Dans la période de confinement, les entreprises recourent massivement au régime d’allocation partielle pour faire face temporairement à la baisse soudaine d’activité mais il ne fait aucun doute que la piste d’atterrissage d’après crise sera douloureuse afin d’éviter les effets lourds de procédures de licenciement économique qui pourront d’ailleurs, le cas échéant, être interdites ou limitées par le Gouvernement à l’instar de l’Italie ou de l’Espagne.
A cet égard, la solution de la conclusion d’un accord de performance collective doit être examinée avec intérêt.
Jusqu’aux ordonnances de septembre 2017, les accords de performance collective n’avaient pas rencontrés beaucoup de succès.
En faisant sauter le verrou de l’accord du salarié, les ordonnances ont permis d’encourager davantage ce dispositif qui pourra être un outil adapté d’après crise.
Un champ d’application très large
Selon les termes du Code du travail, cet accord permet, afin de répondre aux nécessités liées au fonctionnement de l’entreprise ou en vue de préserver ou de développer l’emploi :
- d’aménager la durée du travail, ses modalités d’organisation et de répartition,
- d’aménager la rémunération dans le respect des salaires minima hiérarchiques,
- de déterminer les conditions de mobilité professionnelle ou géographique interne à l’entreprise.
Ces accords doivent répondre à des besoins liés aux nécessités de l’entreprise avec ou sans difficultés économiques.
Ils ouvrent ainsi un large champ des possibles pour les entreprises.
Aménager la durée et l’organisation du travail
La durée du travail et l’organisation du travail sont des sujets récurrents dans les accords consultés.
Parmi ces derniers, une entreprise peut avoir recours à un tel accord afin d’adapter l’organisation du travail et d’aménager la durée du travail sur l’année dans l’objectif de renforcer sa performance en contrepartie de promesses d’embauches.
Une autre société pourra souhaiter mieux s’armer face à la concurrence et assurer un certain niveau de compétitivité, tout en sécurisant les acquis des salariés.
Enfin, une troisième recours à l’accord de performance afin de gérer les effets d’un projet de fusion en aménageant le temps de travail via la mise en place d’une organisation du travail au sein des deux établissements de l’entreprise issus de la fusion.
Le recours à l’accord de performance collective en matière de durée du travail doit toutefois être manipulé avec précaution lorsqu’il a également un impact sur les salaires.
L’entreprise qui recourt à un tel accord pour augmenter la durée du travail sans augmenter la rémunération doit le faire seulement si elle rencontre des difficultés économiques, étant précisé toutefois que l’accord de performance collective est une alternative bienvenue au PSE.
Même prudence pour l’utilisation de l’accord de performance collective pour modifier le dispositif de forfait jours qui peut être nécessaire afin d’adresser le signal que les efforts sont partagés entre tous mais dans ce cas, cette modification doit s’intégrer dans un accord de performance collective plus global qui ne traite pas uniquement du forfait jours.
Recourir à l’accord de performance collective en matière de durée du travail et non à un accord classique permet aussi de sécuriser les modifications du contrat de travail le cas échéant.
Les entreprises peuvent continuer à procéder par accord classique lorsque la norme collective se substitue à une autre norme collective.
Si l’entreprise veut descendre au niveau de la norme individuelle (le contrat de travail), il faut alors privilégier l’accord de performance collective qu’il peut notamment être intéressant de coupler avec un accord sur la durée du travail avec une révision imposée du forfait jours.
Gérer les déménagements d’entreprise
L’accord de performance collective représente également un outil pour gérer les déménagements d’entreprise et leurs conséquences.
En cas de déménagement d’entreprise, l’accord de performance collective permet vraiment de simplifier la procédure.
Ce nouveau dispositif évite la mise en place d’un PSE dès lors que 10 salariés au moins refusent le déménagement avec des risques sur la qualification du licenciement.
Auparavant, il fallait mettre sur pied un PSE si des salariés refusaient d’aller travailler sur le nouveau lieu quand bien même le déménagement était lié à la croissance et à la nécessité de se développer.
Un PSE était donc risqué et coûtait cher (mesures de reclassement, obligation de revitalisation, …).
Aménager les rémunérations
L’article L 2254-2 du Code du travail permet le recours à l’accord de performance collective pour traiter des rémunérations.
On peut l’imaginer par exemple sur une période courte mais intense où l’entreprise anticipe des difficultés.
L’entreprise pourrait ainsi décider de baisser telle prime ou tel coefficient de majoration par le biais d’un accord de performance collective à durée déterminée.
Pourquoi négocier un accord de performance collective ?
Si l’accord de performance collective est destiné à relancer l’emploi en permettant à l’entreprise de s’adapter aux fluctuations du marché, il ne devait pas nécessairement se justifier par des difficultés économiques.
La mise en exergue d’une situation économique dégradée ou risquant de l’être pourrait cependant constituer un argument fort en faveur de l’engagement de la négociation d’un tel accord dans le contexte d’après crise.
Défini par l’article L. 2254-2 du Code du travail, il s’agit d’un accord d’entreprise ou d’établissement négocié en vue « de répondre aux nécessités liées au fonctionnement de l’entreprise ou en vue de préserver, ou de développer l’emploi ».
Cet accord permet donc de modifier, par la négociation collective, les contrats de travail des salariés.
A titre d’exemples, le recours à un accord de performance collective permet :
- d’augmenter le temps de travail sans augmenter la rémunération,
- de réorganiser le temps de travail dans le cadre d’une restructuration d’entreprise (fusion, scission, etc),
- de revoir le temps de travail dans le cadre d’une expansion ou d’une contraction de marché
Comme tous les accords collectifs, il peut être à durée déterminée ou indéterminée.
