En période de confinement, la procédure disciplinaire et en particulier l’entretien peut-il continuer à se tenir ?
Il ressort des articles L1232-2 et L1232-3 du code du travail que l’employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable et qu’au cours de cet entretien, l’employeur indique les motifs de la décision envisagée et recueille les explications du salarié.
L’Article L1232-4 dispose quant à lui que le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise.
Par ailleurs, l’article L1232-6 du même code édicte que lorsque l’employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception laquelle comporte l’énoncé du ou des motifs invoqués par l’employeur et ne peut être expédiée moins de deux jours ouvrables après la date prévue de l’entretien préalable au licenciement auquel le salarié a été convoqué.
Deux questions principales vont alors se poser, comment adresser les courriers recommandés pour dans un premier temps convoquer le salarié à un entretien préalable au licenciement et dans un second temps si cela s’avère nécessaire le licencier ? et comment tenir concrètement cet entretien ?
Sur ce point, nous n’avons à ce jour que très peu de recul, la France ne s’étant auparavant jamais trouvée dans une telle situation, et la jurisprudence n’étant donc pas à jour sur cette question.
Cependant, nous pouvons nous baser sur des cas se rapprochant au mieux de notre situation pour répondre à nos questions.
Concernant dans un premier temps l’envoi des courriers, certaines postes étant fermées ou leur accès rendu parfois particulièrement compliqué, faisant notamment courir un risque de contamination, il est conseillé aux employeurs d’avoir recours au service mis en ligne par la poste, imprimant vos courriers et les adressant directement pour vous en LRAR, sans que vous ayez à vous déplacer : https://www.laposte.fr/lettre-recommandee-en-ligne.
Concernant la tenue effectivement de l’entretien préalable, si la convocation à entretien préalable a déjà été adressée au salarié, la procédure de licenciement est donc d’ores et déjà lancée.
L’employeur devra donc s’intéresser de près aux délais de prescription pouvant s’appliquer, notamment dans le cadre d’un licenciement disciplinaire, devant être introduite dans un délai de deux mois.
Par ailleurs, il est recommandé à l’employeur de reporter la date de l’entretien déjà fixée, à la fin du confinement.
En effet, l’employeur dispose d’un délai d’un mois pour notifier la sanction une fois l’entretien effectué.
En l’occurrence outre le fait que l’Ordonnance du 26 mars dernier sur la prolongation des délais interrompt la prescription pendant la période de crise liée au Covid-19, le délai d’un mois ne commençant à courir qu’à compter de la tenue de l’entretien, il n’y a aucune urgence à ce que l’entretien préalable se tiennent pendant le confinement.
Dans le cas cette fois où la procédure de licenciement n’a pas débutée : là encore l’ordonnance précitée prévoit une suspension des délais de prescription pendant cette période exceptionnelle, de sorte que l’employeur pourrait envisager de notifier l’entretien préalable à la fin du délai du confinement.
Cependant, les modalités du décret étant d’application large et n’ayant donné lieu pour l’heure à aucun contentieux et donc à aucune jurisprudence, les services postaux fonctionnant, il est conseillé aux employeurs de débuter la procédure pendant la période de confinement.
Pour plus de sécurité, il pourra être envisagé la tenue de l’entretien à une date postérieure, permettant aux parties de se rencontrer physiquement.
Dans le cas où l’employeur doit de manière urgente se séparer du salarié et ne peut reporter l’entretien à une date postérieure à la fin du confinement (celle-ci ayant incertaine), il est précisé les éléments suivants :
La chambre sociale de la Cour d’Appel de Grenoble a très récemment jugé dans un cas similaire que d’un commun accord, des parties qui avaient accepté la mise en place d’une conférence vidéo Skype au cours de laquelle chacune a pu faire entendre son argumentation de façon parfaitement claire, respectant la confidentialité de l’entretien, qu’il ne ressort cependant pas des dispositions réglementaires d’application des articles L1232-2 et L1232-3 du code du travail que l’entretien préalable à licenciement peut se dérouler par visio-conférence.
Il est constant qu’en matière pénale, l’usage de la visio-conférence est autorisé, cependant, cette mise en œuvre est expressément prévue et encadrée par la loi.
Le Code du travail ne comprend aucune disposition permettant de déroger au principe d’une rencontre physique.
Ainsi, privé de la possibilité d’une rencontre physique avec son employeur, la Cour a considéré que le salarié avait subi un préjudice du fait des conditions dans lesquelles s’est tenu cet entretien, justifiant de lui allouer des dommages et intérêts.
De son côté, le tribunal administratif de Limoges précisait que l’accord du salarié sur la procédure de licenciement menée par visioconférence et le fait que l’employeur a pu au cours de cet échange indiquer les motifs du licenciement envisagé et recueillir les explications du salarié, ont permis d’engager un dialogue entre l’employeur et le salarié et a jugé en conséquence que la tenue de l’entretien préalable au licenciement par visioconférence n’a pas rendu irrégulière la procédure engagée.
Ces deux décisions étant contradictoires et le code du travail ne prévoyant pas la possibilité de tenir l’entretien préalable par visioconférence, la jurisprudence future devra donc apporter des précisions et se positionner clairement quant à ce nouveau mode de procédé auquel les entreprises devront avoir recours pendant la période de confinement.
A l’heure actuelle, les entreprises n’auront cependant pas d’autres choix que de proposer une visioconférence, en respectant les règles de confidentialité, la possibilité de se faire assister en invitant la personne choisie à participer à la visioconférence, d’obtenir l’accord du salarié pour effectuer la procédure par vision conférence et de veiller à ce que chaque partie puisse faire entendre son argumentation de façon claire et précise, laissant alors la possibilité à l’employeur de prendre sa décision finale.
Cependant, compte tenu de ce qui a précédemment été évoqué, il existe un fort aléa juridique et il est donc vivement conseillé aux employeurs de préférer d’autres solutions que le licenciement en cette période de crise, d’autant que compte tenu du message adressé par la Ministre du travail, les décisions contentieuses risquent d’être sévères à l’encontre des employeurs.