du décret n° 2020-434 du 16 avril 2020.
En revanche, elles ne prennent pas en compte les indemnités journalières complémentaires susceptibles d’être versées par les organismes assureurs.
L’indemnisation due au titre des arrêts dérogatoires (attention aux dispositions conventionnelles pour les arrêts maladie) est de 90 % de la rémunération brute que le salarié aurait perçue s’il avait continué à travailler pour toute la durée de l’arrêt (CSS, art. D. 1226-4, mod. par l’art. 1er, 2° du décret n° 2020-434 du 16 avril 2020).
Cela ne vaut que pour les salariés qui seraient normalement au travail.
Si l’entreprise a sollicité le recours à l’activité partielle, le salarié en arrêt dérogatoire devrait cesser d’être pris en charge à compter de la prise d’effet de l’activité partielle et être indemnisé à ce titre pour la période restant à courir.
En tout état de cause, l’ordonnance du 22 avril a prévu la cessation de ces arrêts de travail par un retour systématique des salariés ne reprenant pas leur activité dans le chômage partiel à effet du 1er mai 2020.
7° Les dispositions conventionnelles applicables en matière d’arrêt de travail pour maladie sont-elles applicables aux arrêts dérogatoires ?
Le ministère du travail considère que les dispositions conventionnelles doivent s’appliquer (avec en principe, les délais de carence institués conventionnellement qui n’ont pas été modifiés par les textes).
8° Pour quels arrêts de travail les organismes assureurs sont-ils tenus d’intervenir ? Dans quelles conditions ? Pour quels arrêts ont-ils pris des engagements ?
Les organismes assureurs ne sont tenus d’intervenir que pour les arrêts de travail liés à la maladie ou à l’accident.
La prise en charge d’autres types d’arrêts n’est jamais prévue par les contrats de protection sociale.
Il en est de même s’agissant des contrats dits de « mensualisation » qui prennent en charge tout ou partie du maintien de salaire dû aux salariés par l’employeur en cas de maladie ou d’accident.
Les dispositions du contrat et notamment les délais de franchise prévus qui peuvent être plus ou moins longs seront respectés.
Face à la situation exceptionnelle, les organismes assureurs ont cependant pris un certain nombre d’engagements indépendamment des dispositions contractuelles notamment pour la prise en charge des arrêts Covid-19 des personnes vulnérables et sous conditions qu’ils soient intervenus avant la décision du confinement généralisé, et pour un certain nombre d’entre eux, des arrêts liés à la garde d’enfants.
Des engagements complémentaires ont été annoncés dans certaines branches professionnelles qui ont procédé à des recommandations d’organismes.
Il est essentiel que chaque employeur interroge son organisme assureur et construise, avec lui, le régime indemnitaire de ses salariés en fonction de la situation, totalement inédite.
9° Quelle est l’incidence de l’activité partielle sur les droits à retraite ?
L’indemnité d’activité partielle est exonérée de cotisations de Sécurité sociale, y compris d’assurance vieillesse, et de cotisations au régime complémentaire AGIRC-ARRCO.
Or, dans ces régimes de retraite, les droits sont étroitement liés aux cotisations : la détermination de la durée d’assurance et du salaire de référence dépendant du montant de rémunération annuelle soumise à cotisations et le nombre de points du montant des cotisations versées.
L’indemnité ne génère donc par principe aucun droit en la matière.
Cependant, ces régimes prévoient des dispositifs de solidarité :
Pour la retraite de base du régime général, le mécanisme de « périodes assimilées » prévu aux articles L. 351-3 et R. 351-12 du Code de la Sécurité sociale permet la validation d’un trimestre par tranche de 50 jours d’indemnisation
au titre de l’activité partielle, comme toujours dans la limite de quatre trimestres par an.
Ces trimestres sont pris en compte pour l’atteinte du taux plein et pour le coefficient de proratisation.
En revanche, l’indemnité d’activité partielle n’est pas intégrée au salaire annuel moyen pour le calcul des 25 meilleures années.
Pour la retraite complémentaire AGIRC-ARRCO, les heures indemnisées au titre de l’activité partielle au-delà de 60 heures par an donnent lieu à l’attribution de points « gratuits » en application de l’article 67 de l’ANI de 2017.
Ces points sont calculés en majorant les rémunérations perçues pendant l’année par un coefficient tenant compte du nombre d’heures, au-delà de 60, ayant été indemnisées au titre de l’activité partielle.
La majoration de rémunération ainsi obtenue est ensuite multipliée par le taux contractuel de cotisation, puis le résultat est divisé par la valeur d’achat du point de l’année considérée.
Pour la retraite supplémentaire, l’indemnité d’activité partielle peut rester soumise aux cotisations de retraite supplémentaire au même titre que les autres cotisations de protection sociale liées à la couverture santé ou à la prévoyance et il convient en la matière de se reporter aux dispositions de l’acte de droit du travail encadrant les garanties et au contrat d’assurance ou au plan d’épargne retraite.
10° En cas de généralisation des équipements de protection individuelle ou encore des tests de dépistage, leur financement sera-t-il pris en charge par l’assurance maladie et/ou par les complémentaires santé ?
Le déconfinement progressif est prévu pour le 11 mai 2020.
Les équipements de protection individuelle ont été au coeur des questions posées par les salariés devant poursuivre leur activité : pouvaient-ils en bénéficier ? Comment ?
Des consignes ont été données sur le sujet par les services de santé au travail quand ce ne sont pas les tribunaux, qui, saisis par l’inspection du travail ou par les syndicats, constatant leur absence ou leur insuffisance, ont décidé que le travail était impossible tant que les conditions de sécurité n’étaient pas réunies.
Indépendamment de la disponibilité des équipements ou encore de tests de dépistage fiables, ces derniers feront-ils l’objet d’une prise en charge par l’assurance maladie et par les complémentaires santé ?
A notre sens, les masques ou le gel hydroalcoolique ne le devraient pas.
Ils ne l’avaient pas été lors de la grippe H1N1.
Qu’en sera-t-il des tests ?
Pour l’instant, les tests (au moins les tests PCR (réaction en chaîne par polymérase), les tests sérologiques étant toujours en phase d’évaluation) pour être pratiqués doivent être prescrits par un médecin.
Ils sont alors remboursés par l’assurance maladie et donc, par les complémentaires santé qui doivent prendre en charge dans le cadre du contrat responsable le ticket modérateur.
S’ils sont généralisés ou demandés par les salariés avant de reprendre le travail, qu’en sera-t-il ?
A ce stade, il est difficile de le prévoir.
A crise d’envergure, mesures exceptionnelles et évolutives pour s’adapter au plus près des besoins et des attentes exprimées par la société civile, les entreprises, les salariés ou leurs représentants.
Être en veille constante sur ces sujets restera indispensable pendant encore de nombreuses semaines, voire de nombreux mois.