L’accord de performance collective permet aussi d’éviter que des mesures incitatives conduisent au départ d’un trop grand nombre de salariés.
L’accord de performance collective empêche les effets d’opportunisme et l’appel d’air avec le risque de perdre les talents de l’entreprise.
Certaines mesures du PSE créaient une attractivité très forte pour certains salariés qui les incitaient plutôt à partir.
Aujourd’hui, l’objectif n’est pas de refaire un PSE. Il faut toutefois adapter la nature des mesures aux caractéristiques de la population (âge, ancienneté, distance,…).
Un tel accord par rapport à un PSE permet de mieux travailler les mesures d’accompagnement et il faut démontrer au contraire que le projet n’est véritablement pas de licencier.
Que doit contenir l’accord de performance collective ?
Le préambule fixe l’objectif poursuivi par l’accord.
Le Code du travail prévoit en outre que l’accord peut :
- aménager la durée du travail, ses modalités d’organisation et de répartition,
- aménager la rémunération dans le respect des salaires minima hiérarchiques,
- déterminer les conditions de la mobilité professionnelle ou géographique interne à l’entreprise
Bien entendu, l’accord ne permet pas d’outrepasser les règles d’ordre public concernant notamment la durée maximum de travail, le temps de repos, le forfait jour ou le SMIC.
Le Code du travail ajoute que l’accord peut également comporter des clauses mentionnant :
« 1° Les modalités d’information des salariés sur son application et son suivi pendant toute sa durée, ainsi que, le cas échéant, l’examen de la situation des salariés au terme de l’accord ;
2° Les conditions dans lesquelles fournissent des efforts proportionnés à ceux demandés aux salariés pendant toute sa durée :
– les dirigeants salariés exerçant dans le périmètre de l’accord ;
– les mandataires sociaux et les actionnaires, dans le respect des compétences des organes d’administration et de surveillance ;
3° Les modalités selon lesquelles sont conciliées la vie professionnelle et la vie personnelle et familiale des salariés ;
4° Les modalités d’accompagnement des salariés ainsi que l’abondement du compte personnel de formation au-delà du montant minimal défini au décret mentionné au VI du présent article. »
Comment négocier et signer un accord de performance collective ?
L’accord de performance collective est un accord collectif de droit commun.
- Dans les entreprises d’au moins 50 salariés :
– négociation et signature de l’accord selon les modalités habituelles pour les accords collectifs (L. 2232-12 et L. 2232-24 à L. 2232-26. c. trav.),
– il convient de noter que dans ces entreprises de 50 salariés ou plus, le CSE peut mandater un expert-comptable pour les aider à préparer la négociation et les conseiller. 20% des frais ainsi occasionnés sont pris en charge par le CSE lui-même sur son budget de fonctionnement, et 80% par l’employeur.
- Dans les entreprises de moins de 50 salariés:
– les entreprises à effectif habituel de moins de 11 salariés ou entre 11 et 20 en l’absence d’élu au CSE : suivant les modalités des articles L 2232-21 à L 2232-22-1 du code du travail,
– les entreprises à effectif habituel compris entre 11 et 20 salariés sans élu au CSE ou pour les entreprises de plus de 20 à moins de 50 salariés : suivant les modalités de l’article L 2232-23-1 du code du travail.
L’employeur doit informer les salariés, par tous moyens conférant une date certaine à la notification, du contenu de l’accord et de leur droit de refuser.
L’employé a ensuite un mois pour refuser par écrit.
Passé ce délai, il est réputé avoir accepté, et se verra appliquer, comme s’il avait exprimé son accord, les clauses nouvelles contraires et incompatibles à son contrat de travail.
L’accord doit ensuite être déposé en ligne sur la plateforme mise en place par le ministère du Travail, mais ne sera pas rendu public.
Quelles sont les conséquences pour les salariés ?
L’accord valablement adopté a pour effet de se substituer de plein droit aux clauses contraires et incompatibles du contrat de travail, y compris en matière de rémunération, de durée du travail et de mobilité professionnelle ou géographique interne à l’entreprise.
Si un salarié refuse que son contrat de travail ou ses conditions de travail soient modifiés par l’application de l’accord de performance collective, l’employeur dispose de deux mois pour engager une procédure de licenciement.
Il reposera alors sur une cause réelle et sérieuse (la non-acceptation des effets de l’accord de performance collective).
La procédure de droit commun pour motif personnel (et non économique) sera applicable.
Le salarié percevra des indemnités légales ou conventionnelles de licenciement et de préavis et de congés payés non pris.
De plus, l’employeur devra effectuer un abondement de 3000 euros minimum au compte personnel de formation (100 heures à 30 euros).
Cet abondement du compte personnel de formation (CPF) n’est pas pris en compte pour le calcul du plafond du CPF ni pour le calcul des droits crédités chaque année.
La communication, une des conditions de la réussite
Le succès de l’application d’un accord de performance collective réside aussi dans la communication.
Il faut faire accepter les mesures et leur donner du sens.
Il est nécessaire de communiquer et de dialoguer avec les partenaires sociaux et les salariés.
Il peut ainsi être utile d’ajouter une clause relative à l’information.
C’est d’ailleurs aussi l’un des rôles du préambule qui est obligatoire quand bien même son absence n’est pas sanctionnée.
Sa rédaction ne doit pas être négligée.